Emotions animales, sexe des castrats et psychologie des banquiers …

Chaque semaine, Olivier Postel-Vinay, directeur du magazine Books, décortique les longs formats des revues anglo-saxonnes. Morceaux choisis.

Ces bêtes qui nous ressemblent

Un éléphant auquel on fait écouter le barrissement de sa mère décédée peut l’appeler ensuite pendant des jours. Le même éléphant est capable d’aider un petit né avec un handicap. On a vu des femelles cachalot prendre soin de la progéniture d’une autre femelle partie chasser. Des études ont montré que les orques mâles adultes (de grands gaillards de cinq tonnes) présentent huit fois plus de risques de mourir lorsque leur mère disparaît que leurs congénères qui ne sont pas orphelins. Le point commun à ces observations ? Des hormones (la sérotonine et l’ocytocine) qui font ressentir aux animaux de l’anxiété et de l’empathie. Couplées à un gros cerveau, comme celui des éléphants, des orques ou des loups, ces substances vieilles comme le monde (elles remonteraient à 700 millions d’années) aboutissent à des comportements étonnamment proches de nôtres.

Source : New York Review of Books, 8 octobre, 19 000 signes.

L’auteur : Biologiste, paléontologue et spécialiste des mammifères, l’Australien Tim Flannery est aussi connu pour son écologisme militant. Il est l’auteur de nombreux livres, parmi lesquels Sauver le climat : tout est encore possible (à paraître le 22 octobre chez Buchet Chastel).

 

Le castrat : un homme, un vrai

C’est parce que les femmes n’avaient pas le droit de chanter dans les églises qu’émergea la tradition des castrats dans l’Italie du XVIsiècle. Mais on ne châtrait pas les garçons pour en faire des êtres efféminés : simplement pour préserver leur voix. Riches (ils pouvaient gagner, dans le Londres de 1750, jusqu’à dix fois le revenu d’une famille bourgeoise moyenne), indépendants (ils voyageaient où bon leur semblait) et puissants (ils se produisaient devant l’aristocratie et les familles royales), les chanteurs émasculés possédaient bon nombre des marqueurs de la masculinité. Certains étaient même mariés. Pour l’universitaire Martha Feldman, le statut du castrat ne se comprend que dans un continuum : l’homme était vu à la Renaissance comme la manifestation la plus parfaite d’un corps que possédaient aussi les femmes, mais dans une version affaiblie. «La castration d’un garçon avant la puberté ne remettait donc pas en cause son sexe, au sens moderne du terme. Il figeait simplement cet enfant à un niveau intermédiaire de la hiérarchie sexuelle.»

Source : London Review of Books, 8 octobre, 28 000 signes.

L’auteur : Le romancier irlandais Colm Tóibín est l’auteur, notamment, de la Couleur des Ombres et du Testament de Marie (chez Robert Laffont). Il signe régulièrement dans les grandes revues anglo-saxonnes.

 

«Exécution», «vague», «abattage»… Trois façons de se faire virer de la City

Beaucoup d’employés de la City ont ce genre d’histoire à raconter : un collègue vous appelle sur votre poste pour vous demander de récupérer ses affaires. Il vient de se faire licencier, son badge a été désactivé et il ne peut plus accéder à son bureau. D’après Joris Luyendijk – un journaliste qui a recueilli pendant deux ans les témoignages anonymes de 200 banquiers, analystes et autres habitués de la place –, un traitement expéditif comme celui-ci porte le doux nom d’«exécution». A quoi s’ajoutent les «vagues» («Lorsque le siège décide de réduire les effectifs et qu’un certain pourcentage d’employés à travers le monde se fait renvoyer en une seule journée») et l’«abattage» (le départ systématique des éléments les moins performants d’un établissement). Le résultat : une absence totale de loyauté, particulièrement nocive dans le contexte de la dérégulation du secteur bancaire. «Les gens sont confrontés à des tentations énormes de prendre des risques avec le capital et la réputation de leur banque, en sachant que, s’ils n’agissent pas ainsi, leur collègue d’en face, lui, le fera».

Source : The Guardian, 30 septembre, 28 000 signes.

L’auteur : Le journaliste néerlandais Joris Luyendijk a animé pendant deux ans un blog du Guardian consacré aux dessous de la City. Il en a tiré un livre qui vient de paraître chez Guardian Faber (Swimming With Sharks : My Journey into the World of the Bankers).

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Olivier Postel-Vinay Fondateur et directeur du magazine «Books»

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