Extrait commentés d’une étude psychologique de la religion par …

Extrait commentés d'une étude psychologique de la religion par C.G.Jung (1ère révision)

Catholicisme

 Carl Gustav JUNG

LES RACINES DE LA CONSCIENCE : ETUDES sur l'ARCHETYPE

Traduit de l'Allemand par Yves LE LAY

Ouvrage publié sous la direction du Dr. Roland CAHEN

 

Extraits et commentaires.

 

Notes:

-{Le texte original du livre est en italique entre accolades}, les commentaires sont en caractères normaux. Lorsque le texte original est souligné, c'est pour signaler son importance de mon point de vue, car il ne l'est jamais dans le livre.

- La numérotation des pages correspond au volume publié par  les "Editions Buchet/Chastel" en 1975.

 

Cet ouvrage de quelques 600 pages se compose de 7 livres mais ici ne seront considérés que les livres et les passages qui ont un rapport avec la foi, et aussi ceux qui décrivent les concepts utilisés par Jung dans les extraits.

 

L'approche globale de Jung apparaît comme étant volonté de montrer les limites d'une approche scientifique des phénomènes psychiques. Il veut montrer toute la valeur des croyances anciennes, en avertissant que nous devons respecter la valeur de ce que nous ne comprenons pas encore, en admettant que élans mystiques ont une force mystérieuse qu'il ne faut surtout pas négliger.

 

LIVRE PREMIER

DES ARCHETYPES DE L'INCONSCIENT COLLECTIF

 

Pg.23 {Le dogme remplace l'inconscient collectif en donnant de lui une formulation d'une grande ampleur. En principe, la forme de vie catholique ne connaît donc pas de problèmes psychologiques dans ce sens. La vie de l'inconscient collectif est presque entièrement captée dans les représentations archétypiques du dogme, et s'écoule comme un fleuve dompté dans le symbolisme du «crédo» et du rituel. Sa vie se révèle dans l'intériorité de l'âme catholique. En somme, l'inconscient collectif, tel que nous le connaissons aujourd'hui, ne fut jamais psychologique, car, avant l'Eglise chrétienne, il y eut des mystères antiques qui remontent jusqu'aux grisailles les plus reculées du néolithique. Jamais l'humanité n'a manqué d'images puissantes offrant une protection magique contre la vie angoissante des profondeurs de l'âme. Toujours les formes et figures de l'inconscient ont été exprimées en des images protectrices et salutaires, ce par quoi ils (les  problèmes psychologiques) ont été bannis dans l'espace cosmique, extérieur à l'âme. L'assaut de la Réforme contre les images ouvrit littéralement une brèche dans le rempart protecteur des images saintes, lesquelles sont tombées en poussière l'une après l'autre.}

 

Ici Jung parle probablement de vraies images, de réelles représentations visuelles qui parviennent encore à émouvoir certains fidèles,  mais il y a aussi les représentations intérieures auxquelles nous parvenons à nous fier, comme le souvenir d'une personne bonne et charitable qui a réussi à nous réconforter ou à susciter notre enthousiasme. Ces représentations peuvent nous donner le courage d'abandonner, ne fût ce que provisoirement, un esclavage avilissant. Surtout quand nous croyons à la présence attentive de ces personnes, même si elles sont absentes ou disparues.

Malheureusement les médias abondent maintenant en représentations visuelles et autres qui sont capables d'exciter nos pulsions les plus primitives, alors que nous n'entretenons guère celles qui peuvent inspirer l'oubli de soi dans des actions charitables.

 

Pg.33 {Qui regarde dans le miroir de l'eau aperçoit, il est vrai, tout d'abord sa propre image... Le miroir ne flatte pas, il montre fidèlement ce qui regarde en lui, à savoir le visage que nous ne montrons jamais au monde, parce que nous le dissimulons à l'aide de la 'persona', du masque du comédien. C'est la première épreuve du courage sur le chemin intérieur, épreuve qui suffit pour effaroucher la plupart, car la rencontre avec soi-même est de ces choses désagréables auxquelles on se soustrait tant que l'on a la possibilité de projeter sur l'entourage tout ce qui est négatif.}

 

Pg.34 {Les natures fortes - ou bien faut-il plutôt les appeler faibles? - ... tranchent le nœud gordien au lieu de dénouer. Pourtant, on doit tôt ou tard payer la note. Il faut bien s'en faire l'aveu: il y a des problèmes que l'on ne peut pas résoudre par ses propres moyens. Un tel aveu a l'avantage de l'honnêteté, de la vérité et de la réalité effectives... Quand on a fait tout ce qu'on pouvait, il ne reste plus que ce qu'on pourrait faire si on savait. Qu'est-ce que l'homme sait de lui-même? Selon toute expérience, très peu de choses. Il reste donc encore beaucoup de place pour l'inconscient. On sait que la prière exige une attitude très semblable et exerce par suite un effet correspondant.}

 

Cet "effet correspondant" désigne donc un moyen de dépasser les limitations imposées par la méconnaissance de nous mêmes. De ce point de vue la prière devient un merveilleux outil de libération, alors que nous la considérons souvent comme le carcan qui nous enferme dans nos faiblesses. Sans soute parce que l'éducation religieuse du XXèm siècle insistait dès le début trop sur les péchés, et pas assez sur la grâce. Une attitude de prière reste cependant très difficile à amorcer pour ceux qui ne sont jamais confrontés à de graves problèmes apparemment insolubles, les techniques modernes permettent si fréquemment de les éviter! Ici les psychologues chrétiens devraient pouvoir présenter quelques exemples pratiques pour entrer en prière, même ou surtout en utilisant des formulations peu conventionnelles. Certains mots usés bloquent dès le premier essai toute tentative d'écouter le meilleur de notre inconscient, parce qu'ils évoquent immédiatement une  autorité brutale et sévère.

 

 

LIVRE II

DE L'ARCHETYPES ET EN PARTIE DE L'IDEE D'ANIMA

Au sujet de l'importance de notre psyché dans la perception des choses.

