La valeur ajoutée de l’université a un prix

J'en ai pour cinq ans. Inutile de souligner que j'ai un certain empressement face au fait d'accomplir mes études rapidement et sans interruption, pour revenir sur le marché du travail au plus vite dans un projet de vie qui m'anime. Dans cet optique, subjectif, la grève ne m'enchante point !

Quiconque me taxera de ne penser qu'à mon projet personnel aura une pensée légitime. Par contre, mon raisonnement n'est pas uniquement balisé par ce dernier.

Alors que les universités québécoises accusent des problèmes de sous-financement, les étudiants descendent légitimement dans la rue pour clamer leur droit à la gratuité. J'emboîterais bien le pas et me croiserais les doigts pour pouvoir mener à terme mes ambitions sans vivre une ribambelle de compromis. Mais cet acte de solidarité espérée en serait-il vraiment un ? Serait-ce véritablement d'aider les générations futures que de militer pour le gel des droits de scolarité ? Permettez-moi d'en douter.

Je ne suis pas contre la vertu et serais la première contente si la gratuité pouvait être une réalité universitaire. Mon projet doctoral serait implicitement viable et je n'aurais pas à essuyer un ensemble de concessions (difficile à faire à la mi-trentaine) pour arriver à mon objectif ultime. Mais la gratuité scolaire est-elle véritablement souhaitable ? Qui finance l'université ? Les étudiants (pour un mince pourcentage) et les contribuables. C'est donc dire que toutes les classes sociales, nanties et moins nanties, payent pour l'éducation de ceux qui choisissent la voie universitaire. Sachant que la majeure partie des gens qui choisissent cette voie provienne des classes moyenne à aisée, on peut déduire, sans court-circuit démagogique, que les plus pauvres payent en quelque sorte pour l'éducation des plus riches qui vont continuer à s'enrichir. Ne serait-il pas normal que celui qui choisit cette voie tel un sceau de garantie pour son avenir paye sa juste part ? L'éducation n'est-elle pas un investissement pour assurer sa suite ?

En adoptant l'université, on pense à son avenir. On souhaite ainsi pouvoir arriver à nos objectifs professionnels. On espère être encadré par des professeurs qualifiés et bénéficier de structures adéquates. Or, plusieurs universités du Québec sont dans le rouge. Bien entendu, ce n'est pas aux étudiants à panser le déficit mais n'est-il pas normal qu'ils contribuent à faire de leur suite, un avenir probant ? Il est prouvé que ceux et celles qui font le choix de l'université ont en bout de piste des salaires plus concluants et sont largement moins nombreux à faire appel au chômage. Payer ses études n'est-ce pas un mal nécessaire afin d'obtenir une police d'assurance pour le futur ?

Plutôt que de militer pour la gratuité n'a-t-on pas d'abord comme société le devoir de valoriser l'instruction, le savoir, les connaissances pour que tous et chacun y voit une valeur ajoutée ? La société, comme l'étudiant. En acceptant le contrat universitaire, le citoyen s'assure de collaborer activement à la collectivité au niveau intellectuel comme économique et devient un contribuable actif au sens propre comme au figuré.

Je crois à la valorisation de l'éducation. Je crois à la responsabilisation des étudiants. Mais je crois par dessus tout à l'égalité des chances dans un réseau universitaire qui cesse de s'essouffler. Je crois ainsi à la mise sur pied de programmes d'aide financière bonifiée qui aident les moins nantis, les raccrocheurs, les jeunes et moins jeunes, bref, qui aide tous ceux et celles qui tôt tout tard, nantis ou pas, décident de miser sur l'université. Comment se fait-il qu'à une époque où la précarité ne fait que croître, nulle bourse n'existe pour aider ceux et celles qui reviennent dans le réseau universitaire pour se repositionner professionnellement ?

J'ai plus de questions que de réponses. Mais je crois que le débat doit s'élever. Je crois que le gouvernement doit également entendre les étudiants et que tous doivent faire leur part pour que le Québec continue de former des citoyens éclairés qui ont les moyens de leurs ambitions. La solution n'est pas de mater les étudiants mais de leur offrir un espace pour qu'ils puissent eux-mêmes contribuer à veiller à faire de leur rêve, leur réalité.

Le débat n'est pas nouveau. J'invite les étudiants à revisiter le rapport bourgogne du CIRANO (2007) sur les droits de scolarité universitaire. À défaut d'y adhérer, ils y verront peut-être quelques pistes de réflexion pour alimenter le débat (www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2007RB-01.pdf).

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