Menteur, schizophrène… de quoi souffre Jérôme Cahuzac?

JOL Press : Selon vous le comportement de Jérôme Cahuzac correspond-il à une pathologie psychologique spécifique ?

Claudine Biland : Le mensonge de Jérôme Cahuzac est particulier, car il est énorme et au sommet de l’Etat, mais ce mensonge est tout ce qu’il y a de plus banal, comme on est capable d’en faire tous, plus ou moins graves et plus ou moins toxiques. Evidemment, nous ne sommes pas tous ministre du Budget et nous n’avons pas tous 600 000 euros sur un compte en Suisse.

J. Cahuzac ne semble pas dans le déni de la réalité, ni  atteint de schizophrénie. Il a eu le choix de dire la vérité et a choisi de ne pas la dire. Il a été entraîné dans cette spirale du mensonge. Imaginez un peu : vous êtes à la croisée des chemins, deux routes se présentent à vous. A droite, la vérité, et à gauche le mensonge. En choisissant ce chemin du mensonge, Jérôme Cahuzac a été contraint de mentir à chaque interview, en répondant aux questions de l’Assemblée, devant le Président et le Premier ministre. Il n'a pas pu faire marche arrière et a continué de mentir, avec beaucoup de talent je dois dire.

JOL Press : Cette spirale du mensonge révèle-t-elle la volonté de Jérôme Cahuzac d’accéder au pouvoir à tout prix et d’y rester ?

Claudine Biland : Je pense pas que la question du pouvoir entre ici en jeu. Je crois plutôt que l’ancien ministre du Budget a appliqué un principe qui marche souvent: plus le mensonge est gros, plus il passe ! Jérôme Cahuzac a peut-être pensé qu'il passerait entre les gouttes. Il a fait preuve de beaucoup d’aplomb, très sûr de lui, jusqu’à menacer de porter plainte en diffamation.

JOL Press : Jérôme Cahuzac était-il conscient de ses mensonges ou a-t-il perdu la notion de la réalité ?

Claudine Biland : Je pense qu'il était parfaitement conscient. Si mes informations sont bonnes, il a avoué pour des raisons juridiques afin d’assurer sa défense. Ce n’est pas de la mythomanie dont il a fait preuve, c’est d’un aplomb incroyable. Il s’est simplement enfermé dans cette spirale du mensonge, comme tous les menteurs.

JOL Press : « Le mensonge est-il une vertu politique ? » était l’un des sujets de philosophie proposés au Bac en 2012. Est-ce que l’on forcément amené à mentir lorsqu’on est un homme politique ?

Claudine Biland : Il existe deux formes de mensonges : la falsification, c'est à dire mentir sur les faits, et l’omission, choisir ne rien dire. Les hommes politiques utilisent souvent la deuxième forme : le mensonge par omission, en se taisant. Jusqu’au jour où des journalistes - comme MédiaPart - ont des informations tellement précises et vérifiables directement par les juges que les politiques sont contraints de faire des aveux.

JOL Press : Selon-vous, le fameux enregistrement de Mediapart n’est pas un acte manqué : son inconscient a trouvé une solution à son dilemme : se dénoncer ?

Claudine Biland : Une psychologisation à outrance dans le cas de Jérôme Cahuzac ne me paraît pas judicieuse pour l’instant. La personnalité de l’ancien ministre du Budget a joué dans cette histoire, c’est indéniable. Il faut avoir un seuil moral relativement bas pour soutenir un mensonge pareil.

JOL Press : Selon vous, dans quel état d’esprit est-il en ce moment ?

Claudine Biland : Il doit être rongé par le remord, mais surtout soulagé. Comme tous les grands menteurs et mythomanes, le fait d'avouer leur faute leur procure un sentiment de soulagement. A moment donné, le mensonge doit s'arrêter car cela n’est plus vivable.

JOL Press : Comment se reconstruit-on après une situation psychologie si complexe ? 

Claudine Biland : Dans un premier temps, il faudra déterminé si Jérôme Cahuzac est ébranlé psychologiquement. Si c’est le cas, il mettra beaucoup de temps à s’en remettre, peut-être même qu’il ne s’en remettra jamais. Comme le proverbe français qui dit « Calomniez, Calomniez, il en restera toujours quelques chose », on pourrait dire « Mentez, mentez, et faîtes-vous attraper, il en restera toujours quelques chose » dans le cas de l’affaire Cahuzac. Jusqu’à la fin de ses jours, l’ancien ministre sera regardé comme quelqu’un qui a menti éhontément. Il est allé très loin dans ses mensonges et la charge en face va être la hauteur de cette faute impardonnable, d’une gravité extrême, selon les propres termes de François Hollande.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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