Eté 1936 : Hendaye solidaire quand 13000 réfugiés franchissent la …

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Sujet à la une

27/01/2012

Béatrice MOLLE

Un moment fort. Avant-hier à la salle Mendi Zolan de Hendaye, Oroitza, le Cercle de recherches sur l’histoire de Hendaye, avait organisé un forum intitulé “L’été 1936, Irun et les réfugiés dans la mémoire des Hendayais”. La salle comble et attentive a écouté les interventions d’un psychologue et d’un historien (voir encadré p. 3). Il y a eu des vers du bertsolari Ezkurra lancés par une fille de réfugiés, Pepita Setien. Et la voix frissonnante de Maryse Roué interprétant le Chant des mineurs asturiens. Puis très vite les témoignages divers ont fusé faisant apparaître le formidable élan de solidarité de toute une ville, pour celles et ceux qui fuyaient les bombes et la mort. Et la vie qui continuait avec ses prises de conscience, ses éveils, ses joies. Extraits.

Philippe Oyhamburu, fondateur des ballets et chœurs basques Etorki : “En 1936, j’ai 15 ans, mes parents ont divorcé et l’on nous envoie avec ma sœur Thérèse en vacances à Hendaye chez tonton Augustin qui possédait l’hôtel Central et dirigeait la chorale paroissiale. A 15 ans, j’étais élève au lycée Janson de Sailly à Paris, mon père était un ouvrier qui avait réussi, il était de droite et j’étais forcément comme lui. A cette époque, les lycées et les universités étaient à droite. J’avais plusieurs sources d’inspiration : l’héroïsme, la guerre, les batailles, mon rêve était de faire Saint-Cyr et de devenir officier, la politique aussi me passionnait. Tout à coup, la guerre n’était plus dans les bouquins, mais à côté. Je me rappelle d’un petit réfugié de Hondarribia aux yeux verts, je lui ai demandé (je ne savais pas encore le basque à l’époque) : “Tú eres español ?” (Tu es espagnol ?), il m’a répondu “No, soy vasco, como tú !” ( Non, je suis basque, comme toi !). Il y a toute une superposition d’images contradictoires et de souvenirs comme les récits d’un jeune Navarrais qui nous disait comment les franquistes tiraient sur les rouges. Cela m’a refroidi de mon franquisme. Car ce n’était pas seulement la guerre d’Espagne, c’était la guerre d’Euskadi. Je me rappelle aussi avoir dansé un fandango au casino avec un jeune communiste, M. Rivière, sur l’air d’España de Chabrier (le jeune homme sera déporté quelques années plus tard). Et d’un congrès du PCF à Hendaye Plage qui s’était conclu par la Marseillaise et le Gernikako Arbola ! Les vacances de 1936 n’ont pas réussi complètement à me transformer, mais Hendaye fut le premier déchirement dans ma vie. Et comment j’ai pu passer de patriote français à patriote basque. En 1939, je préparais Saint-Cyr, nous étions un groupe qui portait sur notre calot “Gora Euskadi askatuta !”

Philippe Oyhamburu ne sera pas militaire. Il apprendra le basque quelques années plus tard, fondera Etorki et deviendra libertaire.

Dolo Dicharry : “Il y avait des balles perdues, une est arrivée à Txomin Enea, notre domicile. C’était l’exode, il y avait des matelas dans les couloirs, des blessés à qui l’on apportait du café. Chez moi, il y avait beaucoup de monde et des matelas partout. Je me rappelle que le maire avait voulu supprimer le bal hebdomadaire par respect, mais les réfugiés n’ont pas voulu.”

Jaime Rodríguez Salís : “Je suis originaire d’Irun, nous étions une famille de cinq enfants, ma mère était la sœur du maire républicain d’Irun. J’ai aujourd’hui 85 ans, c’est la première fois que j’ai l’occasion de dire merci aux Hendayais qui nous ont très bien accueillis et donné à manger. Nous, les enfants, nous allions à la plage et nous nous en foutions de savoir ce qui se passait dans la montagne !”

Angèle Peyrelongue : “Ma mère est morte le 7 décembre 1936, j’avais sept ans. Mon père était veuf avec trois enfants. A l’époque, Hendaye s’identifiait par quartier. Moi, j’étais de la gare et j’ai une image en tête : tous les jours, les chefs de familles de Hendaye se dirigeaient vers la gare où les réfugiés se massaient. Les Hendayais se rendaient là, et même s’il y a eu parfois des remarques désobligeantes, il y avait un dialogue et chaque famille amenait quelqu’un chez lui. Beaucoup de gens pleuraient, mon père disait : ‘Il faut partager, ils en ont moins que nous’. La guerre de 1939 est intervenue, mon père a été mobilisé. On se demande pourquoi avec trois enfants à charge ! Un républicain espagnol que nous avions logé qui était commis en douane s’est mis à travailler en plus au noir : il coiffait et restaurait des chaises pour nous aider. Il a été dénoncé par deux Espagnols et amené au camp de Gurs. Lors d’une permission, mon père nous a amenés à Gurs en taxi et a demandé à voir un officier en lui disant : ‘Cet homme que l’on a enfermé ici s’est vu obligé de travailler pour nourrir mes enfants. Il faut le libérer’. Mais cela n’a pas été possible. On l’a extradé, puis il est revenu à Irun et il est mort très vite. Voilà, je ne voulais pas en parler ce soir, mais je lui dois bien ça à Ignacio Sánchez.”