 

Pg.67 {Tous ceux qui connaissent l'ancienne science ou l'ancienne philosophie de la nature savent quelle part de données psychiques se trouve projetée dans l'inconnu du phénomène extérieur. Cette part est en fait si grande, qu'en fin de compte nous ne sommes jamais en mesure d'indiquer la manière dont, en définitive, le monde en lui-même est fait, car nous sommes bel et bien contraints de transposer l'élément physique dans un processus psychique, du moment que nous voulons parler de connaissance. Mais qui garantit que cette transposition fait apparaître une image du monde 'objective' qui soit en quelque manière suffisante? Il faudrait en effet que l'événement physique fût également psychique. Mais il semble bien qu'une grande distance nous sépare encore de cette constatation. En attendant, il nous faut bon gré mal gré nous contenter d'admettre que c'est l'âme qui nous offre ces images et ces formes, les seules qui, en définitive, rendent possible la connaissance de l'objet.}

 

Dans ce paragraphe Jung aborde un thème qui lui est cher: le fait que notre perception des choses, des personnes, des idées, est toujours subjective, conditionnée par tout ce qui constitue notre personnalité. Bien sûr une culture offre un certaine représentation commune de ces éléments, de même que la science et les religions, mais parfois ces représentations sont conflictuelles et nous devons choisir laquelle est valable, en accord avec le meilleur de nous même. Ce choix est crucial, car souvent il en guidera de nombreux autres et il déterminera même parfois notre attitude lorsque nous serons confrontés à des décisions vitales comme la participation à un mouvement de révolte, ou la soumission passive à un système politique. Ceux qui alors abandonnent totalement la religion comme critère de sélection risquent fort d'être entraînés par les passions éphémères d'une société. Comme le prévenait l'auteur Britanique G.K.Chesterton: "Celui arrête de croire en Dieu, se met à croire en n'importe quoi."

 

Pg.80 {Comme la crainte est générale de perdre, au cours de la vie, la relation avec le prélude instinctif archétypique de la conscience, l'usage s'est établi depuis longtemps d'adjoindre au nouveau-né, à côté de ses parents naturels, deux parrains, un «god father» et une «god mother»... auxquels incombe principalement le bien être spirituel du baptisé.} Voir page 111.

 

Pg.85{...une fois passé le midi de l'existence, la perte durable de l'anima marque une perte croissante de vitalité, de flexibilité et d'humanité. Elle consiste d'ordinaire en un engourdissement précoce, quand ce n'est pas une sclérose, une stéréotypie, une unilatéralité fanatique, un entêtement, une tendance à enfourcher les principes, ou l'inverse: résignation, fatigue, laisser-aller, irresponsabilité, et finalement un «ramollissement» infantile avec penchant à l'alcoolisme. Aussi, quand on franchit le milieu de la vie, il faudrait rétablir le plus possible la liaison avec la sphère des expériences archétypiques.}

 

A retenir et à mettre en pratique au plus tard au seuil de la retraite afin de ne pas tomber dans les travers séniles qui sont décrits ci-dessus, et se préparer au grand départ.

 

LIVRE III

LES ASPECTS PSYCHOLOGIQUES DE L'ARCHETYPE DE LA MERE

 

Pg.97 {... les traits essentiels de l'archétype de la mère. Ses propriétés sont «l'élément-maternel», de façon générale l'autorité magique du féminin, la sagesse et l'élévation spirituelle au-delà de l'intellect; ce qui est bon, protecteur, patient, ce qui soutient, ce qui favorise la croissance, la fécondité, l'alimentation; le lieu de la transformation magique, de la renaissance; l'instinct ou l'impulsion secourable; ce qu'il y a de secret, de caché, d'obscur; l'abîme, le monde des morts, ce qui dévore, ce qui séduit, ce qui empoisonne, ce provoque l'angoisse, l'inéluctable. ... L'analogie historique la plus proche de nous est évidemment la figure de Marie qui, dans le monde allégorique du Moyen Age, est également la croix du Christ. En Inde, ce serait le personnage contrasté de Kali...}

 

D'autres sources relient aussi la figure de Marie à la déesse Avalokitésvara des Indes, la Guan-lin des Bouddhistes, Kannon des Japonais et même au grand respect qu'ont la plupart des peuples d'Afrique pour la mère de famille.

 

{La philosophie du Sâmkhya a donné à l'archétype de la mère la forme conceptuelle de la Prakriti et attribué à celle-ci comme propriétés fondamentales les trois gunas, à savoir: la bonté, la passion et l'obscurité... Ce sont bien trois aspects essentiels de la mère: sa bonté tutélaire et nourrissante, sa capacité orgiastique d'émotions et son obscurité d'enfer.}

 

Si cette description correspond à une réalité psychique qui est plus ou moins partagée par la plupart des mères, les catholiques doivent croire que Marie, la Sainte Vierge catholique, ne reflète que le premier aspect, celui de la bonté.  

 

Pg.99 {Freud avait déjà reconnu que la véritable étiologie des névroses ne prend pas véritablement racine dans des actions traumatiques, comme il l'avait d'abord supposé, mais bien plutôt dans une évolution particulière des phantasmes infantiles. On ne peut guère contester qu'une évolution de ce genre puisse être ramenée à des influences perturbantes venant de la mère. C'est pourquoi je recherche en tout premier lieu la cause des névroses infantiles chez la mère, car l'expérience m'a appris qu'un enfant a beaucoup plus de chances de se développer normalement que névrotiquement et que, dans la très grande majorité des cas, des causes définitives de troubles doivent être recherchées du côté des parents et en particulier chez la mère.}

 

Pg.111 {On ne dénoue pas un complexe maternel en réduisant unilatéralement la mère à une mesure humaine, et, pour ainsi dire, en la «rectifiant». Ce faisant, on court la danger de dissoudre en atomes l'expérience «mère», de détruire ainsi une valeur suprême et de jeter au loin la clé d'or qu'une bonne fée mit dans notre berceau. C'est pourquoi l'homme a instinctivement adjoint au couple des parents le couple divin préexistant sous la forme du «godfather» et de la «godmother», de parrains du nouveau-né, afin que celui-ci ne risque pas, par inconscience ou rationalisme à courte vue, de revêtir les parents de divinités.}

 

Cette seconde référence au parrain et à la marraine montre leur importance en ce qui concerne le développement psychologique de l'enfant. Du moins pour Jung, car l'Eglise semble y prêter moins d'attention ces dernières décennies, si bien que les parents choisissent ces parrains moins en fonction de leurs qualités spirituelles que de leur capacité à offrir des cadeaux au enfants.

