"L’oubli et ses vertus" de Simon-Daniel Kipman chez Albin Michel …

La revue de presse : Robert Maggiori - Libération du 29 août 2013

Simon-David Kipman est psychiatre et psychanalyste. Il eût pu aisément se contenter, pour éclairer l'oubli, de suivre Freud, qui l'associe à d'autres phénomènes psychiques «révélateurs» de conflits intérieurs, tels que l'acte manqué, le symptôme névrotique ou le lapsus, et le fait dépendre, comme le rêve, des mécanismes du refoulement, du déplacement et de la condensation - quitte à souligner les limites de ses théorisations (Freud s'intéresse moins au fait même d'oublier qu'aux méthodes qui «font revenir» ce que l'oubli a refoulé) et à les prolonger par celles de Wilfred Ruprecht Bion. Ou bien favoriser l'examen psychiatrique («je plaide pour une clinique psychiatrique respectueuse de la personne»), quand bien même cela l'aurait conduit à analyser non l'oubli proprement dit, mais plutôt les pathologies de la mémoire, celles des personnes âgées entre autres, ou des malades d'Alzheimer. Il fait l'un et l'autre, bien sûr. Mais, dans l'Oubli et ses vertus, Kipman propose une «recherche méditative» qui multiplie les approches (tantôt appuyées, sans lourdeur, sur la philosophie, la littérature, la mythologie, tantôt sur l'histoire, la psychologie ou les neurosciences) de telle sorte que, de l'oubli, rien ne soit oublié...
Toujours conçu comme défaillance, carence, coupure de la pensée, apprécié seulement lorsqu'il sert de sédatif aux tourments du deuil et des offenses subies, l'oubli, s'il est ce par quoi la vie se construit en liberté, apparaît alors moins monstrueux qu'on ne le dit. Ou que ne le dit la mythologie, qui, de Léthé, faisait la fille de la Nuit, la soeur de la Faim, du Serment, de la Douleur et de la Peine.

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