Antoinette Irastorza : “J’avais 11 ans je portais le lait en carriole avant d’aller à l’école. J’ai vu Fontarrabie en flammes, je me suis mise à pleurer. Peu après, ma sœur m’a dit : ‘Tu es en retard à l’école !’ ‘Non, je n’irai pas à l’école aujourd’hui ! C’est trop grave’, lui ai-je répondu. Nous avions deux réfugiés à la ferme, l’un d’entre eux, quand il entendait les avions républicains, il criait : ‘Viva la República !’”

Iñaki : “Vous parlez toujours des rouges : moi, je suis basque et républicain, les fascistes m’ont foutu la vie en l’air. Par dignité, je ne suis jamais retourné dans l’Espagne franquiste.”

Raphaël Lassallette, ancien maire de Hendaye : “Je rapporte simplement ce que m’ont dit mes parents. Je suis né le 4 août 1936 à la rue des Réservoirs, rue que je n’ai jamais quittée et où j’espère bien mourir. Cette nuit du 4 août 1936, deux naissances étaient imminentes : la mienne et celle de Jacqueline Artola. Nous étions séparés par 100 mètres de distance. La sage-femme Mme Costedoat faisait des allers-retours entre les deux domiciles. Ces allées et venues, elle les faisait en pleine guerre d’Espagne, en pleine guerre d’Irun. Quelques balles perdues atterrissaient rue des Réservoirs. Un matelas protecteur avait été mis à disposition par les familles pour protéger les allées et venues de la sage-femme. Nous sommes nés Jacqueline et moi. Et toujours vivants.”

Ramuntxo Sagarzazu : “Mon grand-père était chauffeur de taxi, il avait été ‘loué’ par des journalistes qui couvraient la guerre. Il me racontait qu’il avait mis des matelas sur le taxi, dont la position changeait selon la direction qu’ils prenaient.”

Marie-José Basurco, écrivaine : “J’ai écrit deux romans sur ce thème. Dans ma famille, le cousin germain de mon père était condamné à mort. A Saint-Jean-de-Luz, il n’y a pas eu le même accueil qu’à Hendaye. Le cousin de mon père avait un passeport apatride, il n’est jamais revenu à Donostia, il est mort à Caracas. Mon père s’est engagé pour la France, il a fait le débarquement de Sicile et d’autres batailles. Il a refusé les décorations et les médailles parce que la France avait trahi sa parole et les promesses faites au lehendakari José Antonio Agirre. Je voudrais que l’on se rappelle de tous ces enfants emmenés en Russie et en Angleterre qui ne sont jamais revenus. Et je voudrais rendre hommage au PNV (Parti nationaliste basque) et aux gudari, dont le commandant Lezo qui organisa le blocus de Bilbo et qui a résisté pendant six mois. Des gudari, trahis par les Alliés. On a laissé l’Espagne franquiste prospérer, Franco est mort dans son lit. En 1959, d’autres gudari ont repris le flambeau et lutté contre le franquisme.”

 

Le président d’Oroitza, Marcel Argoyti, reçoit la médaille de la ville

Le président d’Oroitza, Marcel Argoyti, a reçu hier des mains du maire de Hendaye, Battit Sallaberry, la médaille de la ville. Le conseiller général Kotte Ecenarro, lui-même fils de réfugiés venus d’Eibar, assistait également au forum. “C’est un enfant de 16 ans qui vous parle des balles perdues qui arrosaient Hendaye. Je sais qu’au-delà de moi, c’est toute une équipe que vous avez voulu reconnaître et encourager. Oroitza va donner à Hendaye un visage qu’elle n’avait pas”, a déclaré Marcel Argoyti. Par ailleurs, le maire a souligné que le travail d’Oroitza mettait en exergue “les valeurs d’accueil, de solidarité et de partage. Les Hendayais ont ouvert leurs portes. Dans une perspective d’avenir, c’est un exemple à suivre”.

Oroitza souhaite que ce forum soit le début d’une “aventure intellectuelle” et s’apprête à lancer une étude basée sur l’exploitation d’un questionnaire anonyme renseigné par 400 habitants de Hendaye. “Il en résultera une photographie de la connaissance d’une période critique, une possibilité d’en évaluer les écarts par rapport à la réalité et une possibilité d’estimation des impacts sur le développement local de tels événements”, explique Oroitza, qui a proposé au laboratoire de psychologie sociale de l’université du Pays Basque à Donostia d’apporter sa contribution. L’intérêt du sujet a amené l’université de Provence à s’y associer.

Hier, le psychologue Dario Páez Rovira a rappelé l’importance de la mémoire collective : “Des souvenirs qui dépendent de la distance temporelle par rapport à l’événement, du contenu de la transmission intergénérationnelle et de l’influence exercée par le groupe d’appartenance”. Pedro Sánchez Blanco est intervenu pour la partie historique.

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