"Homeland" : pourquoi Carrie vire-t-elle bonne femme ?

LE PLUS. Les séries, on en raffole. On rigole de la vie misérable des personnages, de leurs blagues, de leurs maladresses. On admire leur dynamisme sans faille. On finirait même par faire de nos ami(e)s télévisuel(le)s nos modèles. Mais l'ombre d'Hollywood plane toujours...

Peggy Sastre

Par Peggy Sastre sexe, science et al.

Edité par Daphnée Leportois   Auteur parrainé par Melissa Bounoua

L'autre jour, je bavais d'admiration en lisant cet article d'Élise Costa sur le Plus (si vous ne l'avez pas encore fait, faites-le). Aujourd'hui, je pouffais dans ma barbe en lisant celui-ci sur le site de "Libération" (vous pouvez le faire, mais ce n'est pas obligatoire).

 

Dans le premier, j'avais mentionné en commentaire que le personnage de Carrie Mathison, dans "Homeland", joué par Claire Danes, pouvait peut-être satisfaire aux critères de l'anti-héroïne. Mais en parcourant le second, et en me remémorant avec chagrin les deniers épisodes, je me suis finalement dit que non : Carrie Mathison correspond tout à fait à l'idée qu'Hollywood se fait de "lafâme", vu que tout semble partir à vau-l'eau et laver par la même occasion ce qu'il me restait d'illusions au kärcher.

 

Claire Danes, aux 63e Emmy Awards, le 18 septembre 2011, Los Angeles (C.Pizzello/SIPA)

Claire Danes, aux 63e Emmy Awards, le 18 septembre 2011, Los Angeles (C.Pizzello/SIPA)

 

(Si vous n'avez pas encore regardé "Homeland", faites-le. Et cessez de lire cet article. Mais partagez-le quand même sur les réseaux sociaux qui sont les vecteurs d’aujourd’hui du changement de paradigme de demain.)

 

J'ai regardé "Homeland" pour de bien mauvaises raisons : je n'avais plus de série pour le lundi. Oui, j'ai une petite manie, à savoir regarder au moins une série par jour (vous n'avez pas envie de connaître mon agenda de la semaine) et la série préalable du lundi, "The Walking Dead", s'est mise à trop sérieusement me faire chier pour être supportable. Oui, même pour satisfaire une autre de mes petites manies, à savoir manger des pâtes au babybel arrosées de salidou (vous n'avez pas envie de connaître mon régime alimentaire) devant une série.

 

"Homeland", qui passe le dimanche soir aux "stazunis", commençait évidemment à me chauffer les oreilles et en bonne partisane de la psychologie inversée (inversée, la psychologie), je n'aime pas qu'on me dise quoi faire, surtout s'il s'agit des séries indispensables à ne pas louper. Car outre la psychologie inversée (inversée la psychologie), une fois sur deux j'en ressors en détestant mon prochain encore plus profondément que ce que ma physiologie défaillante avait d'ores et déjà prévu pour ma pitoyable existence.

 

(Sur ce modèle, j'ai certes regardé "Games of Throne" en un week-end il y a deux mois, mais ceux chez qui "24" ou "Mad Men" provoque une descente d'organes, autant dire que je ne me presse pas pour les aider à les ramasser – et s'ils pouvaient se les coincer dans un escalator, personnellement, je préférerais.)

 

La vacance de la série du lundi m'a donc poussée à jeter un œil morne vers cette histoire de "terrorizme" et d'hommes de l’État et, oui, vous avez saisi la tension dramatique de ce paragraphe, j'ai été subjuguée. Je suis nulle pour faire des analyses savantes des séries comme objets pop-culturels de nos époques post-modernes à l'autorité paternelle abolie, mais disons que "Homeland" cumule les qualités. Déjà, il y a Claire Danes dedans, et même si je ne fais pas partie de ces jeunes jeunes jeunes pour qui "Angela, 15 ans" est une référence générationnelle (vous n'avez pas envie de connaître mes références générationnelles), cette actrice m'est très sympathique.

 

Peut-être parce qu'elle ne satisfait pas aux canons de la pure bonnasse en plastique et que, comme tous les boudins, voir à l'écran des corps démocratiques me rassure et me donne envie d'aller racheter des chips (le système aura notre peau). Peut-être parce que sa rareté cinématographique crée un besoin quelconque, peut-être parce qu'elle est tout simplement une bonne actrice... Je n'en sais rien, mais le fait est là : dès les premières images, j'étais déjà contente.

 

Son personnage a fait le reste. Outre son "anti-héroïsme" (son esprit malade, son goût prononcé pour la flûte, ses maladresses, etc.), c'est son côté – attention, le mot va arriver, attention il est là –, féministe qui m'a séduite.

