Les babouins sont forts en orthographe

Une étude menée par des cher­cheurs du labo­ra­toire de psy­cho­lo­gie cog­ni­tive (CNRS/Aix-Marseille Université) sur des babouins de Guinée, publiée ven­dredi 13 avril dans la revue Science, révèle que les singes sont capables de recon­naître la bonne ortho­graphe d'un mot.

Les cher­cheurs ont pré­senté à des babouins des mots anglais de quatre lettres sur un écran tac­tile. Les singes devaient appuyer sur un ovale si le mot était cor­rec­te­ment ortho­gra­phié, ou sur une croix s'il s'agissait d'une suite de lettres dépour­vue de sens. Ils étaient récom­pen­sés d'un grain de céréale en cas de bonne réponse. Au bout de quelques mil­liers d'essais, les babouins ont appris à dis­tin­guer des mots anglais cor­rec­te­ment ortho­gra­phiés (KITE) de non-mots (KITR) pour­tant similaires.

Pour voir les singes en pleine expé­rience (vidéo en anglais) :

Il ne s'agit pas de par coeur, mais bien d'un véri­table appren­tis­sage : les babouins se sont pro­gres­si­ve­ment mis à répondre cor­rec­te­ment lors de la pre­mière appa­ri­tion de mots qu'ils n'avaient jamais vus aupa­ra­vant ! Selon les cher­cheurs, les singes ont appris les com­bi­nai­sons de lettres qui appa­raissent fré­quem­ment dans les mots et détecté les ano­ma­lies, les lettres qui ne sont pas à la bonne place. Parmi les six singes qui ont par­ti­cipé à cette expé­rience, le meilleur élève, Dan, a réussi à dis­tin­guer plus de 300 mots cor­rec­te­ment ortho­gra­phiés sur plus de 8.000 propositions.

« Le singe est sen­sible à une méthode syl­la­bique » d'apprentissage de la lec­ture, a com­menté Joël Fagot, l'un des cher­cheurs qui a mené cette étude, sur Europe 1. « Il appa­raît au terme de cette étude que les singes sont capables d'apprendre la struc­ture ortho­gra­phique des mots. (...) Ils ne mémo­risent pas l'objet dans son inté­grité, mais sont capables de détec­ter des rela­tions entre des lettres qui existent et entre des lettres qui sont absentes dans les non mots », observe le scientifique.

On a long­temps cru que l'apprentissage de la lec­ture néces­si­tait d'avoir au préa­lable appris le lan­gage oral, et que les jeunes élèves appre­naient l'orthographe en asso­ciant les lettres à des sons (B et A forment le son "BA", etc.). Mais les résul­tats de cette expé­rience remettent ce pos­tu­lat en cause, démon­trant « que des capa­ci­tés basiques de trai­te­ment de l'orthographe peuvent être acquises en l'absence de repré­sen­ta­tions lin­guis­tiques pré­exis­tantes » : il serait donc pos­sible d'apprendre la lec­ture uni­que­ment à par­tir de l'orthographe des mots, sans lien avec la parole.

Leave a Reply