Dans ce dernier paragraphe Jung insiste donc sur le danger pour les enfants de "déifier" leurs parents, mais s'il avait connu les familles occidentales de la fin du 20èm siècle, il aurait fort probablement averti ces parrains et marraines qu'ils doivent protéger les enfants d'une sorte de "déification" par leurs parents.

 

Pg.114 Réflexion de Jung après qu'il ait observé les paysages encore sauvage en Afrique de l'Est:

 

{Chaque pas infime en avant sur le chemin de la réalisation de la conscience est créateur de monde. Il n'y a pas de conscience sans distinction des contraires.... Pour le logos, l'inconscience est le péché originel, le mal pur et simple. Mais son acte libérateur qui crée le monde est le meurtre de la mère, et l'esprit qui s'était aventuré dans toutes les hauteurs et les profondeurs doit, comme le disait Synesius, subir également les châtiments divins, être fixé par des fers au rocher du Caucase. Car aucun des deux ne peut être sans l'autre puisque tous deux étaient un au commencement et redeviendront un à la fin. La conscience ne peut exister que si, sans cesse, on reconnaît l'inconscient et l'on tient compte de lui, de même que toute vie doit traverser de nombreuses morts.}

 

Ici on doit se demander si l'enthousiasme de Jung à découvrir nos motivations profondes, ne le porte pas à approuver des comportements extrêmement dangereux pour l'âme et le mette en directe opposition avec l'essentiel du message de l'Evangile. Ce message se veut aussi créateur du futur en ce sens qu'il nous propose également un  surcroît de conscience, mais dans la direction bien précise d'une lutte contre le mal, ou contre nos atavismes négatifs, et dans celle d'une action énergique en faveur du bien, de la charité. Il est clair que nous ne sommes pas conscient en permanence du péché originel en nous, mais cette inconscience n'est équivalente au mal que quand nous refusons d'admettre que cette inconscience est la cause de nos comportements peu charitables, quand nous persistons à ignorer ses leçons et ne cherchons plus à faire pénitence, à prendre conscience de ce péché par amour pour notre prochain.

 

Pg.127 {Lorsqu'en 1938 j'écrivais la première version de cette étude, je ne savais pas encore que douze ans plus tard la formulation chrétienne de l'archétype de la mère serait élevée au rang de vérité dogmatique.}

 

Le dogme de l'immaculée conception se rapporte bien à la naissance de Marie alors que, comme beaucoup, je croyais que c'était à celle de Jésus.

 

Pg.128 {La déclaration du dogme est survenue en un temps où les acquisitions de la science de la nature et de la technique, unies à une vision du monde rationaliste et matérialiste, menacent de destruction violente les biens spirituels et moraux de l'humanité. Celle-ci s'arme avec angoisse et à contrecœur en vue d'un crime monstrueux. Des circonstances pourraient se présenter où l'on se trouverait contraint, par exemple, d'utiliser la bombe à hydrogène et ou l'acte dont le caractère effroyable  dépasse la pensée deviendrait inévitable pour la légitime défense de l'existence personnelle. La Mère de Dieu élevée au ciel forme un parfait contraste avec cette évolution fatale des choses: son Assomption est même interprétée comme une contrepartie intentionnelle du doctrinarisme matérialiste qui représente un soulèvement des puissances chtoniennes.}

 

Une magnifique idée de proposer le culte de la Sainte Vierge pour enrayer les guerres meurtrières, mais il faudrait d'autant plus le réactualiser que l'occident s'est soumis depuis un demi-siècle à la prédominance de la femme «libérée» et sensuelle.

 

Pg.129 {Envisagée concrètement, l'Assomption marque un contraste complet avec le matérialisme.}

 

 

 

LIVRE V       LE SYMBLOLE DE LA TRANSSUBSTANTION DANS LA MESSE

Chapitre III SUR LA PSYCHOLOGIE DE LA MESSE

 

1.Généralités sur le sacrifice de la Messe.

 

Pg.266 {Bien que la science critique doive s'en tenir au point de vue qu'un avis, une opinion, ou une croyance n'exprime pas un autre état de choses, réel qu'un état psychologique, on doit toutefois se rendre compte que ce qui s'est manifesté ainsi n'est pas un néant, mais qu'une expression a ainsi été prêtée à une réalité psychique...  }

La perception d'une réalité physique est aussi, fondamentalement, un état psychologique (Ce qui est confirmé par Jung un peu plus loin).

 {... une réalité psychique...En lui donnant la qualification particulière de «métaphysique», on veut dire que son objet, par delà son apparence de phénomène psychique, est soustrait à la prise de la perception et de l'intellect et ne peut, par conséquent, donner lieu à un jugement. Mais toute science trouve son terme dans l'inconnaissable. Elle ne serait pas une science si elle considérait comme définitives ses limites, qui reculent sans cesse, et si elle niait l'existence d'une réalité s'étendant au-delà.}

 

Des scientifiques comme Richard DAWKINS et Stephen HAWKINS feraient mieux de méditer cette dernière phrase au lieu de pontifier sur l'inexistence de tout ce qu'ils ne comprennent pas, en essayant par surcroît de détruire la confiance dans une foi charitable chez ceux qui ont terriblement besoin.

 

Pg.267 {...ce que nous posons avec le concept de  «psyché», nous ne pouvons tout simplement ni le savoir ni le saisir, car la psychologie est dans cette situation fâcheuse que l'observateur et la chose observée y sont en dernière analyse identiques. Par malheur, il n'existe pour elle au-dehors aucun point d'Archimède, puisque toute perception est de nature psychique, et que nous n'avons qu'une connaissance indirecte de données non psychiques.}

 

Ici 'toute perception' inclut évidement nos perceptions des relations humaines qui dépendent alors automatiquement de notre état d'esprit qui lui même est le résultat de nos atavismes inconscients, de notre éducation, de nos expériences, de nos habitudes, de nos humeurs, de nos faiblesses... et dans  le meilleur cas la conscience que nous avons de ces limites. Donc cet effort de conscience devient essentiel pour changer notre perception du monde, et quand cette perception nous permet d'avoir une influence efficace sur certains aspects de notre environnement, il est clair que tout ce qui oriente nos prises de consciences, comme la prière, la charité, a une importance primordiale.

