Des consultations psy à distance pour soigner le blues des expatriés

Paris (AFP) - Quand on est expatrié, difficile de trouver un interlocuteur pour soigner un coup de cafard ou une déprime plus profonde: ce constat a conduit des thérapeutes à lancer des consultations de psychiatrie et psychologie à distance, un concept qui commence à séduire entreprises et ONG.

Habituée des missions humanitaires en Afrique, Julie, 29 ans, a vécu il y a quelques mois une expérience difficile: "J'étais dans un endroit reculé, avec des conditions de vie compliquées; j'avais énormément de travail et la frustration de ne pas pouvoir apporter toute l'aide voulue à la population locale. En fait, j'étais proche du +burn out+", raconte-t-elle.

De retour à Paris, avant de repartir sur une autre mission, elle découvre l'existence de consultations psy à distance, spécialement conçues pour des personnes expatriées ou en mobilité.

Pour se rassurer avant de "sauter le pas", elle prend un premier rendez-vous à Paris dans le cabinet de l'une des psychologues du projet. Depuis, elle téléconsulte régulièrement avec elle. "J'ai trouvé le soutien qui me manquait lorsque je suis loin", affirme-t-elle aujourd'hui.

Difficile en effet de parler de soi, de ses baisses de moral, de ses passages à vide, dans une langue qui n'est pas la sienne.

C'est ce constat qui a conduit Bernard Astruc, psychiatre et lui-même ancien expatrié, à cofonder Eutelmed. Cette société propose, via un système vidéo sécurisé, des consultations à distance avec des psychiatres et psychologues.

Pour rendre le projet possible, plusieurs freins ont dû être levés. "Pour les consultations de psychiatrie, nous avons conclu des partenariats avec une dizaine de cliniques dans le monde", explique par exemple le docteur Astruc.

Après une prise de rendez-vous en ligne, le patient peut se rendre dans ces lieux dédiés et téléconsulter. A la fin, un médecin local sera en mesure de lui délivrer une prescription, en accord avec la recommandation du psychiatre.

Pour les consultations en psychologie, pas besoin d'intermédiaire. "Nous travaillons en seize langues avec un réseau de professionnels formés", et souvent sensibilisés aux problématiques de l'expatriation, explique Chrystel Chaudot, psychologue clinicienne, cofondatrice.

La société commence aussi à proposer des téléconsultations en orthophonie.

"Plus dur à vivre"

Pour le sociologue du travail Alexandre Mathieu-Fritz, ces séances à distance répondent à un réel besoin. Car "les formes de souffrances psychiques liées à l'expatriation sont nombreuses", relève-t-il. Ainsi "la perte d'un proche ou une séparation sont d'autant plus dures à vivre que l'on est loin. Et le décalage culturel peut exacerber des difficultés psychologiques".

Il note que "la relation psy-patient est modifiée et nécessite des efforts d'adaptation: le thérapeute ne voit plus la personne totalement, ne partage pas le même espace-temps ou risque d'éprouver des difficultés pour interpréter un silence". Mais "les résultats obtenus sont jugés satisfaisants", selon les professionnels interrogés.

Les réflexions actuelles menées autour de la qualité de vie au travail et les risques psychosociaux pourraient bientôt concerner aussi les salariés expatriés, avance le sociologue.

Les ONG et entreprises n'hésitent d'ailleurs plus à se préoccuper du bien-être de leurs expatriés, pas seulement sur le plan matériel.

"Avant leur départ, nous leur proposons systématiquement de participer à des sessions de découverte du pays, afin qu'ils soient le mieux préparés possible", explique Didier Acket, DRH d'une branche de GDF-Suez en charge de l'exploration et la production de gaz et du négoce de GNL, qui recense environ 120 expatriés.

Conscient que l'une des clés de la réussite de l'expatriation est "la bonne acclimatation de la famille", le groupe organise la scolarité des enfants à l'étranger, une aide à la recherche d'emploi pour le conjoint, mais prévoit aussi désormais "une aide psychologique en cas de besoin".

"Pendant le séjour, si une alerte survient, nous pouvons activer cette assistance à distance", note ainsi Didier Acket. "C'est important d'avoir cette possibilité dans notre palette et surtout, que le salarié expatrié sache que cela existe", estime-t-il.

Leave a Reply