Des hommes désespérés, «loadés comme un gun»

«C'est sûr que nos services ont permis d'éviter des drames familiaux. Ce n'est pas rare de voir des hommes qui se présentent ici et qui sont en crise, où le risque potentiel pour la vie de ces gens ou la vie de leurs proches est en jeu», dit le directeur général de l'organisme, André Beaulieu.

«Les hommes qui arrivent ici sont souvent "loadés comme un gun", comme dirait Éric Lapointe dans sa chanson», décrit le psychologue Richard Cloutier, président du conseil d'administration d'Autonhommie depuis un an. Aujourd'hui à la retraite, M. Cloutier s'est fait connaître par ses recherches sur la psychologie des enfants et des adolescents.

Les demandes d'aide reliées à des problèmes de rupture amoureuse ne représentent toutefois que 20 % de toutes celles reçues en une année. Elles viennent au deuxième rang. En tête, on retrouve les demandes concernant les problèmes d'adaptation sociale des hommes. Les problèmes reliés à la violence conjugale et à la violence ne génèrent que 5 % des demandes d'aide.

Des quadragénaires

«La violence, ce n'est pas notre majeure. On va référer les cas à d'autres organismes. De notre côté, on va aller voir ce qu'il y a en dessous de cette violence. Quand les hommes arrivent ici, ils sont assez chargés au niveau des émotions. Ça peut sortir de façon agressive verbalement», explique Claude Côté, travailleur social, responsable de l'accueil des nouveaux clients.

L'an dernier, près de 700 hommes ont entrepris une démarche individuelle ou en groupe chez Autonhommie. Neuf sur 10 résidaient dans la ville de Québec. Depuis huit ans, plus de 5000 hommes ont eu recours à ces services de dernier recours pour plusieurs. Leur âge tourne autour de 40 à 45 ans.

«Depuis quelques années, il y a des hommes de plus en plus jeunes, dans la vingtaine, qui viennent ici à la suite d'une rupture», note Denis Dubé, coordonnateur clinique. Malgré cette affluence pour un service méconnu, il ne faudrait pas croire que les hommes en détresse se pointent à l'organisme communautaire avec empressement. Ils s'y présentent plutôt en désespoir de cause et parfois sous la pression d'une conjointe, d'une mère, ou tout simplement, pour certains, dans une dernière tentative de s'en sortir avant de s'enlever la vie.

Quatre suicides sur cinq sont le fait d'hommes, dont la majeure partie sont dans la trentaine et la quarantaine.

«Ouvrir la porte pour entrer ici, c'est quelque chose de difficile pour une bonne partie des gars. Il y en a beaucoup qui m'ont dit que ça leur a pris deux, trois fois avant d'entrer. Ils passent en avant de l'immeuble avec leur auto sans s'arrêter puis ils finissent par se stationner», raconte Denis Dubé.

Sentiment de honte

Le frein pour bien des hommes de demander de l'aide, c'est la honte, le sentiment d'échec après avoir désespérément tenté de s'en sortir tout seul, la peur de ne pas correspondre à l'image d'un vrai homme qui doit être tough. «C'est une question de valeurs traditionnelles. Dans la société, les hommes doivent être forts, ne doivent pas communiquer leurs émotions parce qu'ils ont peur de se montrer vulnérables, faibles. Ils sont aussi un pourvoyeur d'argent. Ça tend à changer, mais c'est encore bien ancré», dit Claude Côté.

«Une femme est peut-être plus intelligente dans l'écoute de ses besoins. Elle n'a pas son estime d'elle-même à terre en disant qu'elle a besoin d'aide. Pour le gars, c'est comme si son estime de soi s'effondrait complètement s'il avoue être en panne et avoir sérieusement besoin d'aide. Il y a des progrès malgré tout», avance Richard Cloutier.

Les nouveaux clients d'Autonhommie (www.autonhommie.org) sont très mal dans leur peau, parfois depuis plusieurs années. Un événemen, par exemple une rupture de couple, une perte d'emploi, est la goutte d'eau qui fait déborder le vase et les amène à consulter.«Il y a des hommes qui se présentent ici qui ont des tendances suicidaires. Avant de débuter, on fait une évaluation psychosociale du client. On vérifie son indice de dangerosité suicidaire ou homicidaire à partir d'un questionnaire. Au besoin, on va prendre une entente de non-suicide avec lui et lui offrir des services spécialisés», indique Claude Côté.

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