J’ai testé pour vous… être conseillère d’orientation – psychologue

En juin 2014, j’ai été diplômée d’un master en psychologie. Je me suis donc retrouvée confrontée aux petits bonheurs de la recherche d’emploi avec, dans l’ordre :

  • L’abandon de l’appart dans une grande ville pour la maison familiale dans la campagne profonde, avec toutes les joies associées au retour chez papa-maman
  • La conseillère Pôle-Emploi qui me dit : « Bah vu votre domaine, on ne peut rien pour vous ! » (parce que les études de psychologie sont apparemment comme les maladies incurables)
  • Un nombre incalculables d’offres qui demandent dix ans d’expérience et trois DU pour dix heures de travail par semaine
  • La période de la rentrée où tout le monde retourne à ses occupations universitaires ou professionnelles pendant que toi, tu es là comme une vieille chaussette dont même un lutin (voleur de chaussettes) ne voudrait pas.

Au mois de septembre, ma grande tolérance à l’ennui (que dis-je : ma tolérance exceptionnelle) m’a amenée à ouvrir un peu plus mes horizons, et à prêter un peu plus attention aux offres que je voyais de plus en plus défiler : celles intitulées « recherche conseiller d’orientation – psychologue contractuel ».

Un conseiller d’orientation – psychologue, c’est quoi ?

À partir de maintenant, appelons-les par leur petit nom : les COP. La mission d’un•e COP est, comme l’explique si bien le site du Ministère de l’Éducation nationale, d’accompagner…

« les élèves dans la construction des compétences à s’orienter tout au long de la vie. Il assure et coordonne l’organisation de l’information des élèves sur la connaissance de soi, des métiers et des formations, en lien avec les équipes éducatives. »

Concrètement, des COP, on en a tous connu•e•s, et je crois qu’à peu près personne ne garde un bon souvenir des interventions qui présentent les différents bacs, admission post-bac, ou les possibilités de poursuite d’études. Le COP garde souvent l’image du mec qui t’oriente vers les brochures ONISEP. Il n’y a qu’à voir les réactions quand j’ai dit que je postulais, à base de :

« Essaye d’être moins pire que ceux qu’on a connus ! »

J’avoue donc que je ne partais pas forcément avec un préjugé favorable.

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Pourtant, après un entretien absolument parfait (c’est dire le miracle quand on connaît mes faibles compétences à l’oral), j’ai pu commencer un mi-temps réparti entre le CIO (Centre d’Information et d’Orientation) et un lycée général.

Arriver presque un mois après la rentrée dans un lycée où la COP précédente était là depuis plusieurs années n’a clairement pas été facile. Je me suis assez vite sentie submergée par l’ensemble des choses auxquelles je devais penser et j’avais un peu l’impression d’accumuler les gaffes.

Parce que bon, allez répondre à des questions comme « C’est quoi le mieux entre un DUT tech’ de co ou GEA pour aller en école de commerce ? » ou « Il y a des cours de maths en fac de médecine en Roumanie ? » avec un master de psycho et deux pauvres jours de formation !

Heureusement, mes collègues du CIO ont été absolument géniales pour répondre à mes nombreuses questions et, avec le temps, j’ai réussi à limiter les boulettes.

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Mais concrètement, ça consiste en quoi ?

Tout est dans le nom finalement ! J’ai une mission de conseillère lorsque j’organise des informations en classe ou que je réponds aux questions très précises des jeunes sur l’orientation. Les interventions en classe ne sont d’ailleurs vraiment pas mon moment préféré. Comme je l’ai dit, j’ai un peu tendance à me liquéfier à l’oral, alors devant trente ados qui s’en tapotent l’oreille avec une babouche, ça promet de grands moments de solitude.

Je suis également conseillère technique auprès du personnel enseignant et du proviseur pour répondre à leurs questions ou aider à la construction de projets sur l’orientation. Je participe donc à des visites d’établissements ou de salons, j’organise des présentations de métiers, du travail sur les stéréotypes de genre…

Enfin je suis aussi psychologue, ce qui veut dire que j’accompagne les élèves en difficulté dans la construction de leurs projets. Concrètement, je peux donc :

  • Évaluer les élèves en situation de handicap et donner un avis sur les compensations possibles ou sur l’orientation la plus adaptée
  • Essayer de trouver l’origine des difficultés des élèves et travailler avec eux sur leur motivation, leurs méthodes d’apprentissage, leur confiance en eux
  • Travailler sur les intérêts des jeunes pour leur permettre de trouver une orientation en accord avec leurs capacités.

