La relation d’aide n’est pas d’abord thérapeutique

Vous préconisez une relation d’aide basée sur la Bible plutôt que sur la psychologie. Pourquoi?
La raison est d’abord historique. La relation d’aide est née hors des Eglises, qui l’ont pourtant adoptée, pensant qu’elle correspondait à ce qu’elles pratiquaient: l’accompagnement pastoral. Si je prône un tel accompagnement, c’est parce que le message biblique donne des réponses claires au sujet des relations entre l’homme et Dieu. La Bible montre aussi que bien des difficultés sont liées au péché originel. Or la psychologie évacue ces notions. L’enjeu central, c’est la nature de l’homme: créé avec une dignité, pour être en relation avec Dieu, il s’est détourné de lui et cherche par ses propres moyens, y compris la psychologie, à résoudre ses problèmes. Partir de l’homme et de ses besoins, comme le fait la psychologie, est incomplet. La relation d’aide ecclésiale n’a donc pas d’abord une visée thérapeutique, mais devrait favoriser la croissance spirituelle. Cela dit, il faut voir l’être humain comme une personne globale: et donc, le changement du cœur aura une incidence sur le comportement. Or certaines psychothérapies n’obtiennent qu’un changement en surface, si bien que le naturel reviendra au galop. Une relation d’aide biblique rappelle que le Christ est le divin médecin, qui accorde un salut à la fois juridique et médical. Dieu est un acteur essentiel dans l’accompagnement de la souffrance. Le hic, c’est que l’on a trop cherché des solutions dans la psychologie et pas assez dans la Bible.

Est-ce à dire qu’en dehors de la foi chrétienne il n’y a aucun moyen de guérir et que la Bible peut répondre à toutes les souffrances?
Le seul bémol, ce sont les pathologies lourdes, dont certaines maladies mentales graves, qui nécessitent un traitement médical. Les pasteurs ne sont pas équipés pour cela. Le défi est de savoir à partir de quand déléguer. Pour le reste, je crois qu’une relation d’aide dite biblique peut répondre à toutes les souffrances, y compris les choses vraiment douloureuses, et qu’elle est la plus globale pour comprendre la personnalité humaine. Je présente dans mon livre une sorte de «méthode» en sept étapes pour accompagner quelqu’un.

Pourtant, ceux qui viennent chercher de l’aide n’ont-ils pas parfois plus besoin d’un Dieu thérapeute, qui compatit à la souffrance, que d’un Dieu qui vise la croissance spirituelle?
Bien sûr, la personne qui vient chercher de l’aide préférera parfois entendre qu’elle est une victime, mais cela ne résoudra pas le fond de son problème. Avec discernement, il faudra partir de là où elle en est et essayer de voir quelle est sa demande pour l’inviter à rencontrer le Dieu qui soigne ou le Dieu qui pose un cadre. Il y a aussi un temps pour dire les choses. En tout cas, le conseiller peut avoir l’assurance que le Saint-Esprit rendra peu à peu la Bible compréhensible pour que la personne voie le décalage entre ce qu’elle vit et ce qu’elle entend dans la Bible, pour chercher elle-même des changements durables.

Pour pratiquer ce type d’accompagnement, il faut être ancré dans la théologie. Vous affirmez par exemple qu’une bonne connaissance des attributs de Dieu est utile...
En effet, manquer de connaissances théologiques est un problème. Découvrir ce qui caractérise Dieu, appréhender l’importance de son action dans la vie des hommes, nous aidera à mieux appréhender son action auprès de celui qui souffre. Un exemple: puisque l’être humain est image de Dieu, on retrouve une part de ses attributs dans l’homme. Cette vérité encouragerait une personne qui s’interroge sur la notion de justice et se sent lésée sur ce point: en comprenant la justice de Dieu, elle saisira mieux comment la vivre dans ses relations.
Ce n’est pas tout: en se fondant sur la Bible, l’accompagnant acquerra de bonnes qualités d’écoute pour comprendre les personnes malmenées par la vie.

Vous avez une formation de psychologue. Vous a-t-elle tout de même apporté de bonnes choses?
Bien sûr! D’un côté, il est vrai qu’historiquement la psychologie s’est inscrite dans la lignée des Lumières, qui affirmaient que la raison est supérieure à la foi. Ce qui est regrettable quant aux analyses qu’elle fait de l’homme ou de la nature des problèmes. Mais de l’autre côté, elle a apporté de bons outils, par exemple les questions autour de l’écoute, les techniques de reformulation, l’analyse des situations, la manière de mettre la personne en confiance, etc. Connaître ces éléments d’analyse est un plus.

Vous décrivez les nombreuses écoles de relation d’aide chrétienne. Pourquoi n’êtes-vous satisfait par aucune d’entre elles?
Les différentes psychothérapies sont liées à une certaine conception de l’homme. Par exemple, la psychanalyse vise à mieux se comprendre, là où les héritiers de Carl Rogers chercheront plutôt à trouver le moyen de trouver un équilibre dans la vie. Le problème, c’est que les multiples formes de relation d’aide chrétienne sont toutes fondées sur tel ou tel courant de psychothérapie. Et comme on a renvoyé la relation d’aide à l’extérieur de l’Eglise, on n’a pas insisté sur des formations ancrées vraiment dans la théologie pratique. Les visites occupent une grande partie du temps de travail d’un pasteur, mais est-il vraiment équipé pour faire face à la souffrance des gens qu’il rencontre et pour pouvoir faire le tri entre ce qui relève de ses compétences et ce qui doit faire l’objet d’un traitement médical? Il faudrait en francophonie une formation qui aille dans ce sens.

L’accompagnement est donc d’abord une affaire d’Eglise? Que pensez-vous d’une relation d’aide «externalisée» dans des cabinets?
Si un membre de l’Eglise qui bénéficie d’un accompagnement veut solliciter l’aide complémentaire d’un psychologue, pourquoi pas, cela pourra s’avérer utile. Mais d’un autre côté, quelle assurance a-t-on que l’accompagnement externalisé sera suffisant pour aborder les questions de fond qui touchent à ce que la personne vit dans sa relation avec Dieu? Or dans le cadre ecclésial, il y a un double soutien: celui des responsables qui doivent se former et celui de la communauté. Et c’est certainement plus efficace que des conseils ponctuels. Le problème, c’est que nos Eglises ont eu tendance à démissionner devant des situations qui leur paraissaient trop lourdes. Même une dépression, par exemple, peut être accompagnée à la fois par un médecin et par un pasteur bien formé.

Propos recueillis par Jérémie Cavin

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