Les psychologues, objet de déni et sujet de revendication d’un statut

L’article écrit par le Pr Abdelkrim Belhaj intitulé «Santé mentale : la Psychologie, une discipline à l’épreuve de son existence» m’a inspiré le présent article et m’a sorti de mon silence.
Le rapport du CNDH sur la santé mentale au Maroc a ignoré les psychologues, séparé les souffrances humaines des sciences humaines et nous a ainsi ramenés au 19e siècle, aux pratiques asilaires et carcérales décrites dans l’histoire de la folie de M. Foucault entre autres. En 1985 j’ai publié «Sevrages et interdépendance» où je dénonçais les pratiques psychiatriques limitées aux psychotropes et aux électrochocs à partir de ma pratique de psychologue à Al Hank et au 36. Vingt ans après, la priorité est encore accordée aux traitements chimiques, la parole et l’écoute des sujets hospitalisés sont encore marginalisées, le psychologue est encore absent de nos centres de soins. Paradoxalement, certains soignants se croient psychologues et usent de manière non professionnelle de la psychologie alors qu’ils ne sont pas formés pour répondre à une demande accrue de la part des sujets malades hospitalisés ou externes et du personnel soignant dans différents services.

Ainsi, en tant que professeur à l’école supérieure de psychologie, responsable d’encadrer les étudiants dans les stages effectués dans les différents services du CHU, je suis amenée à apprécier le besoin de nos institutions hospitalières en soutien psychologique et en écoute professionnelle. Le psychologue permet aux sujets malades de prendre la parole et de reprendre ainsi sa place d’humain jusque-là réduisant sa prise en charge à des soins quasiment vétérinaires.

Certes le psychologue n’a pas le monopole de la cure par la parole, mais cela suppose que nos médecins se mettent à jour et rompent avec les pratiques directives déniant l’enjeu du transfert et ignorant les recherches réalisées en psychologie, en psychanalyse et en sciences humaines en générale.
Les temps ne sont plus aux querelles de chapelle. Le Maroc est dans le besoin de tous ceux censés le faire évoluer.

Nos jeunes méritent une formation mise à jour, la plus élaborée possible, nos patients méritent d’être considérés en tant que sujets dignes et responsables de leurs choix.
Je saisis l’occasion pour rendre hommage aux enseignants composés de psychiatres, de psychologues, de neurologues, de sociologues, de philosophes et bien entendu de psychologues cliniciens et du travail, qui œuvrent à la formation des futurs psychologues à l’université et à l’école supérieure de psychologie. Avec beaucoup de fierté, nos lauréats sont très sollicités dans les cliniques, les hôpitaux, les écoles, les entreprises et pour ceux qui se sont installés, ils reçoivent des enfants, des adolescents, des couples en mal de vivre, ils essayent avec beaucoup d’enthousiasme de répondre à une demande croissante. Le psychologue essaie de réhabiliter la dimension de sujet présente en chacun, dimension négligée par les techniciens du corps, jusque-là justifiée par le prétexte scientiste dit objectif, oubliant que l’humain n’est pas un objet.


Leave a Reply