Éprouver du plaisir à manger un aliment
est l’aboutissement d’un processus
biologique extrêmement complexe qui
fait intervenir autant nos sens physiques
que notre mémoire.
Dans un
premier temps, les
stimulations provoquées
par l’aspect
de l’aliment, son
odeur, sa saveur
captée par la
langue, l’arôme
libéré par la mastication
ainsi que les
sensations tactiles
produites dans la
bouche créent une
véritable «image»
de l’aliment. L’ensemble des constituants
de cette image est par la suite acheminé
vers le cerveau qui, selon la nature de ces
signaux et des expériences antérieures,
détermine si cet aliment est source de
plaisir ou devrait au contraire être évité.
En d’autres termes, si les sens de chacun
détectent à peu de chose près les mêmes
saveurs, l’interprétation de ces saveurs et
textures par notre cerveau peut provoquer
des effets diamétralement opposés.
Le goût et l’émotion suscités par un mets
donné sont donc des phénomènes très
relatifs, fortement influencés par la
culture, l’époque et les expériences de
chaque personne.
Aliments - réconfort
Un des meilleurs exemples de l’importance
de ces images mentales associées à
la nourriture est sans contredit le plaisir
procuré par les aliments-réconforts (comfort
foods). En effet, l’attrait qu’exercent
ces aliments n’est pas seulement dû à leur
goût délicieux, mais, tout aussi important,
à leur capacité à extirper de notre mémoire
des odeurs et des souvenirs plaisants du
passé, souvent de notre enfance.
Cette image positive que nous donnons
à nos aliments-réconforts préférés fait en
sorte que leur consommation est associée
à un plaisir et un sentiment de bien-être
largement supérieur à ceux provoqués par
un repas standard. C’est d’ailleurs pour
cette raison qu’il n’est pas rare qu’on soit
tenté par un aliment-réconfort en période
de stress ou de tristesse: très souvent,
manger ces aliments remonte le moral.
Communication estomac-cerveau
Mais est-ce que ces sensations de bienêtre
associées aux aliments-réconforts
sont exclusivement dues à la psychologie? Pour répondre à cette question, des
chercheurs (1) ont eu l’idée d’infuser
directement dans l’estomac de volontaires
une solution contenant un type de
gras souvent présent dans les aliments réconforts
(l’acide laurique, un gras saturé).
Ces personnes ont été par la suite
soumises à des conditions
déprimantes où elles devaient regarder
des images de personnes malheureuses
tout en écoutant de la musique triste pendant
30 minutes. En parallèle, un groupe
témoin a été infusé avec une solution
contrôle inactive, sans acide laurique et
soumis aux mêmes conditions déprimantes.
Les résultats sont sans équivoque:
comparativement aux personnes qui ont
reçu l’infusion témoin, les volontaires
nourris avec l’infusion de gras étaient
beaucoup moins déprimés par la musique
et les photos de personnes tristes, tel que
cela a été mesuré par les chercheurs à
l’aide de tests d’humeur standards. Cette
différence est même visible en imagerie
par résonance magnétique du cerveau,
car les personnes ayant reçu l’infusion de
gras avaient une activité cérébrale moindre
au niveau de plusieurs régions reconnues
pour participer à l’humeur maussade.
Il semble donc que la stimulation de
l’estomac par certaines molécules parvient
à influencer la transmission de l’influx
nerveux dans certaines régions cérébrales
et peut améliorer par le fait même
notre humeur. Les aliments-réconforts
portent donc bien leur nom!
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