Les psychologues de la SARP décortiquent le malaise des jeunes …

C’est cette souffrance que Chérifa Bouatta, professeur en psychologie, tente d’ausculter lors du colloque international «Jeunes entre malaise de vie et projet de vie» organisé par l’Association pour l’aide, la recherche et le perfectionnement en psychologie (SARP). L’acte, symbolique et spectaculaire, touche généralement les hommes, souvent jeunes, qui choisissent d’attenter à leur vie devant un symbole du pouvoir, une gendarmerie, une APC ou un lycée. Dans un exercice de psychologisation de la société, Mme Bouatta souligne que ces faits sont les symptômes d’un malaise révélateur d’une crise profonde qui traverse la société et la politique… S’appuyant sur la réflexion de Freud, elle affirme que le malaise psychique est lié au malaise de la civilisation. Le mal tient ses racines de l’impunité et des valeurs éthiques perverses.

Selon l’explication de la psychologue, les jeunes sont confrontés à une frange de la population s’enrichissant de manière peu éthique et transgressant la loi sans jamais se sentir  inquiétée. Dans une société où la valeur symbolique de l’argent est extrêmement importante, se confondant avec la définition de soi et la réalisation de soi, l’émergence d’une classe mafieuse et privilégiée renforce le sentiment de rejet. «Le monde se scinde en deux : les hommes capables et les autres. On propose aux jeunes un idéal auquel ils ne peuvent accéder qu’en transgressant la loi», explique-t-elle. A cela, le pouvoir répond par le «un repli autistique» sinon par le reniement. Le fait même d’occulter les jeunes dans les discours officiels peut être interprété comme un déni d’existence. Et lorsqu’ils sont intégrés, ils sont décrits de manière peu élogieuse. La conférencière rappelle notamment le discours sur les jeunes émeutiers de janvier 2011. Plus généralement, les jeunes ont à faire à un pouvoir de proximité qui les ignore.Le jeune, en tant qu’individu, a également des difficultés identitaires.

Le fait est que les parents ne jouent pas leur rôle convenablement. Ayant vécu le traumatisme de la décennie noire, le père a, lui-même, été victime des «hommes capables». Selon Chérifa Bouatta, le jeune est ainsi pris entre deux options : se révolter ou se détruire. Parfois, il choisit de se révolter et se détruire. La révolte étant l’expression de la colère, elle est également le signe de la pulsion salvatrice à travers un acte sacrificiel. «Il veut transmettre un message. Il tend à faire face aux hommes capables contre lesquels il ne peut rien. Alors, il veut montrer que lui aussi peut être capable», diagnostique-t-elle. L’immolation par le feu sert à dénoncer. Le «J’accuse» de l’an 2000.

«Le jeune cherche dans la mort une sortie vers la vie», selon l’expression de la psychologue de la SARP. Plus que tout, dans l’acte d’immolation, le jeune vise à atteindre l’autre, le punir, faire peser sa mort sur sa conscience. Une sorte de sadisme retourné. Fatima Moussa, autre intervenante du colloque, a tenté, de son côté, de décrypter le phénomène de la violence chez les jeunes. Elle établit un lien entre la violence télévisuelle ou internet et les jeunes en Algérie.  S’appuyant sur le bilan de la Gendarmerie nationale établi en 2010 – pas moins de 1111 délits dont 11 homicides ont été commis par des enfants – elle tire la sonnette d’alarme sur un phénomène qui pourrait prendre de l’ampleur. 

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