La 23e cérémonie des "Ig Nobel" (en anglais) - prononcer "ignoble" à l'anglaise, pour le jeu de mots - s'est déroulée jeudi 12 septembre à l'université américaine de Harvard. Ces dix prix alternatifs sont décernés par l'équipe du journal Annals of Improbable Research (en anglais). Et cette année, des chercheurs français figurent parmi les lauréats.
Sur le principe des prix NobeI, plusieurs domaines sont récompensés. Certains reviennent chaque année, comme l'Ig Nobel de la paix ou de la médecine, d'autres sont en revanche beaucoup plus rares, comme l'Ig Nobel de la régulation des transports. Ils sont remis par de vrais lauréats du prix Nobel, au cours d'une cérémonie décalée organisée dans la prestigieuse université du Massachusetts (Etats-Unis). Il s'agit d'honorer "l'invention qui d'abord fait rire puis réfléchir". Florilège des récompenses les plus cocasses de ce prix créé en 1991.
Psychologie : la beauté se trouve dans les yeux du buveur de bière
Cette année, le laboratoire inter-universitaire de psychologie de Grenoble a obtenu le "Ig Nobel" de psychologie pour avoir démontré que les gens qui croient être saouls, même sans avoir bu, se voient plus séduisants. Le directeur du labo lauréat, Laurent Bègue, s'est réjoui de cette récompense : "En psychologie, aucun Français n'avait encore reçu d'Ig Nobel, ça nous a bien fait rire quand on a appris la nouvelle."
L'étude, intitulée "Beauty is in the eye of the beer holder" ("La beauté est dans les yeux du buveur de bière"), publiée en mai 2012 dans le British Journal of Psychology, avait montré que la meilleure perception de soi que l'on a lorsqu'on boit de l'alcool n'est pas due à ses effets pharmacologiques mais à un effet placebo.
"Cela peut sembler anecdotique mais ça soulève en réalité de vraies questions de recherche. Tout le monde croît que l'alcool désinhibe, augmente l'assurance. Lorsqu'on met en cause ces croyances, ça a des conséquences sur le consommateur", explique Laurent Bègue. L'étude pourrait ainsi permettre de mieux cibler les messages de prévention sur les dangers de l'alcoolisation excessive.
Probabilité : plus une vache reste couchée, plus il est probable qu'elle se relève bientôt
Dans la catégorie prix de la probabilité, des chercheurs (Grande-Bretagne, Pays-Bas et Canada) ont démontré en 2013 que plus une vache restait allongée longtemps, plus il était probable qu'elle se relève bientôt. Les auteurs de l'étude sont aussi allés plus loin en prouvant que si une vache se relève, il n'est pas facile de savoir quand elle va se recoucher.
Le directeur de l'étude (en anglais), Bert Tolkamp, qui officie au collège rural d'Ecosse, a expliqué que lui et ses collègues dirigeaient plusieurs programmes de recherche destinés à la santé animale et à l'amélioration de leur bien-être. Pour cette étude, ils ont utilisé des détecteurs qu'ils ont posés sur les pattes des vaches pour enregistrer le temps passé couché ou debout.
Médecine vétérinaire : une vache portant un prénom fait plus de lait
Une étude sur les ruminants avait déjà été récompensée en 2009 pour avoir démontré que les vaches affublées d'un petit nom donnaient plus de lait que celles qui restaient anonymes. L'étude est consultable ici (en anglais).
Elles s'appellent Marguerite, Rose ou Pâquerette, et leur donner un nom est le signe de l'affection que le paysan leur porte. Mais sans le savoir, il y gagne aussi en production de lait. C'est ce qu'ont montré Catherine Douglas et Peter Rowlinson, de l'université de Newcastle, en Grande-Bretagne.
Ils ont interrogé 516 fermiers et montré que ceux qui donnent un nom à leurs vaches et entretiennent une relation particulière avec elles obtiennent plus de lait que ceux qui considèrent leur bétail comme un simple outil de production. Le gain n'est pas négligeable puisqu'il peu atteindre près de 300 litres par an.
Médecine : se faire craquer les doigts ne provoque pas d'arthrite
Quand on fait craquer ses articulations, risque-t-on de finir avec des mains rongées par l’arthrite ? Eh bien non ! C'est ce qu'a démontré un allergologue californien, passionné par cette question essentielle, qui a obtenu le "Ig Nobel" de médecine en 2009 pour son étude parue dans la revue Arthritis and Rheumatism.
C'est sa mère qui, la première, l'avait mis en garde contre le craquement de doigts. Pour lui prouver qu'elle avait tort, le mieux était encore de le tester sur soi-même. Pendant soixante ans, le docteur Donald L.Unger a fait craquer les articulations des doigts de sa main gauche au moins deux fois par jour, en ne touchant pas à celles de sa main droite afin qu'elle serve de témoin.
Il a calculé que les articulations de la main gauche ont craqué au moins 36 500 fois, pendant que celles de la droite n'ont craqué que rarement et de manière spontanée. A la fin des soixante ans, ses mains ont été comparées pour juger des signes ou non d'arthrite. Résultat de plus d'un demi-siècle d'expérience : aucun symptôme d'arthrite et pas de différence entre les deux mains.
L'anti-Nobel de la Paix
On ne peut évoquer les Ig Nobel sans mentionner son prix spécial "pour la paix", qui a pour objectif de dénoncer une absurdité ou une injustice. Jacques Chirac a ainsi reçu le prix "Ig Nobel" de la paix en 1996 pour sa reprise des essais d'armes nucléaires.
Cette année l'anti-Nobel de la paix a été décerné au président de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, qui a déclaré illégal d'applaudir en public. Le loi avait abouti à la condamnation d'un manifestant manchot qui avait applaudi à une amende d'un million de roubles soit 20 000 euros, selon le site d'opposition biélorusse charter97.org (en russe). Les manifestants défilaient lors d'une marche silencieuse sans slogan ni pancarte, se contentant d'applaudir les forces de l'ordre au moment de leur intervention pour dénoncer la censure dans le pays.
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