Dans un article intitulé « Monfils déprime », le journaliste de L’Equipe revient sur l’enchaînement de blessures dont le français est victime et nous dresse un tableau peu rassurant sur son état de forme (L’Equipe, Mardi 17 Avril 2012, p.9). Le joueur l’avait ouvertement confié : cette saison, il souhaitait avant tout « ne pas se blesser et faire enfin une année complète ». Malheureusement, ses plans sont d’ores et déjà contrariés. Son entraîneur, Patrick Chamagne, raconte : « Il se remet en question, je me remets en question, mais on n’arrive pas à comprendre pourquoi Gaël se blesse si souvent. Ça nous prend la tête. Avant, question diététique, question sommeil, il n’était pas irréprochable. Mais, aujourd’hui, il est sérieux et ça casse toujours. En ce moment, son moral ne va pas fort. (…) Il tourne en rond et il se pose dix mille questions, sur sa carrière et sur sa vie d’homme. S’il se blesse si souvent, c’est qu’il y a quelque chose derrière. C’est obligé. Mais quoi ? (…) Pour Gaël, je pense que la solution est psychologique ».
Loin de nous l’intention de porter un jugement sur la situation de Gaël Monfils en particulier. L’idée serait plutôt de discuter de notre fâcheuse tendance à envisager la question du psychologique à des moments quasi-critiques, lorsque tout a été envisagé antérieurement et, lorsque, en clair, nous ne savons plus quoi faire. A cet instant, le sujet s’immisce dans les discours… Il faut reconnaître qu’il offre une bonne « stratégie de défense » en vue d’expliquer ce qui nous échappe. La mise en place d’un travail d’intervention en psychologie du sport ne devrait pas dépendre de ce genre de « conditions ». L’idéal serait de le débuter dès les années de formation afin de faire des questions du mental des compagnons de route et non des tabous.
Il est toujours extrêmement difficile pour un athlète de recevoir un constat du type « c’est dans ta tête » qui souligne l’impuissance et l’incompréhension générale et le place comme unique responsable de ses déboires. Non content d’être dans l’incapacité de comprendre ce qu’il vit, le sportif se retrouve dans la peau de « l’accusé » dans un domaine impalpable où tout être humain souffre de se faire bousculer. Sa solitude peut alors s’en trouver renforcée, assortie d’un sentiment de culpabilité.
Quel dommage d’en arriver là. Quel dommage d’attendre d’être face à un mur pour s’interroger sur l’intérêt de l’intervention en psychologie du sport. D’autant que cette dernière n’a rien de magique. Elle représente un travail sérieux tout autant que les autres versants de la performance. Comment pouvons-nous proposer des préparations aussi fines où rien ne semble laissé au hasard (sommeil, diététique, récupération,…) pour laisser en friche tout un champ qui, en réalité, a le pouvoir de dominer tous les autres ? Cette démarche est tout simplement incompréhensible et injustifiable.
Dans le cas de Gaël Monfils, Patrick Chamagne a-t-il raison de penser que « la solution est psychologique » ? Nous l’ignorons. En revanche, ce que nous savons, c’est que ce domaine intervient de façon importante dans la performance. C’est une variable de poids dans l’équation de l’optimisation des compétences de celui qui « joue ». Personne ne peut dire le contraire, à moins de faire preuve d’une mauvaise fois absolue. Pourtant, l’attention lui étant accordée, le temps lui étant consacré et les contextes dans lesquels nous commençons à nous en soucier, sont, encore trop souvent, totalement inappropriés.
Open all references in tabs: [1 - 5]