Entre jeu vidéo et psychologie positive, les « Sims » découvrent les …

Le quatrième épisode de la célèbre simulation de vie Sims est sorti sur PC, ce jeudi 4 septembre, avec comme principale nouveauté la gestion des émotions. Un axe de communication fort pour l'éditeur du titre, mais aussi l'héritage d'un siècle de recherches en psychologie, une des sources d'inspiration historique des Sims.

Décrire le comportement humain

« Ce qu'un homme peut être, il doit l'être », écrivait au siècle dernier l'Américain Abraham Maslow, figure emblématique de la psychologie humaniste, et père de la pyramide des besoins, selon laquelle l'accomplissement de soi ne peut passer que par l'assouvissement prioritaire des besoins primaires, puis secondaires, etc. (besoins physiologiques, sécurité, affection, estime...).

A l'instar des sciences dures, la psychologie n'a eu de cesse depuis le XIXe siècle de chercher variables et équations permettant de décrire, expliquer et prédire le comportement humain. Son influence s'est fait sentir jusque dans la série des Sims.

Dans ce jeu d'apparence légère se cache en effet une intelligence artificielle qui entend simuler la vie humaine sous tous ses aspects. Depuis le premier épisode en 2000, il s'agit en effet de façonner et de jouer avec des êtres humains virtuels, appelés Sims, et d'observer leur comportement. 

Différentes émotions de Sims.

« Ce n'est qu'en essayant de rétroconcevoir et de recréer la vie qu'il est possible d'embrasser sa complexité », expliquait Will Wright, passionné de simulations mathématiques, créateur des Sims et producteur de ceux-ci jusqu'à son départ du studio de développement en 2009. Il a très vite compris que la simulation était l'outil idéal pour modéliser le réel en un ensemble de paramètres et de variables.

Le quatrième opus amène encore un peu plus de profondeur à cette intelligence artificielle en lui ajoutant la gestion des émotions.

Les émotions, mécanique de jeu

Au nombre de quinze, celles-ci viennent ajouter une certaine expressivité aux personnages mais surtout du défi aux joueurs car elles sont chargées de conséquences. Par exemple, dans ce nouvel épisode, forcer un Sim fainéant à faire le ménage le rend nerveux et mécontent, tandis que cette même activité rend un Sim maniaque heureux.

Les émotions des Sims sont ensuite ré-exploitables par le joueur. Elles lui permettent par exemple de réaliser davantage d'actions avec son personnage, comme de lui faire distribuer plus de compliments lorsqu'il est heureux.

Ces émotions influencent également le résultat d'autres actions. Le producteur de ce nouvel épisode, Ryan Vaughan, présente l'exemple suivant :

« Si vous mettez votre Sim très en colère – peut-être suite à une bagarre – vous allez ensuite pouvoir le faire se rendre à la salle de musculation pour qu'il s'y donne à fond et fasse progresser ses compétences athlétiques plus rapidement, car il canalisera cette rage dans son exercice. En tant que joueur, vous avez la capacité d'exploiter non seulement l'identité de votre Sim mais aussi ses émotions afin d'accomplir différentes choses dans le jeu. »

Dans le jeu, ces émotions modifient également chez les Sims expressions faciales et langage corporel. Il est désormais de moins en moins nécessaire d'avoir les yeux rivés sur les tableaux de bord et les jauges pour décrypter ses personnages.

Il était déjà possible en observant les Sims de se faire une idée de leurs besoins insatisfaits lorsqu'ils s'assoupissaient ou manifestaient des crampes d'estomac. Il est maintenant possible de lire sur leurs visages les émotions qui les traversent.

« Du fait de leur personnalité de plus en plus développée, les Sims prennent vie d'une manière non seulement captivante, mais aussi je pense plus divertissante car nous pouvons vraiment nous y identifier », se félicite Ryan Vaughan. Mais derrière le jeu des émotions faciales, c'est bien d'une nouvelle conception du bien-être inspirée des travaux en psychologie dont il est question.

Une intelligence artificielle améliorée par itération

Les développeurs des Sims se sont toujours appuyés sur la recherche en psychologie pour perfectionner leur simulateur. Depuis le tout premier épisode, l'intelligence artificielle des Sims comporte par exemple des aspirations à long terme, ou encore des traits de personnalité, une notion bien ancrée en sciences sociales depuis les travaux du comportementaliste Gordon Allport.

