La contestation étudiante sous l’éclairage de l’Écriture

Avec les outils qu’offrent les sciences humaines, comme la psychologie, la sociologie, l’histoire, le droit, on essaie de porter un jugement sur la contestation étudiante. Pourquoi pas aussi avec les moyens de l’Écriture? Je ne peux concevoir que l’Écriture est incapable d’apporter un quelconque éclairage sur cet événement historique, sauf de répéter des lieux communs comme la condamnation de la violence et l’appel au dialogue.

D’entrée de jeux, il faut rappeler que l’Écriture elle-même élimine de ses compétences des enjeux comme le gel ou le dégel des frais de scolarité. Ainsi, un jour, quelqu’un a demandé à Jésus d’intervenir dans une affaire de succession : Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. Il s’est fait répondre : Qui m’a établi pour être juge ou pour faire vos partages? Mais, après son refus d’intervenir, Jésus sert au demandeur une sérieuse mise en garde : Attention! Gardez-vous de toute avidité.

Si l’Écriture ne dit rien aux principaux intervenants : gouvernement et étudiants, au sujet des frais de scolarité, par contre elle révèle l’existence d’un tiers intervenant. Ce sont les vieux démons que des tensions réveillent. Et, à leur sujet, l’Écriture dit aux uns et autres : Attention! Gardez-vous d’eux.

Le célèbre récit du serpent qui se met à parler à Ève éclaire d’abord le comportement du premier ministre. S’approchant d’Ève, le serpent commence par ridiculiser son adversaire en se moquant de son soi-disant interdit : Vraiment! Dieu vous a dit : Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin (Gn 3, 1).

La durée de la contestation étudiante a réveillé les vieux démons en Jean Charest. Au Centre des congrès à Montréal, le 19 avril, il a ridiculisé les manifestants qui faisaient des pressions sur les barrages des policiers chargés de protéger l’édifice.

Ève corrige le serpent : non, Dieu n’a interdit que les fruits de l’arbre au milieu du jardin, mais, ce, sous peine de mort. Le serpent interprète autrement l’interdit : Dieu a peur que si vous en mangez, vous serez comme lui. Après un Dieu ridicule, voici un Dieu peureux.

L’impuissance du gouvernement à diviser les associations étudiantes, à défaut de les marginaliser, a réveillé plus rudement que jamais les vieux démons en Jean Charest.

Présumant que la peur est latente chez les contestataires, il a fait le pari de l’exploiter à l’extrême pour gagner. C’est la loi 78.

Après plusieurs gestes de provocations, cette loi vient les couronner. Tout aussi bien que Jean Charest a réussi à exaspérer les jeunes, ce qui a réveillé en eux les vieux démons.

Comment ceux-ci agissent-ils? Comme au jardin. Au jardin, le serpent a surévalué le fruit défendu : il l’a montré séduisant, précieux pour agir avec clairvoyance (Gn 3, 6). Fruit en main, Adam et Ève ont alors transgressé l’interdit.

La méthode des vieux démons n’a pas changé. Il fait voir le gel des frais de scolarité séduisant, précieux pour scolariser davantage le Québec; il est la garantie de la prolifération des étudiants au niveau collégial et universitaire. Pour protéger ce fruit, c’est le cas de le dire : au diable la loi!

Les protagonistes de la crise : le gouvernement et les associations ont quelque chose de fondamental en commun. Ce sont les vieux démons qui les font réagir, dans un affrontement réciproque. Ça veut dire que celui-ci risque d’être long, très long.

Si le récit de la Genèse, qui éclaire la contestation, s’accomplit jusqu’à la fin, il n’y aura pas de gagnant. Après avoir succombé au serpent, Adam et Ève sont envahis par la honte, découvrant leur nudité. Il serait étonnant que Jean Charest sorte fier de la crise. Après la honte, la condamnation : Ève enfantera et Adam travaillera, tous les deux dans la peine. Il serait étonnant aussi que les associations aient gain de cause quant au gel des frais de scolarité. Les étudiants et les étudiantes devront peiner un peu plus pour boucler les frais d’études.

Enfin, comme la relecture du récit de la Genèse s’impose pour comprendre la suite du monde, la relecture de la contestation étudiante 2012 sera nécessaire pour comprendre les années suivantes. Pourquoi les injonctions et les lois ne font pas trembler les jeunes. Pourquoi les jeunes peuvent s’engager à 100% au service d’une cause. Pourquoi le Québec est un vivier d’énergies, mais à condition de ne pas gratter là où il y a des démangeaisons des vieux démons.

Gérard Marier

Victoriaville

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