Des jeunes se rassurent au viagra

L'EDITO

Et la tendresse? Bordel!

On croyait le Viagra réservé aux quinquagénaires. Voire à des hommes nettement plus âgés. Erreur! Près d’un jeune sur dix a recours à des boosters de libido, selon une étude américaine. En Argentine, un professeur avance même que, dans son pays, un jeune sur trois prend une petite pilule bleue avant d’avoir une relation sexuelle.

Stupéfiant. Toutefois, n’allez pas croire que derrière ces chiffres se cache une épidémie d’impuissance juvénile. En réalité, l’utilisation de ces produits n’a qu’un objectif «récréatif», comme le disent les auteurs de l’étude. Autrement dit, les jeunes utilisateurs sont en pleine possession de leurs moyens, mais ils veulent plus et mieux!

Car aujourd’hui, la norme ne suffit plus. Seule l’excellence compte. Au boulot, dans ses relations, au lit. Une réalité qui frappe d’autant plus violemment les jeunes en pleine construction de leur identité. Ajoutez-y la crainte de ne pas être à la hauteur, une consommation importante du porno, et la recherche de la performance à tout prix devient incontournable.

L’objectif? Etre l’amant dont on se souviendra toute une vie. Mais, en se plaçant dans un état de compétition pathologique avec les autres, les jeunes confondent «amour» avec «érection». Si le sexe est un des ciments du couple, dans la vraie vie, il ne se mesure pas qu’en termes de rigidité. Mais aussi de tendresse et de complicité. Des notions malheureusement moins glorifiées que la performance. Et qui sont pourtant sans doute une des clés du bonheur.

Pascale Bieri, journaliste

L’EXPERT

Dr Lorenzo Soldati, Sexologue

Près d’un jeune sur dix utiliserait du Viagra. Stupéfiant, non?

Pas tant que cela. La construction de l’identité masculine est une période fragile, pleine de doutes, notamment à l’égard des femmes. Avec la peur de ne pas être à la hauteur. C’est une préoccupation normale. Mais, si la plupart des jeunes arrivent à relativiser, pour certains c’est une chose insurmontable. Par conséquent, ils ont besoin d’avoir recours à ce type de substances pour se sentir à la hauteur.

Il y a également une vision faussée de la performance, due notamment au porno…

Effectivement, l’éducation sexuelle des jeunes passe de plus en plus par les films pornos. Ce qui les amène à prendre pour modèle ce qu’ils y voient. Et cela d’autant plus qu’aujourd’hui tout ce qui est dans la norme apparaît comme négatif.

Ces stimulants sont-ils dangereux pour la santé?

Sur le plan physique, cela ne m’inquiète pas trop, même s’il faut être attentif à certains produits commandés sur le Net. En revanche, leur utilisation peut entraîner à la longue une dépendance psychologique, avec des risques d’aboutir à la toxicomanie.

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