 

Pg.267 {L'événement rituel de la messe a un double aspect, l'un humain et l'autre divin...Pour un instant, la vie du Christ, éternellement présente dans le domaine intemporel, devient visible et se déroule dans une succession temporelle, malgré la forme concentrée de l'action sacrée. Le Christ s'incarne comme homme sous l'apparence des substances offertes. Il souffre, subit la mort, est mis au tombeau, brise la puissance de l'enfer et ressuscite dans la gloire. }

 

Pg.268 { La cause efficiente de la transsubstantiation est un acte de grâce spontané de la part de Dieu. La doctrine de l'Eglise insiste sur cette représentation, qui tend même en définitive à attribuer l'action préparatoire du prêtre et l'existence du rite à l'impulsion divine plutôt qu'à la nature indolente, empêtrée dans le péché originel, qui est celle de l'homme. Cette conception est de la plus haute importance pour l'intelligence psychologique de la messe. Toute prédominance de l'esprit magique dans un rite place celui-ci dans le voisinage du désir égotiste, trop humain et même sous-humain, qui est celui de l'individu, et disloque ainsi l'unité du "Corpus mysticum" de l'Eglise.}

 

Pas de problème pour adhérer intellectuellement à cette conception de la messe, mais il reste l'immense problème de savoir si l'adhésion profonde a un encore un caractère magique, égotique, ou même superstitieux. Le décorum des rites, leur automatisme répété par toute l'assemblée, imposent une attitude trop facile d'adhésion apparente. Il faudrait peut être avoir des cérémonies bien moins nombreuses, mais bien plus élaborées, donc aussi plus longues, où l'accent est mis sur cette adhésion profonde en incluant des situations où le psychisme de chacun est techniquement obligé de participer dans le meilleur sens possible. Une timide avancée dans cette direction est le rite assez récent de saluer ses voisins peu avant la communion, une autre serait l'évocation d'une prière personnelle de  remerciement durant la cérémonie. De nombreuses autres méthodes sont certainement à découvrir, toutes celles qui excluent la précipitation et les automatismes sont bonnes si elles permettent alors d'intégrer une compréhension intime de la messe.

 

Pg.269{La conception de l'Eglise présuppose donc l'état de fait psychologique suivant: la conscience humaine (représentée par la prêtre et les fidèles) est confrontée avec un événement autonome, se déroulant sur une base transcendant la conscience («divin» et «intemporel»), qui ne dépend en aucune manière de l'activité humaine, mais par contre suscite une telle action, inclut même l'homme comme instrument et fait de lui l'intermédiaire par lequel est représenté l'événement «divin». Dans l'action rituelle, l'homme se met à la disposition d'un facteur «éternel» autonome, c'est-à-dire «agissant» au-delà des catégories de conscience existantes, un peu ... comme un bon acteur ne fait pas que représenter, mais se laisse saisir par le génie du dramaturge.}           

 

En somme la messe devrait nous permettre d'intégrer un concept totalement étranger, inaccessible, à toutes les expériences de vie "normales", afin d'élever notre conscience, et donc finalement notre comportement, aux exigences de ce concept avec comme bénéfice certain une vision plus juste et plus vaste de ce qui est vraiment important dans le monde.  Cette vision nous permet alors de nous sentir entièrement solidaire de l'aventure de l'humanité, ce qui nous donne la force spirituelle de résister à de nombreux esclavages, de comprendre la malice des tentations et surtout d'accroître exponentiellement notre enthousiasme à nous impliquer dans tous les problèmes humains. Cependant cette approche semble réfutée par ce que Jung écrit ensuite:

 

{La beauté de l'action cultuelle est requise de façon indispensable, car l'homme n'a pas servi Dieu comme il faut s'il ne le sert pas aussi dans la beauté. C'est pourquoi le culte n'a aucun caractère pratique: ce serait là une fin 'utilitaire', donc une catégorie purement humaine. Or tout ce qui est divin a sa fin en soi même et c'est d'ailleurs la seule fin en elle-même légitime que nous connaissions. Toutefois la manière dont une chose éternelle peut, en définitive, «agir» est une question dont il est préférable que l'homme ne se mêle pas, car elle ne saurait recevoir de réponse. }

 

Si d'une certaine manière on peut accepter cette appréhension comme on accepte l'évidence d'un sentiment que l'on ne peut vraiment contrôler, l'exemple le plus évident étant un état intensément amoureux, il semble dangereux de rejeter toute évaluation consciente d'une 'action' que l'on attribue à Dieu. L'actualité de cette période de changement de millénaire nous a montré que bien des horreurs ont été justifiées par une illusoire action 'divine', des meurtres terroristes à certains 'comportements sexuels asservissants. Le concept de beauté lui-même est souvent subjectif, même quand il est appliqué aux éléments matériels des rituels s'ils ne suscitent aucune émotion spirituelle chez l'homme en recherche. Pour nous guider  probablement faut- il se fier à des critères de résultats tels que ceux proposés par les béatitudes.

 

Pg.270 {Il faut que la transsubstantiation soir un miracle que l'homme ne puisse comprendre à aucun prix.... Qu'y a-t-il au monde qui puisse amener l'homme à représenter une pure impossibilité? Quelle force est assez contraignante pour provoquer une extrême tension de l'esprit, une création de beauté opérée dans l'amour, une piété on ne peut plus profonde, une immolation héroïque de soi, oui, une sujétion de l'homme s'étendant sur des millénaires? Quelle force sinon un miracle, une merveille? C'est une merveille dont l'homme n'a pas à discuter, car, dès qu'il se met à philosopher à son sujet ou qu'il essaye de l'analyser intellectuellement, elle est déjà évanouie. Une merveille est ce sur quoi l'homme s'étonne, s'émerveille, parce que cela lui paraît inexplicable.... C'est elle qui est...le «tout à fait croyable parce que déraisonnable» de Tertulien.}                                                                

 

Dans cette optique la transsubstantiation se rapproche de certaines émotions suscitée par une intervention extérieure qu'on ne maîtrise pas du tout, comme les meilleures formes d'amour humain.

