Libre-opinion – Cancer: abandonnons les métaphores guerrières

En ce mois d’avril, mois du cancer, je souhaite à chaque personne touchée par le cancer de vivre ce défi de santé à sa façon. Si l’utilisation de métaphores guerrières (arsenal thérapeutique, traitements de première et de deuxième lignes, attaquer, tuer les cellules, vaincre le cancer, éliminer, éradiquer, se battre, ne pas se « laisser avoir », gagner la bataille, perdre le combat, etc.) est présente depuis tant d’années en oncologie, c’est que professionnels de la santé et patients ont tous à coeur un seul but : vivre. Or, oui, il est vrai, la cellule cancéreuse peut induire la mort physique, et ce, parfois beaucoup trop tôt, beaucoup trop vite, de manière inattendue, bref jamais à un bon moment. Et pourtant, composer avec le cancer, c’est aussi vivre.

Des faits : la maladie oncologique fait partie de l’humanité depuis la nuit des temps (des métastases osseuses ont été retrouvées sur des squelettes de dinosaures), elle se développe tant dans le monde végétal qu’animal (homo sapiens et autres espèces). Pourtant, ces faits sont généralement méconnus. Et plusieurs croyances circulent. Ne dit-on pas : le cancer est LA maladie du XXIe siècle ? Une maladie que l’on s’impose ? Une maladie induite par des conflits psychiques ou émotifs ?

Pourquoi ces croyances ? Parce que le cancer fait peur. Parce que l’on peut en mourir ? Oui, la peur de mourir est probablement l’une des origines de ces croyances.

Et, il y a ce côté imprévisible et inconnu. Nul ne peut prédire avec certitude l’issue d’un traitement oncologique, ni expliciter avec certitude la cause d’un cancer. Et, l’être humain n’aime pas l’inconnu. Il a besoin de réponses, de sens, pour comprendre et retrouver un contrôle.

Et pourtant, si vivre est certes un éternel défi, rempli de surprise et d’aléas imprévisibles, vivre est certainement beaucoup de choses, mais certainement pas réduit à un seul but : combattre pour survivre. Si tel est le cas, alors quoi ? Survivre pour gagner ? Gagner contre qui ou contre quoi au juste ? Gagner contre la maladie ? Gagner quelques mois, quelques années, quelques jours de survie ? Et si l’on choisissait de changer notre regard, de modifier le combat et de choisir de vivre maintenant.

Alors, s’il y a lieu de livrer un combat, d’accord, j’accepte, et je revendique le droit de la personne touchée par le cancer de choisir sa façon de composer avec le défi du cancer. Que chaque personne puisse vivre sa vie jusqu’au bout, comme il le souhaite. Qu’une fois rendu au bout du sursis que représente la vie, il puisse se tourner vers son miroir intérieur et se dire avec un grand sourire : « Combien de montagnes, de lac et de défis j’ai surmontés, et combien je suis heureux et fier de porter en moi la certitude d’avoir savouré la vie, ma vie, en harmonie avec mes valeurs et mes convictions. »

Le cancer n’est pas un combat. Il n’y a pas de vainqueur ni de perdant. Le cancer est une maladie parmi d’autres. Vivre avec le cancer, composer avec l’incertitude quotidiennement et soigner le cancer est un réel défi. Il s’agit de choisir comment l’on veut vivre et composer avec ce défi de santé qui est venu entraver le chemin de la vie.

À chacun sa métaphore, mais, de grâce, cessez d’imposer celle du combat, du perdant et du vainqueur. Et prônez celle de vivre dans tout son sens. Il est plus que grand temps de changer notre regard sur le cancer.

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