La honte, ce sentiment personnel et bénéfique

La honte se réfère à des valeurs personnelles. (AFP/Jean-Philippe Ksiazek)

Trois philosophes réhabilitent la honte. Ils appartiennent au pôle national de recherche sur les émotions, à Genève





«In defense of shame» – pour la défense de la honte – tel est le titre insolite de l’ouvrage publié récemment par trois jeunes philosophes rattachés au Pôle de recherche en sciences affectives à l’Université de Genève. Un ouvrage en anglais – parce que «c’est la langue qu’il faut employer si l’on veut être lu» – pour une démarche philosophique qui s’inscrit aux frontières de la psychologie et des neurosciences qui lui sont désormais associées.

Lancé en 2005, et regroupant notamment des psychologues, des neurologues, des littéraires et des philosophes, le Pôle a pour but l’étude des émotions et de leurs influences sur les actions humaines. Un intérêt récent, notamment en philosophie: «Longtemps, relève Julien Deonna, l’un des auteurs, on a plutôt valorisé le rôle de la raison. Les émotions devaient être dominées par la raison pour que celle-ci s’exerce pleinement. Aujourd’hui, on se rend compte, notamment grâce au développement de l’intelligence artificielle, que les émotions jouent un rôle essentiel dans la délibération pratique. Parmi les innombrables stimuli auxquels le sujet fait face à chaque instant, celles-ci lui signalent ce qui a de l’importance pour son raisonnement, alors qu’une créature dénuée d’émotions doit procéder à partir d’éléments qui ont tous la même valeur à ses yeux. De plus, les émotions nous livrent souvent des messages que notre raison serait en elle-même incapable de percevoir.»

Une bonne raison pour qu’un philosophe s’y intéresse. A sa façon: «Les questions que pose un psychologue lorsqu’il étudie une émotion reposent souvent sur des préconceptions implicites qui influent sur l’interprétation de ses résultats. L’une des tâches importantes du philosophe consiste à mettre ces préconceptions à jour et à s’interroger sur leur validité», note son collègue Fabrice Teroni.

La honte, ainsi, a souvent mauvaise réputation, relèvent-ils. Parce qu’elle passe pour une émotion sociale, ressentie exclusivement sous le regard critique d’un tiers. Et aussi parce qu’elle induirait d’autres émotions négatives voire contre-productives comme la dépression et la colère.

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