 

Pg.271 {Cependant les propositions religieuses sont les plus invraisemblables de toutes et elles se maintiennent à travers les millénaires. Cette vitalité absolument inattendue prouve l'existence d'une cause première suffisante, dont la connaissance scientifique s'est dérobée jusqu'à présent à l'esprit humain. En tant que psychologue, je ne puis, à première vue, qu'indiquer l'existence de ce phénomène et exprimer ma conviction que, chaque fois que l'on se trouve en présence de tels phénomènes spirituels, il n'y a pas place pour des explications à bon marché du type: «ce n'est rien que».  } (Yaka, yakapa...) {Le Christ johannique affirme: "Le Père et moi, nous sommes un. Qui m'a vu a vu le Père" Et sur la croix la Christ clame: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Il faut que cette contradiction existe, si la formule 'vrai Dieu et vrai homme' est psychologiquement juste.}

 

Pg.272 {Le dédoublement de Dieu en divinité et en humanité, et son retour à lui-même dans l'acte sacrificiel, contiennent pour l'homme la leçon réconfortante que, dans son obscurité est cachée une lumière qui retournera à sa source, oui, que cette lumière a voulu descendre jusque dans cette obscurité, pour libérer ce qui est lié dans les ténèbres et le conduire à la lumière éternelle.}

 

2. Sur la signification psychologique du sacrifice.

 

Pg.276/8 {L'action sacrificielle consiste d'abord en l'offrande d'une chose qui m'appartient.....Cette appartenance à ma personnalité de tout ce qui est marqué de l'empreinte d'être mien a été désignée d'une façon très adéquate par Lévy-Bruhl du nom de "participation mystique". Il s'agit d'une identité irrationnelle, inconsciente, provenant de ce toute chose qui est en contact avec nous n'est pas seulement elle-même, mais aussi en même temps un symbole.... Notre psyché s'étend en réalité bien au-delà des frontières de la conscience, ce dont un alchimiste semble avoir eu conscience, lorsqu'il disait que l'âme est pour sa plus grande partie extérieure à l'homme.}(?)

 

Pg.279 {Un don banal qui n'est pas payé de retour est ressenti comme une perte. Mais l'offrande doit être une sorte de perte pour que l'on soit sûr de la disparition de la revendication égoïste....}

 

Cela est assez évident pour une offrande matérielle mais autrement plus complexe en ce qui concerne une offrande 'sentimentale' sur le plan psychologique, comme renoncer à un amour, une amitié, car bien souvent elle implique d'autres personnes qui peuvent être blessées par notre offrande, ou bien un raisonnement intime peu honnête parvient à nous convaincre à ce renoncement alors qu'il apporte certains avantages, comme une réduction de certaines responsabilités...

 

{Nul ne peut donner ce qu'il n'a pas. Par conséquent, celui qui s'offre, qui sacrifie sa revendication doit l'avoir possédée...Ceci présuppose un acte de connaissance de soi, sans lequel on demeure tout à fait inconscient d'une telle revendication. C'est pourquoi la confession des péchés précède logiquement, à la messe, le rite de la transsubstantiation...Par le sacrifice, l'homme prouve qu'il se possède, car se sacrifier ne signifie pas se laisser prendre, mais c'est une cession consciente et voulue prouvant que l'on peut disposer de soi-même, c'est à dire de son moi.}

 

Viennent ensuite une série de considérations sur les natures du "Moi" et du "Soi", qui dans le domaine religieux trouvent leur conclusion dans ce paragraphe:

 

Pg.284 {Tant que le Soi est inconscient, il correspond au surmoi de Freud, et constitue une source de conflits moraux constants. Mais s'il est retiré des projections, c'est à dire s'il n'est plus l'opinion des autres, l'homme sait qu'il est son propre 'oui' et son propre 'non'. Alors le Soi agit comme une «unio oppositorum» et constitue par là l'expérience la plus immédiate du divin que le psychologie puisse en définitive saisir.}

 

Ce qui est encore mieux illustré dans la page suivante:

 

Pg.284/285 {Mettons nous un instant dans l'âme d'Abraham invité par un commandement divin écrasant à sacrifier son fils unique. Dans de telles circonstances, un père, au-delà de la compassion éprouvée pour son fils, ne se sentirait-il pas lui même la victime et ne ressentirait-il pas le coup de couteau dans sa propre poitrine? Oui, il serait à la fois le sacrificateur et la victime... Comme le 'Soi' ne peut être saisi que dans des actes isolés, mais demeure caché en tant que tout, à cause de sa nature globale, nous pouvons seulement tirer des conclusions du peu que nous pouvons expérimenter du 'Soi'. Nous avons vu qu'un sacrifice n'a lieu que si le 'Soi' l' accomplit d'une manière sensible et indubitable. Nous pouvons également risquer la supposition que, puisque le 'Soi' se comporte à notre égard comme le père à l'égard du fils, il ressent en quelque sorte notre sacrifice de lui-même. Par le sacrifice de nous-mêmes nous nous gagnons nous-mêmes, gagnons le 'Soi', car nous n'avons que ce nous donnons. Mais le 'Soi' gagne-t-il? Nous voyons qu'il se manifeste, qu'il se détache de la projection inconsciente, qu'en s'emparant de nous il entre en nous et ainsi passe de l'état de dissolution de l'inconscience à l'état de conscience, de l'état potentiel à l'état actuel.}

 

Si on transpose cette évolution psychologique à l'échelle de toute l'humanité, elle explique parfaitement l'importance du sacrifice de Jésus-Christ car en Lui pour la  première fois le 'Soi' a réalisé ce changement d'état.  En participant, du mieux que nous le pouvons, à l'Eucharistie nous intégrons cette évolution unique et cruciale pour l'humanité, et nous en témoignons pour les autres.

