[Édito] Les jeux-vidéo au service du football – Mensquare

J’ai 25 ans aujourd’hui et j’ai beaucoup joué aux jeux vidéo par le passé. Cela nous fait déjà probablement un point commun. Très tôt, j’ai décidé d’y consacrer une grande partie de mon temps libre. Je ne suis pas psychologue, je ne suis pas clinicien non plus mais j’ai beaucoup étudié sur le sujet. J’ai également remporté un titre de champion de France par équipe en 2011, de quoi me permettre d’appliquer certaines théories. A travers cet article, j’espère donc pouvoir mettre en lumière certains aspects encore sous-estimés par le grand public. Ce n’est pas un mythe : les jeux-vidéo peuvent avoir un effet bénéfique sur l’être humain. Différentes études ont démontré que la pratique de certains jeux améliorait rapidement la concentration et l’acuité visuelle des joueurs. Bienvenue dans la tête d’un geek à la recherche de l’excellence…

En 1999, la France était déjà championne du Monde et moi je découvrais les joies des nocturnes en cybercafé, assez jeune à l’époque, mais désireux de progresser rapidement sur un jeu en particulier, Counter-Strike. Un « FPS » au sein duquel deux équipes de cinq joueurs s’affrontent. Au début, j’ai pris ça comme un simple passe-temps pour me divertir, il y avait GoldenEye, FF7, PES et désormais celui qu’on appellera « CS », probablement le jeu le plus populaire de sa catégorie. Après quelques années à jouer avec mes amis, j’ai décidé de découvrir un nouvel aspect de ce jeu : la compétition, la vraie. Celle qui vous permet de jouer sous pression et de tester vos limites. Je jouais aussi au foot en club à l’époque à bon niveau. Ce que j’apprenais d’un côté me servait de l’autre, aussi surprenant que cela puisse paraître. Avec le temps, j’ai compris que tout était lié. On ne peut pas appréhender un système en négligeant sa globalité.

En jouant à mon FPS, je devenais donc plus réactif sur le terrain et ma perception visuelle s’améliorait. Je jouais au poste de latéral et j’avais le sentiment de mieux appréhender la position de mes coéquipiers dans la surface, plutôt utile lorsqu’on vous demande de délivrer des centres. Quelques années plus tard, j’ai découvert plusieurs études me confirmant que cette sensation n’était pas erronée mais bel et bien réelle. « Lorsque les joueurs de FPS doivent chercher une cible, ils se fatiguent moins vite que la normale et se laissent moins distraire par d’autres objets ; ils réagissent plus vite et parviennent aussi plus rapidement à recentrer leur attention à la recherche d’une nouvelle cible », détaillait l’équipe de recherche de Daphné Bavelier dans les colonnes de La Recherche en 2012. Non, je n’étais pas fou. « Le foot, c’est un jeu de gamins, un jeu de perception visuelle, rien d’autre », expliquait récemment Coco Suaudeau, célèbre entraîneur du FC Nantes. J’avais même raison…

On s’fait une p’tite partie ?

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Plus qu’un jeu

Finalement, il n’y a rien d’extraordinaire à avancer que les jeux-vidéo peuvent « doper » la concentration et l’acuité visuelle, cela semble même logique. Dans un « FPS », on vous demande de multiplier la recherche de cibles, de savoir mémoriser l’environnement dans lequel vous évoluez, et de faire parler une véritable intelligence tactique afin de prendre l’ascendant sur votre adversaire. On y retrouve même l’aspect « mind-game » poussé au maximal. C’est pour dire : José Mourinho ne rechignerait pas à quelques parties de Counter-Strike en compagnie d’Arsène Wenger. En 2012, la revue Sciences Humaines détaillait :  « Une exposition répétée de l’organisme à un environnement visuel donné (un jeu vidéo par exemple) peut donc affecter à plus ou moins long terme les processus cognitifs qui traitent spécifiquement cet environnement. Les chercheurs trouvent au contraire que la pratique de jeux vidéo d’action modifie tout un ensemble de capacités visuelles attentionnelles. Les auteurs ont comparé les performances de « joueurs » réguliers face à des « non-joueurs » dans différentes tâches. (…) Ainsi, jouer régulièrement à des jeux vidéo d’action semble être bénéfique au traitement attentionnel visuel, en particulier à la flexibilité et à l’efficacité avec laquelle les joueurs étendent leur attention sur le temps et l’espace. »

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Les auteurs de ces recherches ont établi que les joueurs de FPS évaluent d’une meilleure façon un plus grand nombre d’objets que les non-joueurs, que ce soit en vision périphérique ou vision centrale. Ils sont également capables de suivre simultanément plusieurs objets dans le temps et l’espace d’une façon plus prononcée. « En plus de ces effets sur les composantes spatiales et temporelles de l’attention visuelle, la pratique de jeux vidéo semble aussi améliorer certaines caractéristiques de la mémoire de travail spatiale. »

Au Rugby, par exemple, afin d’améliorer la perception d’un joueur (entre autres), on fait parfois appel à un spécialiste des sports de combat -habitué à anticiper les coups et faisant parler une véritable capacité à appréhender l’espace qui l’entoure. La recherche de l’excellence n’a pas de limite.

Pôle France : Entraînement rugby combat par FFR

Lorsque j’ai rencontré Yohan Cabaye en septembre dernier, adepte des FPS, j’ai pu échanger quelques minutes avec lui sur ce sujet. Le milieu du PSG a compris très rapidement où je voulais en venir et m’a confirmé qu’il y avait clairement un lien à établir entre les jeux-vidéo et le football. Dans une position de n°6 où on lui demande d’orienter le jeu, une pratique précise pourrait lui permettre de mieux ressentir les déplacements de ses coéquipiers et l’arrivée d’un joueur au pressing venant contrarier sa trajectoire de passe recherchée. Modestement, j’ai la sensation aujourd’hui qu’en jumelant la pratique d’un FPS + l’utilisation de la machine développée par le Borussia Dortmund, un joueur de foot pourrait bel et bien voir sa perception visuelle et ses reflex augmenter tout en améliorant la vitesse d’une prise de décision sous pression. Le problème, c’est qu’en France, on a encore du mal à appréhender les nouvelles cultures émergentes et les phénomènes de masse. Personne n’est parfait après tout…

Philippe Rodier.

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sources : Le Figaro, La Recherche, Sciences-Humaines

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