Facebook et la théorie du complot : l’internaute qui "like" est plus naïf

La "complotite", nouveau mal du siècle ? Grâce aux réseaux sociaux, les rumeurs et autres croyances, même les plus loufoques, se répandent comme une traînée de poudre sur la Toile. Vous avez peut être entendu parler par exemple de la théorie des "reptiliens" : des extraterrestres mi-hommes mi-lézards venus pour manipuler l'espèce humaine. Selon ses adeptes, ces "êtres" peupleraient environ 50% de la planète et se nourriraient de chaire humaine dont ils puiseraient force et longévité et tenteraient de parfaire une espèce pour prendre le contrôle du monde.

Autre exemple : la théorie des "chemtrails", un hoax climato-complotiste selon lequel les traînées de condensation que l'on aperçoit dans le ciel dans le sillage des avions ne seraient pas de la vapeur d'eau mais des produits chimiques volontairement répandus. Rien que ça. Le Forum économique mondial a d'ailleurs qualifié la désinformation de plus grande menace pour les sociétés modernes aux côtés du terrorisme et de la cybercriminalité. N’importe qui sur le web peut produire, suivre et diffuser activement des contenus et participer de ce fait à la création et la diffusion d'une rumeur.

Aujourd'hui, Internet a changé la manière dont nous consommons et partageons l’information. Mais des informations erronées ou des rumeurs infondées peuvent gagner en crédibilité lorsqu’elles sont largement partagées. Face à ce constat, une équipe de chercheurs italiens s'est intéressée dans une étude intitulée "Science vs. Conspiracy", publiée en février dernier dans Plos One, à la manière dont les informations, selon qu'elles viennent de médias scientifiques grand public ou de sites conspirationnistes, se diffusent et s'enracinent sur Facebook.

 Méthodologie : 1 million d'utilisateurs de Facebook au crible
L'étude a porté sur un échantillon de 1,2 millions d'internautes. Les scientifiques ont répertorié les sources d'informations scientifiques et des sources alternatives à tendance conspirationniste sur les réseaux sociaux. Pour cela, ils ont passé au crible 271.000 billets postés sur 73 pages Facebook. En tenant compte aussi des contenus créées par des internautes pour se moquer ou décrédibiliser des théories du complot.

 Ce que l'étude a montré : les adeptes du complot sont plus naïfs
Les chercheurs ont constaté que les internautes adeptes des thèses conspirationnistes prenaient aussi très au sérieux les informations contenues sur des pages pourtant clairement parodiques. Il apparaît aussi, d'après les conclusions de leur étude, que la majorité des internautes qui avaient commenté (78%) ou cliqué sur le bouton "J'aime" (81%) des pages parodiques faisaient partie de la mouvance conspirationniste et avaient pris l'information au premier degré.

"Les gens sont davantage susceptibles d’accorder leur confiance à une information cohérente avec leur système de croyances", note les chercheurs. Autrement dit, un amateur de théorie du complot va naturellement se nourrir des informations relayées par les personnes qui pensent la même chose. Mais cela rend aussi cet internaute plus susceptible de prendre au prendre au premier degré des informations parodiques.

Plus surprenant, note le chercheur Alessandro Bessi, coauteur de l'étude, même les internautes les plus cartésiens (qui ne consultent pas de sources d'informations alternatives) se font piéger, et consacrent beaucoup d’efforts à expliquer aux auteurs de ces commentaires pourquoi ils ont tort.

Un phénomène de psychologie sociale connu sous le nom de "dissonance cognitive". Face à un événement médiatique, il est toujours plus simple de croire que quelqu'un tire les ficelles dans l'ombre plutôt que d'admettre la réalité d'un fait. "Ces théories tendent à réduire la complexité de la réalité en expliquant des enjeux sociaux ou politiques importants sous la forme de complots conçus par des individus ou des organisations en pouvoir", souligne Alessandro Bessi, coauteur de l'étude.

 Ce que ça va changer : améliorer le sensibilisation des jeunes
Le choc des attentats de janvier 2015 en France avait lui aussi donné naissance à divers théories qui, pour la plupart, visaient à nier la responsabilité des frères Kouachi et d'Amédy Coulibaly. Profitant ainsi des "zones d'ombres" laissées par une enquête qui n'avance pas aussi vite que les rumeurs.

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Une fois passées dans le mixeur des réseaux sociaux, les vraies informations se mélangent aux informations déformées. "Ces théories tendent à réduire la complexité de la réalité en expliquant des enjeux sociaux ou politiques importants sous la forme de complots conçus par des individus ou des organisations en pouvoir". Tout en utilisant l’incertitude pour rendre plus crédible la fausse information.

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