 

Pg.287 {Nous créons en quelque sorte le 'Soi' par la prise de conscience de contenus inconscients et en conséquence il est notre fils...Toutefois nous sommes amenés à faire cet effort par la présence inconsciente du 'Soi' duquel émanent de très pressantes directives à triompher de l'inconscience. Vu sous cet angle le 'Soi' est le père...Le Christ en tant que Logos est le principe créateur du monde. Il a pour pendant la relation du 'Soi' à l'égard de la conscience, sans laquelle le monde en tant qu'existant ne serait pas perçu.}

 

Ici je comprends le 'principe créateur du monde' comme désignant l'élément indispensable pour parachever la création, pour l'établir d'une manière permanente et indestructible dans l'ensemble des consciences humaines, ou plutôt d'une sorte de super-conscience de toute l'humanité comme cela est évoqué à la page suivante.

 

Pg.288-289 {La réflexion sur soi ou, ce qui revient au même, l'élan vers l'individuation, rassemble ce qui était dispersé et multiple, et l'élève à la figure originelle de l''Un' de l'homme primordial. Ainsi l'existence particulière, c'est-à-dire toujours égotique, est supprimée, le cercle de la conscience est élargi et, grâce à la prise de conscience des paradoxes, les sources du conflit sont progressivement taries.... La figure du sacrificateur divin correspond trait pour trait au mode empirique de manifestation de cet archétype du 'Soi' qui est à la base d'à peu près toutes les représentations de Dieu. Cet archétype n'est pas seulement une image statique, mais en même temps un dynamisme en mouvement: il constitue toujours un drame dans le ciel, sur la terre et dans l'enfer.}

 

La fin de cette dernière phrase est fort imagée, mais la notion de 'drame' décrit assez bien les résistances obstinées à une prise de conscience chrétienne. Elles ont été terriblement illustrées dans les drames de la seconde guerre mondiale, et actuellement dans tous les conflits armés, dans toutes les misères de notre monde.

 

Ensuite Jung présente une comparaison entre la vision de l'alchimiste Zosime et la messe, et ensuite il en explique les similitudes et différences.

 

Pg.291{Dans la vision, le concrétisme brutal frappe à un point tel que l'on pourrait aisément se sentir tenté — pour des raisons esthétiques et autres — de renoncer à toute comparaison avec la messe. Si je me hasarde malgré tout à mettre en relief certaines analogies, je ne suis nullement guidé par l'intention d'apporter des "lumières" dans de domaine et de diminuer la valeur d'un rite sacré en l'amenant en quelque sorte dans le voisinage d'un événement naturel et païen. Si j'ai une intention quelconque qui se situe au-delà de la vérité scientifique, mon souhait est de montrer que le mystère central de l'Eglise catholique repose, entre autres, sur des conditions psychologique profondément enracinées dans l'âme humaine. La vision, dont le caractère onirique est hautement vraisemblable, doit être abordée comme une production psychique non préméditée, c'est à dire dépourvue de dessein conscient. C'est une production naturelle comme tous les rêves. La messe, par contre, est un produit de l'esprit, très précisément un processus spirituel conscient.... La vision est une matière brute indifférenciée; la messe .. un produit d'art hautement différencié. C'est pourquoi la première est horrible, mais la seconde belle. Si la messe revêt une forme antique, c'est au meilleur sens du terme, et c'est pourquoi sa liturgie suffit encore aux exigences les plus hautes du temps présent.}

 

Ici je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette opinion , d'ailleurs écrite au milieu du XXèm siècle, époque à laquelle l'Eglise avait encore un immense prestige en Europe. S'il est certain que les formes 'antiques' de la messe gardent toute leur valeur, l'Eglise aurait dû essayer d'y intégrer des concepts, des mots plus actuels, plus compréhensibles aux fidèles de notre époque, tout comme Jung s'évertue à la faire.

 

Plus loin Jung se hasarde à une explication du "châtiment" de la crucifixion  appliqué à Dieu au travers de Son Fils, en se risquant même sur le plan cosmologique. Son explication ne me semble pas entièrement satisfaisante, j'expliquerai pourquoi ensuite.

 

Pg.294 {Mais par quoi est motivé ce châtiment infligé à Dieu? Bien que l'idée frôle le blasphème, la question doit être posée en raison de l'incontestable caractère de châtiment que revêt le sacrifice. L'explication habituelle est, certes que le Christ a été châtié à cause de nos péchés. Comme il n'est nullement question pour moi ici de l'explication de l'Eglise, mais bien plutôt de la reconstruction de l'événement psychique de base, il faut logiquement établir une faute correspondant au châtiment. Si l'humanité porte la faute, elle devrait logiquement être châtiée. Mais si Dieu prend le châtiment sur lui, il la disculpe par là-même et il y a alors lieu de penser que l'humanité n'est nullement coupable, mais que c'est Dieu qui a la faute et que, par suite, il la prend logiquement sur lui même. Pour des raisons compréhensibles, on ne doit pas espérer trouver de réponse satisfaisante à l'intérieur du christianisme primitif. Mais il existe à coup sûr une réponse dans l'Ancien Testament, dans le gnosticisme des premiers siècles et dans la spéculation catholique ultérieure. L'Ancien Testament nous apprend que Yahvé était un gardien de la loi, mais que lui-même n'était pas juste, et qu'il tombait dans des accès de colère dont il avait à se repentir. Certains systèmes gnostiques nous montrent que l'"auctor rerum" a été un archonte inférieur, qui s'imagina créer un monde parfait, alors qu'il ne réalisa qu'une création douloureusement imparfaite.}

 

Ne fallait-il pas que le monde à l'origine contienne des imperfections  pour que les hommes puissent contribuer à sa création, par amour pour le Créateur?

 

Pg.298 {... chaque pas en avant sur le chemin qui mène à la conscience ne peut être acheté que par la souffrance.}

 

Là Jung rejoint, sans le savoir, Teilhard de Chardin quand il écrit: "Tout synthèse coûte." Cependant il me semble que Jung et Teilhard mettent trop l'accent sur cet accroissement de conscience accepté pour lui même. Alors que cet accroissement ne devrait être que le résultat d'un acte de charité pour soulager les misères du monde. La meilleure conscience n'est que l'instrument pour construire l'amour.

