Les riches sont de pauvres types

Donald Trump:ultraconservateur, srement machiavlique, certainement narcissique et probablement psychopathe.  Keystone

Donald Trump:ultraconservateur, sûrement machiavélique, certainement narcissique et probablement psychopathe. © Keystone

27.10.2015

Psychologie • Les défenseurs de «la droite dure», les apôtres de l’ultraconservatisme, les fondamentalistes du libre marché sont des types dangereux. C’est scientifiquement prouvé.

jean ammann

Ce serait donc vrai? Les gars et les femmes d’extrême droite, de l’ultralibéralisme, de l’ultraconservatisme, tous ceux qui réclament le retour de la peine de mort et un mur autour du pays, tous ceux qui ne veulent qu’une loi, celle du libre marché qui est aussi celle de la jungle, tous ceux qui ne pensent qu’à s’en foutre plein les poches et tant pis pour les autres, tous ces mecs et toutes ces femmes seraient des salauds? Ce serait trop beau et pourtant, c’est la thèse affirmée, sans le moindre doute, par un psychologue de l’Université de Tampa, en Floride: «La probabilité statistique que mes travaux soient faux est de moins de 1 sur 100'000», écrit Marcus Arvan. C’est la conclusion, aussi, d’une équipe de psychologues nord-américains, dont les travaux sont parus en 2012 dans «Proceedings of the National Academy of Sciences» (PNAS).

A deux reprises, Marcus Arvan a publié ses recherches dans la revue «Neuroethics», la dernière fois en 2013 sous ce titre provocateur: «Beaucoup plus de mauvaises nouvelles pour les conservateurs et un peu moins de mauvaises nouvelles pour les libéraux?» (A lot more bad news for conservatives, and a little bit of bad news for liberals?). Où l’on notera l’adjonction prudente d’un point d’interrogation.

«La triade noire»

C’est une vaste enquête, qui porte sur 1154 participants et 43 questions. L’idée était de voir si l’on pouvait rattacher l’une ou l’autre appartenance politique à la «triade noire», soit ces traits de caractère qui définissent le pervers, à savoir le machiavélisme, le narcissisme et la psychopathie. La réponse est oui et c’est une mauvaise nouvelle pour l’extrême droite. «J’ai pu trouver une corrélation significative entre les jugements conservateurs et l’un de ces trois traits de caractère, et parfois même les trois», écrit Marcus Arvan.

Si, par exemple, vous pensez que la peine de mort est une bonne chose, que le mariage homosexuel est une honte, qu’un gouvernement a parfaitement le droit d’entrer en guerre malgré les résolutions de l’ONU, qu’un Etat a parfaitement le droit de détenir indéfiniment des prisonniers sans les juger, que la torture est un moyen comme un autre de servir une juste cause, et si vous pensez qu’un gouvernement ne devrait jamais entraver le libre marché, vous êtes soit machiavélique, soit narcissique, soit psychopathe, soit les trois. Il y a 22 relations entre les conservateurs et la triade noire. «Etonnamment, relève Marcus Arvan, je n’ai pas observé la moindre relation entre des positions moralement libérales et la triade noire.»

Voilà pour le portrait politique du pervers. Intéressons-nous maintenant à l’aspect économique de la question, et là, franchement, les nantis et les nababs ne sortent pas grandis d’une enquête menée par des chercheurs étatsuniens et canadiens. Le site Reverbpress a résumé ces recherches comme suit: «Les gens riches sont plus enclins à enfreindre les règles, à tricher, à agir de manière avide et égoïste, ressentent moins d’empathie envers les autres et sont sûrs de leur bon droit.»