Dans la série, ces traits sont choisis par le joueur. Ils sont toutefois immuables passé la création du personnage, contrairement au réel, où il est estimé que la moitié de notre personnalité environ est héréditaire, le reste évoluant au cours de la vie sous diverses influences.

Un Sim en colère.

Depuis le premier épisode, les Sims cherchent également à satisfaire leurs besoins de faim ou d'hygiène de façon très rationnelle, comme dans les travaux aujourd'hui controversés du psychologue Abraham Maslow sur la pyramide des besoins.

Les personnages obéissent également à certaines normes sociales programmées dans le jeu, et toute transgression est perçue négativement par les autres personnages. Ainsi, un Sim n'ira pas se sustenter dans le réfrigérateur de son voisin, même s'il a faim. Ces mécanismes ne sont pas sans rappeler les expériences menées notamment par Harold Garfinkel et qui évaluaient les réactions face à la transgression de normes sociales établies.

Modéliser le bien-être

Ainsi, jusque-là, le joueur devait veiller à ce que les besoins de ses petits personnages soient satisfaits et leurs rêves réalisés afin qu'ils soient heureux. Cette conception du bien-être, aujourd'hui considérée comme lacunaire, est dite « eudémonique » (du grec « bonheur »). Elle comprend le bonheur à long terme, la réalisation personnelle.

En créant ses personnages, le joueur avait le privilège de choisir des souhaits à long terme pour ses personnages, comme devenir chef étoilé, parent ou star de cinéma. Le joueur pouvait ensuite se donner pour défi d'accomplir les rêves de ses protégés, et leur bonheur était sa récompense.

Rencontre entre Sims.

Depuis, les psychologues reconnaissent que le bien-être n'est pas composé uniquement de ces grands accomplissements, mais aussi de petits bonheurs et malheurs quotidiens. Il s'agit du bien-être « hédonique » (du grec « plaisir »).

Jusqu'alors, celui-ci était resté relativement inexploré dans la saga des Sims. Les personnages devaient certes satisfaire certains besoins pour ne pas être malheureux, mais cela relevait davantage du plaisir que des émotions. Avec l'introduction de ces dernières, Les Sims 4 apporte donc la pièce manquante du puzzle.

Anatomie de l'émotion

Comme l'explique l'Américaine Barbara Fredrickson, figure anglo-saxonne moderne de la psychologie positive dont semble impregné ce nouvel épisode : « L'émotion surgit après interprétation d'une circonstance particulière, tandis que le plaisir apparaît après avoir donné au corps ce dont il a besoin à ce moment précis. »

Contrairement à la vision statique sur laquelle les premiers Sims se sont construits, la psychologie positive introduit une vision plus dynamique du bien-être humain. « Toutes les émotions ont en commun le fait qu'elles sont des réactions à des circonstances particulières, souligne Barbara Fredrickson. Elles ne sont pas un état permanent, elles surgissent puis disparaissent. »

Un Sim scientifique.

Dans sa théorie, elle explique notamment que les personnes ressentant davantage d'émotions positives ont « des relations plus positives avec les autres. Ils se sentent plus efficaces dans ce qu'ils font. Ils sont plus à même de profiter des bonnes choses de la vie. » A moins de vouloir rendre son Sim boxeur agressif ou écrivain mélancolique, mieux vaut donc lui prodiguer des émotions positives. 

« Les gens sont fascinés par la vie humaine »

Les Sims 4 vient donc rendre ces êtres virtuels encore plus attachants et profonds en leur ajoutant un panel d'émotions. Peu de chances en revanche que ceux-ci révolutionnent les recherches en psychologie. L'objectif du jeu est ludique plus que scientifique, comme l'indique Ryan Vaughan, pour qui « plus la simulation est fidèle, plus elle devient divertissante »

Le succès planétaire de ces titres, qui se sont déjà vendus à plus de 175 millions d'exemplaires, est résumé en une phrase par la productrice exécutive du dernier épisode en date, Rachel Franklin : « Les gens sont fascinés par la vie humaine. »

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