 

Affiche de la série américaine Affiche de la série américaine "Homeland" (Showtime)

 

Âgée visiblement d'une trentaine d'années bien tapée, elle n'a pas d'enfants, pas de vie domestique exacerbée, elle est dévouée corps et âme à un "boulot d'homme" (chiennes de garde, mordez-moi) à forte mobilité géographique et queute à droite et à gauche de manière totalement naturelle, spontanée, et assumée (comme on dit dans les magazines féminins que je ne lis pas d'ailleurs, je peux donc me tromper).

 

Bref, en dehors de l'efficacité narrative du bouzin (coucou le gros cliffhanger à la fin de chaque épisode qui te rend joisse quand tu as pris la série en cours et que tu as encore cinq épisodes derrière, mais qui te laisse légèrement sur les nerfs quand tu as tout remonté comme les saumons et que tu dois attendre une semaine pour savoir la suite – sans compter les arrêts pour jours fériés débiles, ce qui n'est pas encore arrivé, touchons tous du bois en chœur...oui, cette série a de quoi me rendre superstitieuse, ya un PROBLÈME ?), c'est l'originalité psychologique de son personnage principal qui m'a agréablement étonnée et poussée à regarder frénétiquement la suite.

 

Oui, j'avais la foi. Non, je ne la voyais pas finir comme Samantha, de "Sex in the City", à se maquer avec un gland pour cause de peur de crever et autres tripotées de personnages féminins toujours en plein "mon boulot/mon couple/OUIN", "je suis une mauvaise mère/j'ai l'horloge biologique cuite/OUIN", "le cul/le respect/l'œdipe mal résolu/OUIN", j'en passe et des pires.

 

Oui, j'espérais et étais sur le point d'envoyer une caisse de Pinot noir aux scénaristes quand elle s'est mise à coucher avec le type qu'elle suspecte de "terrorizme" pour des motifs plus espionnagistes qu'ovariens.

 

Et là, depuis deux épisodes, j'en suis à me boucher les yeux desquels coulent du sang et les oreilles desquelles coulent du feu, et être à deux doigts de me repasser l'intégrale de "90210" en boucle et dans le désordre tout en mangeant des pâtes trop cuites pour me punir d'avoir cru, qu'à Hollywood (qui n'est jamais que le pauvre reflet de notre pauvre monde incapable de comprendre que la sélection naturelle c'est bien, mais que s'en passer, c'est mieux), il était POSSIBLE qu'une femme pense autrement qu'avec son vagin.

 

Car dès que le putatif terroriste lui a tapé dans le fond, évidemment, non seulement mademoiselle se vautre dans le week-end-cabanon-randonnée-et-on-fait-la-cuisine-ensemble-hihihihi, son cœur bat la chamade et son œil s'humidifie des regrets sur lesquels elle pensait avoir fait une croix, MAIS en termes de spion niveau 45 à la CIA, elle chie littéralement dans la colle.

 

Et se met donc à penser à voix haute :

 

- "Tiens, vu que tu m'as justifié sur l'oreiller tes apparentes et sombres visées anti-monde-libre par des explications bidon, pourquoi je ne te raconterais pas plein d'informations top-secrètes qui pourraient te servir à mettre en œuvre tes plus vils desseins de sbire d'Al Qaida plus vite que prévu. Hein ? Quelle bonne idée !"

 

- "Tiens, et si en voyant ma sœur qui, elle, a tout réussi (elle a vêlé et est la reine du macramé), j'allais me morfondre que mon job est trop prenant/que je vais finir ma vie toute seule/OUIN, si possible auprès de mon supérieur hiérarchique qui a comme par hasard les mêmes préoccupations, mais comme par hasard avec 40 ans de plus et comme par hasard en étant mon supérieur hiérarchique ?"

 

Chapi chapo les scénaristes ! Alors non seulement ma caisse de picrate, ils vont s'asseoir dessus (et dans le bon sens), mais je n'ose même pas préciser où je vais leur mettre les courriers des ligues de vertu qu'ils ont visiblement reçus en masse (ma mère m'a appris qu'il ne fallait jamais parler de rectum à des inconnus).

 

Bien sûr, j'ai encore confiance en eux, et pense que le virage bonne femme de Carrie n'est qu'une ruse de spion, mais quand même, ce soir j'avais mal et j'avais envie de hurler dans la nuit.

 

En espérant que vous hurlerez avec moi :

 

STOP AUX HÉROÏNES

ET ANTI-HÉROÏNES

QUI ONT LE CORTEX

DIRECTEMENT RELIÉ

À L'ENDOMÈTRE

 

(J'en profite aussi pour préparer ma pancarte du 25 novembre.)

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