 

3. Messe et processus d'individuation

 

Pg.298/299 {Considéré du point de vue psychologique, le Christ représente, en tant qu'homme primordial (Fils de l'homme, second Adam..), une totalité qui surpasse et englobe l'homme ordinaire et correspond à la personnalité totale qui transcende la conscience. Nous la désignons, comme il a été dit plus haut, du nom de Soi. De même qu'au niveau assez archaïque de la vision de Zosime, l''homunculus' est transformé en l'état plus élevé de pneuma, le mystère eucharistique transforme l'âme de l'homme empirique, qui n'est qu'un partie d'elle même, en sa totalité exprimée par le Christ. On peut donc, dans ce sens, désigner la messe comme 'un rite du processus d'individuation'.}

 

Si ce processus est la réalité fondamentale de la messe, ce rite alors est d'un importance primordiale pour la plupart des êtres humains car il devrait susciter une évolution psychologique dramatique, dans le bon  sens. Mais beaucoup de chrétiens apparemment ressentent la messe plutôt comme une confirmation joyeuse qu'ils ont fait le bon choix, qu'ils appartiennent à une communauté privilégiée,  cela n'implique guère un effort d'adaptation. Beaucoup de clercs de leurs côté, et certainement certains catholiques, vivent le rite comme une sorte de renouvellement de leur 'individuation' originelle qui les aide à affronter les problèmes quotidiens en restant fidèle à cette vision primordiale. Seulement, pour l'édification de la grande majorité des hommes qui ne ressentent pas le rite comme eux, et sont ainsi privés de ses bénéfices, il serait important de disposer de bien plus de témoignages au sujet du ressenti de cette individuation, de son expérience.

 

Pg.307  Les lignes suivantes traitent de l'importance psychologique du Christ, souvent aussi désigné comme étant en nous le 'Soi'.

 

{Le 'Soi' est réalisé par la concentration du multiple au centre, et il veut aussi cette concentration.... Il est le sujet et l'objet du processus. C'est pourquoi il "brille" pour celui qui le "voit". Sa lumière est invisible si elle n'est pas vue. Il est comme si alors il n'existait pas. Il est aussi dépendant du fait d'être vu que la vue l'est de la lumière...le Christ, ou le 'Soi', est un "miroir" qui, d'une part, reflète la conscience subjective du disciple, c'est- à-dire le rend visible lui-même, mais d'autre part "connaît" aussi le Christ, c'est-à-dire qu'il ne se contente pas de refléter l'homme empirique mais le montre également en tant que totalité (transcendantale). De même qu'une 'porte' à laquelle 'on frappe' s'ouvre, ou qu'un 'chemin' se révèle à celui qui le cherche, ainsi un processus de prise de conscience et une évolution vers l'unité et la totalité commencent pour celui qui se réfère à son centre (transcendantal). Il ne voit plus seulement comme l'isolé mais comme l'Un. Il n'y a d'isolé que la conscience subjective. Mais si celle-ci est rapportée à son centre, elle est alors intégrée dans la totalité.  Celui qui participe à la ronde se voit dans le centre qui forme miroir, et la souffrance de l'être isolé est celle que celui qui se tient au centre 'veut souffrir'. On ne saurait sans doute exprimer d'une façon plus belle et plus saisissante l'identité et la distinction paradoxales du moi et du Soi... Sans l'objectivation du Soi, le moi demeurerait embarrassé dans une subjectivité sans espoir et ne pourrait que tourner autour de lui-même. Mais celui qui a une vue intuitive de sa souffrance sans la gêne de sa subjectivité et qui comprend cette souffrance, celui-là connaît aussi 'l'absence de souffrance' grâce à son point de vue modifié, car il possède un lieu (...) au-delà de tous les enchevêtrements. C'est là assurément l'authentique pensée chrétienne de la victoire sur le monde dans une formulation psychologique inattendue...}

 

Voilà une bonne description de l'idéal à atteindre, celui qui délivre de la 'subjectivité sans espoir' dans laquelle nous sommes enfermés lorsque nous nous abandonnons à l'un ou l'autre esclavage: sensualité, drogue, idolâtries de l'argent et autres. Si l'Eucharistie permet de renforcer cette vision objective du 'Soi' , donc du Christ, on comprend alors qu'elle peut nous délivrer de bien des misères.

 

Pg.311/312  Jung commente un "texte" provenant d'un écrit apocryphe, apparemment les actes de Jean, où il explique l'importance du symbole de la croix.

 

{Le texte oppose la croix à la multitude amorphe: elle a ou elle est une forme "forme" et signifie la détermination d'un centre par deux droites entrecroisées. La croix signifie l'ordre en face du désordre, en face du chaos de la multitude informe.... La définition du centre, de la croix, comme 'limitation" du Tout est tout à fait originale. Elle signifie que l'univers n'atteint pas ses limites à une périphérie inexistante mais en son centre. Là seulement réside la possibilité d'un "au-delà de".}

 

Cette dernière courte phrase confirme que ce 'centre' n'est qu'une limite pour les pensées qui ne sont pas élaborées sur la croix, mais pour toutes celles qui participent à cet 'au-delà de' l'horizon devient quasi infini puisque c'est là que se construit ce nouvel univers où cependant tous les conflits sont résolus.

 

{Tout ce qui est changement culmine donc dans l'éternel et le calme; les disharmonies parviennent, dans le Soi, à l'unité et à l'«harmonie de la sagesse».}

 

Pg.317 {Bien que, pour des nécessités de connaissance, on soit contraint de supposer une quantité indéterminée d'archétypes différenciés les uns des autres, on se trouve sans cesse amené à se demander dans quelle mesure ils peuvent être clairement distingués. Ils se recoupent à tel point et possèdent de telles capacités de combinaisons que toute tentative pour les isoler comme idées séparées apparaît comme sans espoir. De plus, l'inconscient, en un contraste aigu avec les contenus de la conscience, tend à se personnifier d'une façon unitaire comme s'il n'avait qu'une seule forme ou une seule voix déterminée.}

 

Si on peut accepter que ces archétypes expriment un inconscient unique, mais au moins il devrait avoir moyen de décrire les aspect différents de ces perceptions des archétypes.