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Ce qui me plaît dans ce métier, c’est qu’on se sent vraiment utile : j’avais peur que le conseil en orientation me lasse, mais un entretien ne se résume rarement qu’à ça ! Les élèves que je vois demandent plus une écoute, une confiance et une confirmation dans leur choix et dans leurs capacités à réussir qu’une simple question d’orientation.

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L’accompagnement des élèves en difficulté ou en situation de handicap est très riche également : l’estime qu’ont ces élèves d’eux-mêmes est souvent très faible et il y a tout un travail de revalorisation à faire. L’enquête pour trouver les raisons des problèmes et les solutions qui peuvent exister est souvent très coûteuse en énergie, mais quand ça marche, c’est extrêmement gratifiant.

Bien entendu, je ne fais pas toutes ces missions seule : je travaille avec la famille mais aussi l’infirmière du lycée, les conseillers principaux d’éducation ou encore les profs principaux. Le but est de lutter contre le décrochage scolaire, en accord avec les priorités du Ministère de l’Éducation nationale.

J’apprécie d’ailleurs énormément l’aspect relationnel : c’est un travail d’équipe constant qui permet vraiment de multiplier les points de vue.

Par exemple, pour lutter contre le décrochage, la première étape est le repérage, ce qui demande de pas mal échanger avec les CPE et les enseignant•e•s. J’assiste aussi aux conseils de classe et fais attention aux résultats et aux nombres d’absences.

Il y a ensuite toute une investigation pour trouver avec les parents, les enseignant•e•s et l’élève pourquoi il décroche : est-ce qu’il est en difficulté dans les cours ? Est-ce qu’il a des problèmes relationnels dans la classe ? Est-ce qu’il a choisi cette filière par défaut ? Est-ce qu’il y a des problèmes familiaux ou psychologiques annexes (comme la précocité intellectuelle ou la phobie scolaire) à prendre en compte ?

La solution dépend du coup vraiment des raisons : on peut lui proposer des stages, essayer de chercher une filière qui lui convient mieux, mettre en place du tutorat, l’orienter vers un professionnel de santé, convoquer les parents… Pour les élèves déjà sortis du système scolaire, la situation est par contre plus compliquée.

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Je pense quitter l’école, me faire pousser une barbe et intégrer un cirque.

Il y a également une enquête pour trouver les raisons du décrochage, et tout dépend ensuite de ces raisons, de l’âge de l’élève, de ses envies et de ses résultats scolaires. Certaines structures existent et peuvent proposer une année de stages ou de remise à niveau en fonction du projet de l’élève — dans notre académie, ça s’appelle un Dispositif d’Accompagnement vers l’Insertion Professionnelle.

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Et la suite ?

La suite est un grand mystère pour moi. L’avantage du début de la vie professionnelle, c’est que plein de nouvelles possibilités s’ouvrent. Je profite de mon mi-temps pour continuer à me former, et j’envisage même de partir en mission humanitaire en fin d’année. Je suis toujours en recherche d’un poste plus dans ma branche, mais si jamais je ne trouve pas, je sais que je pourrai continuer au CIO encore un moment.

J’envisage même de passer le CRECOP (le concours de recrutement des conseillers d’orientation psychologues). Ce dernier donne accès à la formation de deux ans délivrant le diplôme d’État, ce qui permet un statut moins précaire que celui de contractuel•le.

Pour autant, on ne va pas se mentir : l’Éducation nationale reste un milieu de travail frustrant du fait du manque de moyens, et c’est ce qui me ferait hésiter à y rester. Cependant j’y ai déjà quelques beaux moments à mon actif, comme cette élève de terminale qui a renoncé à son idée de quitter le lycée après la mobilisation de la proviseure, de sa mère et moi !

Ces quelques mois m’ont permis de découvrir un beau métier que j’avais envie de vous faire découvrir. J’espère avoir réussi à faire tomber quelques préjugés sur ce sujet, et pourquoi pas à créer des vocations !

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