Les ressorts cognitifs du marketing

- Les techniques de marketing tirent profit de nos biais cognitifs. Certaines nous font croire qu'un produit est en quantité limitée pour en augmenter la valeur subjective, d'autres utilisent les prix cassés, parce que notre cerveau a tendance à valoriser les contrastes.

- Les prix utilisant le chiffre 9 sont une manne pour les enseignes commerciales. Ils donnent l'illusion d'un prix bas et attirent notre attention.

- Reconnaître les stratégies déployées permet de prendre conscience de ses réflexes conditionnés et de lutter contre.

Nicolas Guéguen est enseignant- chercheur en psychologie sociale à l'Université de Bretagne-Sud, et dirige le Laboratoire d'Ergonomie des systèmes, traitement de l'information et comportement (LESTIC) à Vannes.

Sans cesse, nous sommes bombardés d'informations qui cherchent à nous convaincre d'acheter tel produit plutôt que tel autre. À la télévision, sur les affiches dans les rues, sur Internet ou à l'intérieur même des boutiques, notre cerveau reçoit ces informations, les traite – le plus souvent inconsciemment – et livre un résultat : notre intention d'acheter ou non tel ou tel produit. Quand on demande à une personne si elle pense que ces influences pèsent sur sa décision d'achat, la réponse est généralement négative. Soit nous n'en sommes pas conscients, soit nous préférons conserver de nous-même l'image flatteuse d'êtres rationnels et libres de leur choix.

Et pourtant… Dès lors que l'on utilise les méthodes d'investigation des sciences du comportement, on constate que nos achats sont souvent « téléguidés » par les professionnels du marketing. Les travaux de psychologie du comportement du consommateur mettent en évidence que les facteurs qui nous poussent à l'achat proviennent la plupart du temps de notre irrationalité perceptive : les recherches en ce domaine montrent qu'il existe en chacun de nous des processus qui nous conduisent à une perception biaisée de la réalité. Comme nous allons l'examiner, ce sont précisément les erreurs de jugement résultant de ces biais perceptifs qui déclenchent l'achat.

Les stratèges modernes du marketing savent que ce qui est rare est cher. Cette règle repose sur un raisonnement simple : quand la demande dépasse l'offre, il est logique que le vendeur profite de cette situation et vende au plus offrant, ce qui a pour conséquence une augmentation des prix. À ce principe économique s'ajoute un mécanisme psychologique de désirabilité : le produit prend une valeur sociale au sens où seuls quelques privilégiés pourront l'acquérir, ce qui le rend plus désirable. Au bout du compte, un produit rare devient d'autant plus cher qu'il est recherché, ce qui renforce le désir d'achat.

Partant de cette réalité, pourquoi ne pas faire croire qu'une chose est rare pour augmenter sa désirabilité et le prix que les consommateurs sont prêts à payer ? On parle alors d'illusion de rareté, et cette illusion est créée à dessein pour optimiser les ventes, comme l'a montré l'expérience suivante.

Effet de raréfaction ou d'abondance

Stephen Worchel de l'Université de Virginie, à Charlottesville, et ses collègues, ont proposé à des jeunes femmes de goûter des biscuits au chocolat. Chacune recevait une boîte contenant soit deux, soit dix biscuits. Il s'agissait des mêmes biscuits industriels. Puis un autre chercheur entrait dans la pièce et expliquait qu'il réalisait la même expérience dans une pièce voisine. Il s'arrangeait ensuite pour que les personnes qui avaient une boîte avec dix biscuits en reçoivent une qui n'en contenait plus que deux (effet de raréfaction) et inversement (effet d'abondance). Les personnes devaient alors goûter les biscuits et les juger sur trois points : leur saveur, leur éventuel désir d'en obtenir davantage et leur prix.

Les psychologues américains ont montré que lorsque le produit était devenu rare, les personnes interrogées l'ont trouvé plus tentant et de meilleure qualité que lorsqu'il était devenu abondant. En outre, le prix estimé du produit était environ deux fois plus élevé lorsqu'il était rare.

Cette expérience montre que la rareté affecte le jugement du produit et sa valeur perçue. Chacun peut en faire l'expérience en étant attentif lors de ses achats. Nombreuses sont les publicités indiquant qu'il ne reste plus que quelques exemplaires d'un produit dans un magasin près de chez vous ou sur Internet. Et si,...

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