 

Pg.318/9 {Je dois en effet, pour réhabiliter la psyché objective, dépréciée par l'envahissement moderne de la conscience, souligner avec persistance que, sans psyché, le monde ne serait pas perçu et encore moins connu.}

 

Ce qui signifie que nous devons absolument continuer à tenir compte d'une perception de l'univers qui n'est pas essentiellement rationnelle.

 

 {Il est même vraisemblable, étant donné les possibilités considérables de plus grande différenciation de la conscience, que cette-ci se tient encore aujourd'hui à un niveau relativement bas.}

 

Un niveau que l'actuelle culture occidentale abaisse encore un peu plus chaque jour pour la plupart de ceux qui y adhère sans restrictions.

 

{Et pourtant elle (la conscience) s'est suffisamment développée et rendue autonome pour pouvoir oublier sa dépendance à l'égard de la psyché inconsciente. Elle n'est pas peu fière de cette émancipation, mais elle méconnaît le fait que, si elle s'est débarrassée en apparence de l'inconscient, elle devient en revanche victime des concepts verbaux qu'elle a engendrés. Le diable a été chassé par Belzébuth. La dépendance à l'égard des mots est même si forte qu'un 'existentialisme' philosophique doit intervenir de façon compensatrice, et insister sur une réalité qui existe en dépit des mots... C'est que la passage au Logos est une grande conquête; mais elle doit se payer par une perte d'instinct, c'est-à-dire de réalité, dans la mesure même où l'on est devenu d'une manière primitive tributaire des mots...Les néologismes ont tendance non seulement à affirmer leur autorité à un degré surprenant, mais encore à remplacer ce dont ils auraient dû à l'origine exprimer la réalité.}

 

C'est probablement ce qui nourrit le passage à l'acte de fanatismes aveugles, en négligeant les réalités éternelles dont le principe fondamental est l'agapé, ou l'amour chrétien.

 

{La rupture de contact avec l'inconscient et l'asservissement à la tyrannie du mot signifient un grand préjudice: le conscient se laisse aller toujours d'avantage à son activité de discrimination et l'image du monde se trouve ainsi  décomposée en d'innombrables détails, ce qui entraîne la perte du sentiment originel d'unité...}

 

Dommage qu'ici  Jung n'attire pas l'attention sur l'effet positif de l'Eucharistie pour entretenir ou retrouver cette unité. Si la messe peut être comprise dans ce sens, l'argument de son importance psychologique devrait permettre à beaucoup de jeunes en désarrois de lui faire confiance pour retrouver leur équilibre. En attendant l'Eglise devrait examiner si l'usage de mots anciens ne rentre pas ce domaine de perte de signification des concepts verbaux que Jung évoque. Ceux qui ont assimilé la réalité de cette signification, devraient pourvoir sans trop de difficulté l'exprimer en termes plus modernes.

 

Dans les pages suivantes, Jung fait cependant une longue allusion aux bienfaits de la religion chrétienne, sans toutefois faire de référence à la messe.

 

Pg320/321{La désorientation spirituelle du monde romain fur compensée par l'irruption du christianisme. Naturellement, ce dernier dut lutter pour se maintenir, non seulement contre ses ennemis, mais aussi contre ses propres prétentions poussées à l'excès, et notamment contre le gnosticisme. Il lui fallut rationaliser de plus en plus sa doctrine pour pouvoir endiguer le raz de marée de l'irrationnel. C'est ainsi que naquit au cours des siècles ce mariage entre le message originel, irrationnel, du Christ, et la raison humaine qui caractérise l'esprit occidental.}

 

Toutefois le message du Christ ne nous apparaît comme irrationnel que parce que nous ne comprenons pas encore tout de l'univers. L'approche de Teilhard de Chardin au contraire semble faire du Christ l'élément le plus rationnel qui soit dans cet univers. Aussi faut-il faire la différence entre cet 'irrationnel' qui désigne ce que nous ne comprenons pas encore, et l''irrationnel' qui lui désigne les comportements engendrés par nos pulsions, ou aussi par les composés chimiques qu'elles produisent dans le cerveau. 

 

{Mais, dans la mesure où la raison devenait peu à peu prépondérante, l'intellect s'imposait et réclamait l'autonomie. Et de même que l'intellect s'emparait de la psyché, il prenait également possession de la nature et enfantait une ère scientifique et technique qui offrait un espace toujours plus réduit à l'homme naturel et irrationnel. Mais ainsi se trouvait posé le fondement d'une opposition intérieure qui menace le monde de chaos. Conséquence de ce renversement, l'enfer aujourd'hui se cache derrière la raison et l'intellect, c'est-à-dire derrière une idéologie rationaliste qui cherche comme une foi intransigeante à s'imposer par le feu et le glaive, rivalisant avec les aspects les plus sombres d'une 'ecclesia militants'.}

 

Ici Jung pense probablement aux systèmes marxistes, aujourd'hui il évoquerait certainement ces scientifiques comme Richard Dawkins et Sephen Hawking qui utilisent leur réputation d'hommes de science pour essayer de détruire toute religion dans l'esprit des hommes.

 

{Face à cette situation, l'esprit chrétien occidental est devenu, par une étrange énantiodromie (passage brutal d'un extrême à l'extrême opposé), le défenseur de l'irrationnel, car, bien qu'il en soit le père, il n'a pas succombé au rationalisme et à l'intellectualisme au point de renoncer aux droits de l'homme, en particulier à la liberté de l'individu. Or, dans cette liberté, la reconnaissance du principe se trouve incluse et garantie, malgré le danger toujours aux aguets d'un individualisme chaotique. A l'appel aux éternels droits de l'homme est indissolublement liée la foi en un ordre supérieur, non seulement à cause du fait historique que l'idée centrale du Christ s'est révélée comme un facteur d'ordre pour de nombreux siècles, mais aussi parce que le 'Soi' compense efficacement des états chaotiques,... }

 

Ce qui correspond assez bien avec les théories scientifiques du chaos qui est engendré par trop d'ordre, alors que l'ordre est

Leave a Reply