Le constat part de sept recherches, qui ont été résumées par les psychologues de Berkeley (Californie). Par exemple, dans une rue de San Francisco, un piéton se tient devant le passage de sécurité. En Californie, la loi oblige les automobilistes à s’arrêter pour laisser passer un piéton. En réalité, huit conducteurs sur dix le font. Ce qui est intéressant, c’est que les conducteurs obéissent à la loi selon leur statut social: «Les conducteurs de Mercedes, de BMW ou de Porsche s’arrêtent trois ou quatre fois moins souvent que les conducteurs de voitures modestes pour laisser passer le piéton. En réalité, la moitié de ces voitures ne s’arrêtent pas», résume Paul Piff, l’un des chercheurs. Et, fait amusant, sur les 152 chauffeurs observés, pas un seul chauffeur «bas de gamme» n’a enfreint le code de la route. Voir la vidéo ci-dessous

Dans un jeu de hasard, qui permet de gagner des 50 dollars en cash, poursuit Paul Piff, «les hauts revenus, de 150 à 200'000 dollars par an, trichent quatre fois plus que les bas revenus, de 15'000 dollars.»

Autre expérience, au terme d’un entretien, les psychologues laissent le cobaye dans une pièce, avec devant lui un bocal plein de bonbons. «Ces bonbons, dit l’une des assistantes, sont pour des enfants qui participent à une autre expérience, juste à côté. Mais vous pouvez vous servir…» Résultat: les riches prennent deux fois plus de bonbons que les pauvres, «quand bien même ils savent que ces bonbons sont pour des enfants», insiste Paul Piff.

Des psychopathes

Tout semble indiquer que les riches sont de pauvres types, humainement parlant. Dans une étude de 2012, les chercheurs ont demandé à des gens de se définir: sont-ils plutôt sociables, froids, confiants, méfiants, etc. Pour chaque sujet, les chercheurs ont établi une échelle de cordialité (agreeableness, en anglais). Et il ressort que le salaire est inversement proportionnel au score d’agreeableness: les personnes les plus désagréables gagnaient en moyenne 42'113 dollars par année, tandis que les plus charmantes se contentaient de 31'259 dollars. Tout se passe comme si, dans le monde de l’économie, les tendances antisociales étaient récompensées.

Voilà pourquoi dans les plus grandes entreprises du monde, au sommet de la hiérarchie, nous trouvons quatre fois plus de psychopathes que dans la population normale, selon Jon Ronson, auteur de «The Psychopath Test: A Journey Through the Madness Industry»: «La manière dont le capitalisme est structuré est la manifestation physique d’une anomalie connue sous le nom de psychopathie», dit-il. Tout s’explique, voilà pourquoi Cristy Walton, la directrice de Walmart, refuse un salaire horaire minimal de 15 dollars à ses employés, quand, de son côté, elle peut gagner 1,6 million de dollars en un seul jour, par le jeu des dividendes. Des salauds, c’est la science qui le dit.

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Les psychologues de Berkeley ont imaginé une expérience qui vise à prouver l’influence de la richesse sur le comportement humain: ils reprennent le jeu du Monopoly, mais en le rendant aussi injuste que possible. Deux joueurs sont opposés, le premier, appelons-le «le pauvre», ne reçoit que 1000 dollars de la banque au début du jeu, ne dispose que d’un seul dé et son pion est une chaussure, qui ressemble à un godillot; chaque fois qu’il passe par la case départ, il ne touche que 100 dollars. Le deuxième joueur, «le riche», reçoit 2000 dollars de mise de départ, dispose de deux dés, son pion est une Rolls-Royce; pour chaque tour bouclé, il reçoit 200 dollars.

La partie dure quinze minutes et les psychologues observent les comportements des joueurs. Au fil de la partie, le riche, qui bien sûr gagne à tous les coups, se montre de plus en plus cassant, de plus en plus arrogant, ses propos se font autoritaires.

La présentation de l'enquête en vidéo (en anglais)

Commentaire de Paul Piff, qui a dirigé cette expérience: «Les riches ont tendance à croire qu’ils ont mérité leur fortune.» Même si, dans le cas du Monopoly injuste, la fortune ne doit rien au mérite. «Le fait de mettre quelqu’un dans la peau du favorisé, poursuit Paul Piff, fait que celui-ci se comporte comme s’il était devenu plus puissant, plus riche, et qu’il disposait d’un meilleur statut social. Dites à quelqu’un qu’il est le boss et il commencera à se comporter comme tel.» JA

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