Les Russes, un peuple agressif

Rossiyskaya Gazeta : Cette
étude nous révèle des Russes trois fois plus agressifs, trois fois plus
arrogants et mal élevés que dans les années 80. Mais comment mesurer
des facteurs comme la violence ?

Andreï Ïourevitch : Tout
d’abord, je tiens à préciser que cela ne concerne pas  « tous les
Russes ». On parle ici de caractéristiques psychologiques générales
propres à l’ensemble de la société, c’est-à-dire en quelque sorte, de la
« température moyenne » de la population. Pour ce qui est de mesurer le
niveau d’agressivité, c’est simple, on se base sur des données
statistiques, comme le nombre de crimes avec violence.

L’indicateur
le plus flagrant : la statistique des homicides. En Russie, on compte 4
fois plus de meurtres qu’aux Etats-Unis et 10 fois plus que dans la
plupart des pays d’Europe occidentale.

 nationalisme russe

Le patriotisme russe en chute libre sous le gouvernement Poutine

Deuxième
moyen : l’étude des facteurs socio-psychologiques, lorsque le
chercheur, par exemple, passe dans les wagons du métro en demandant de
lui céder une place assise et note la réaction des gens.

Enfin
la troisième méthode : l’observation du quotidien sur le terrain. Nous
prenons les transports en commun, nous observons le comportement des
automobilistes au volant, de nos concitoyens dans les magasins et dans
la rue, et nous recensons le nombre de fois dans la semaine ou dans le
mois où l’on s’est fait insulter ou manquer de respect.

Il semble qu’aujourd’hui les gens cèdent plus facilement leur place dans les transports.

A.Ïour.: C’est
vrai, par rapport aux années 90, où c’était encore plus rare.
Toutefois, si l’on parle de criminalité, 80% des homicides en Russie
sont commis sur un coup de colère incontrôlé.

Les
statistiques révèlent qu’un quart des foyers est sujet à des violences
domestiques, surtout dans les familles défavorisées, les couches les
plus basses de la population, quand les deux époux sont alcooliques.

Dans
votre étude, vous affirmez que les médias et le milieu criminel sont à
l’origine de cette mode de la violence. De quelle manière ?

A.Ïour.: Dans
le milieu criminel, la violence est la norme. Or, depuis la fin des
années 80, ce milieu a beaucoup influencé la société. Que ce soit eu
niveau du langage jusqu’aux modèles de comportement (par exemple un
couple peut faire appel à un tueur à gages pour régler une dispute).

 femme avec poussette

Pour les Russes, la carrière passe avant les enfants

D’ailleurs,
le mot « agressif » a une connotation plutôt positive en Russie. Une
« publicité agressive », un « design agressif », désigne l’efficacité.
La mode de la violence a déteint sur les cultures alternatives, comme
les supporters, les nationalistes. Et le gouvernement et les médias
participent de cette tendance.

Certaines
émissions politiques attisent la haine raciale, donnant une image
négative et dangereuse du monde environnant et continuant à brandir le
spectre de l’ennemi étranger, héritée de l’époque soviétique.
L’opposition au pouvoir fait également naître des vagues de violences.
Et le pouvoir étant inaccessible au citoyen lambda, il n’est pas rare
que cette agressivité se déverse sur son voisin ou d’autres groupes
sociaux.

Existe-t-il de moyens pour lutter contre cette tendance et revenir à un comportement plus humain ?

A.Ïour.: Une
nation ne peut pas se trouver longtemps dans un état de violence trop
élevé. Pour le moment, notre société est dans une phase de violence
assez élevée, et malgré une faible amélioration, on n’observe pas de
changement radical.

 femme souriant

10 raisons pour lequelles les Russes ne sourient pas

En
s’éloignant des grands retournements du début des années 90 (la chute
de l’URSS, la crise politique) la société commence à se calmer et à
s’habituer à sa nouvelle condition. A présent, beaucoup de Russes ont la
possibilité de voyager, notamment dans des pays européens très
accueillants, et assimiler et ramener ce modèle de comportement social.

N’y a-t-il pas des moyens plus rapides de se débarrasser de cette agressivité ?

A.Ïour.: Oui,
il existe des méthodes psychologiques spécifiques. Dont une, courante
aux Etats-Unis. Si un automobiliste provoque un accident à cause d’une
conduite trop agressive, il est envoyé dans un centre où il apprend à
maîtriser son agressivité. C’est le principe de la « psychologie
positive », très populaire dans les pays occidentaux. Si la personne a
une image positive d’elle-même, de sa vie, du monde qui l’entoure, son
rapport aux autres sera meilleur et l’agressivité s’atténuera.

Un
facteur important : le milieu scolaire et l’éducation. Il est crucial
que ce système donne une vision positive du monde environnant. Prenons,
par exemple, les nouveaux manuels d’histoire dans les écoles russes. Le
nombre d’épisodes négatifs dépassent de loin les épisodes positifs.

Aux
Etats-Unis, c’est l’inverse, leur histoire est adaptée du bon côté, ce
qui donne au peuple américain une image positive de lui-même et de sa
nation. Evidemment, se pose la question de l’objectivité. Il faut
trouver le juste milieu, car trop d’épisodes négatifs entraînent une
perception négative de l’histoire et donc du pays.

Article publié sur le site de Rossiyskaya Gazeta

 

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