Drames conjugaux et familicides

L’histoire récente du Québec a révélé d’autres infamies qui allongent la liste. On peut penser à Guy Turcotte (photo), à Cathie Gauthier-Lachance et à Pascal Morin.
© Agence QMI / Archives

Entre 1997 et 2007, le Québec a été le théâtre de 150 homicides intrafamiliaux, incluant dix tueries d'enfants qui ont fait seize victimes innocentes.

L'histoire récente du Québec a révélé d'autres infamies qui allongent la liste. On peut penser à Guy Turcotte, à Cathie Gauthier-Lachance et à Pascal Morin, qui vient d'être déclaré apte à comparaître pour le meurtre de sa mère et de ses deux petites nièces.

Devant ces données inquiétantes, le ministre de la Santé a demandé la mise sur pied d'un comité d'experts chargé d'étudier le phénomène des homicides intrafamiliaux. Le rapport sera déposé d'ici au début de l'été.

Passage à l'acte

Depuis quinze ans, la psychologue Suzanne Léveillée s'intéresse à la notion du passage à l'acte.

Tant pour l'homicide conjugal que pour le familicide, la séparation amoureuse est responsable de 56 % des cas. La perte d'argent est le deuxième facteur.

«Ces hommes sont incapables de se séparer de leur conjointe, de faire face à la perte, même s'ils sont conscients des difficultés vécues au sein du couple», a-t-elle expliqué.

Dans le cadre de ses recherches, la psychologue a rencontré plusieurs condamnés pour homicide conjugal, en milieu carcéral. Il est rare que les auteurs de familicide survivent à leur geste, puisque 80 % d'entre eux se suicident.

«Il y a des hommes qui réussissent à mettre ça de côté pour réussir à fonctionner, a expliqué la psychologue. Tuer quelqu'un et être victime, c'est différent. Ça n'a pas le même impact psychologique. Certains n'ont pas beaucoup de culpabilité. Ils contrôlent l'autre jusque dans la mort.»

Prévention

La meilleure façon de prévenir ces homicides consiste à mieux comprendre les enjeux susceptibles de les déclencher.

«De nos jours, la performance est au premier plan. Les gens ne prennent pas le temps de vivre leurs émotions et, souvent, se lancent dans l'action de tout ordre pour ne pas ressentir», a-t-elle affirmé.

Mme Léveillée est coauteure du livre Ces hommes qui tuent leur famille. Elle a également participé aux travaux du comité d'experts dont le mandat était d'étudier le phénomène aussi bien au Québec que dans d'autres sociétés.


Le jour où la vie bascule

«Bonne fête, mon petit Justin d'amour. Aujourd'hui, tu serais devenu un adulte... Je donnerais ma vie si on me donnait l'opportunité de passer ne serait-ce qu'une petite heure avec toi.»

Ces vœux sont ceux de Marie-Paule McInnis, publiés sur Facebook le 29 mars pour l'anniversaire de son fils, Justin, mort avec son frère dans l'incendie de leur demeure allumé par leur père, à Port-Daniel, en Gaspésie.

Impossible à oublier

Bien que les événements remontent à 1996, la mère de 47 ans n'a rien oublié de ce soir tragique du 2 juillet où sa vie a basculé à tout jamais. «C'est là jusqu'à mon dernier souffle. La douleur ne s'en ira jamais. J'ai compris ça avec le temps», a-t-elle dit.

Vie insoutenable

Victime de violence conjugale, elle était séparée depuis un mois. Sa relation avec Jules-André Langlois était devenue insoutenable. Il lui interdisait de sortir, la menaçait, l'intimidait. Elle vivait sous son emprise.

«Contre sa volonté, je suis allée une fois chez la coiffeuse. Quand je suis revenue à la maison, le petit était assis par terre avec de gros couteaux tout autour de lui. Le message était clair.»

Dans les jours précédant la tragédie, elle avait loué un logement à proximité du domicile familial pour être près de ses fils.

«Je gardais espoir qu'il ne leur fasse rien. Ce n'était pas la première fois que je partais, mais il a vu que, cette fois, c'était plus sérieux.»

Pendant qu'il travaillait, elle gardait Justin et Jérôme avec elle. Le soir, il reprenait les enfants avec lui. À deux jours de l'audition devant la cour pour régler la question sur la garde partagée, il est passé à l'acte.

Témoin en direct

«Quand j'ai entendu les sirènes, j'ai immédiatement pensé à mes enfants. J'ai regardé par la vitre et je voyais en direct la maison brûler. C'est horrible. Tu ne fais pas ça à un chien.»

Pour donner un sens à sa vie, elle s'est inscrite à l'université, où elle a obtenu un baccalauréat en psychologie et un certificat en réadaptation sociale.

Inconscience

«C'est là que j'ai compris qu'il n'y avait rien d'impossible! Il fallait que je sois inconsciente. Quelqu'un de normal n'aurait pas essayé. J'avais une quatrième secondaire pas terminée et j'avais ce gros drame-là sur les épaules.»

En 2009, elle a réalisé une promesse faite à ses deux enfants en publiant un livre, La survivante, relatant son histoire. Le bouquin, vendu aussi en France, a atteint 40 000 exemplaires. Chaque message d'encouragement de ses lecteurs lui permet de faire un pas de plus vers l'avant.


Chaque année, au Québec
— 1 familicide

— 3 homicides conjugaux

Les motivations

— Perte amoureuse : 56 %

— Perte sociale (perte d'argent) : 31 %

— Perturbation de l'état mental : 19 %

Besoin d'aide?

Centre de prévention du suicide

Région de Québec : 418 683-4588

Partout au Québec : 1 866 277-3553

Centre de ressources pour hommes Autonhommie :

À Québec : 418 648-6480

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