Des centres multidisciplinaires pour accueillir les victimes de viol

L'ancien ministre sp.a, Steve Stevaert, n'aurait pas supporté les accusations de viol à son encontre et son renvoi en correctionnel. Sur Facebook, le doyen de la faculté de psychologie de la VUB, Willem Elias, a tenu à lui rendre hommage... Mais dans sa publication, celui-ci met au passage en doute l'accusation de la jeune femme à l'origine de la plainte. Quand on est victime de viol, dit-il, on n'attend pas 3 ans avant de porter plainte, on le fait le jour même ou le lendemain... Ces propos ont provoqué l'indignation des internautes. Une victime de viol a même posté une vidéo pour expliquer pourquoi, elle aussi, a attendu 3 ans avant de porter plainte.

Des années avant de porter plainte

Le doyen a nuancé ses propos et la VUB s'est distanciée mais la polémique était lancée : combien de temps faut-il pour qu'une victime de viol se décide à porter plainte? La plupart des victimes ne déposent jamais plainte. Celles qui le font prennent souvent plusieurs années avant d'y arriver. Le délai de prescription est d'ailleurs de 10 ans, ce n'est pas pour rien... " Elles se sentent humiliées, raconte Joëlle Delmarcelle, psychologue chez SOS viol. Il y a la culpabilité aussi, la honte, la peur de ne pas être crues, la peur d'être jugées par les autres et qu'on leur fasse sentir qu'elles sont responsables. Tout ça vient empêcher la prise de parole. " Il n'est effectivement pas rare que l'entourage culpabilise la victime : "C'est l'idée qu'elle y serait quand même un peu pour quelque chose, qu'elle n'a pas fait ce qu'il fallait pour l'empêcher." Alors, comment, après, trouver encore la force de parler à la police, face à des inconnus?

Des obstacles pratiques

Au-delà des barrières psychologiques, il y aussi beaucoup d'obstacles plus pratiques. Quand elle porte plainte, la victime doit subir un examen médical pour récolter les preuves du viol, comme des traces ADN. Dans certaines provinces, ce sont des médecins légistes qui s'en occupent. A Bruxelles, c'est le service des urgences des hôpitaux qui sont sensés les faire. Mais tous les hôpitaux n'ont pas ce qu'on appelle le "set d'agression sexuel", qui est nécessaire. Le dépôt de plainte peut donc vite se transformer en parcours du combattant. "Si j'arrive dans un hôpital qui n'a pas ce set d'agression sexuel, explique Christine Gilles, gynécologue à l'hôpital Saint-Pierre à Bruxelles, ça veut dire que l'on va peut-être me transférer dans un autre hôpital. Soit on demandera à la police de s'en occuper, soit on me dira carrément quand j'arrive aux urgences que je me suis trompée d'endroit et que je dois me débrouiller pour aller dans un autre hôpital." Concrètement, cela veut dire que les victimes devront répéter plusieurs fois leur histoire. Par ailleurs, par la suite, elles auront aussi du mal à obtenir des nouvelles du suivi de leur plaintes.

Des centres multidisciplinaires de référence

Christine Gilles plaide donc depuis longtemps pour une amélioration de la prise en charge des personnes qui ont subi un viol. Elle défend la création de centres de référence, comme cela existe déjà en Angleterre. Ce sont des centres qui rassemblent en un endroit tous les spécialistes nécessaires. "Ça va depuis les policiers spécialisés dans le dépôt de plainte jusqu'au suivi qui est organisé pour donner des nouvelles de sa plainte à la victime, en passant par une prise en charge médico-légale de bonne qualité, une prise en charge médicale de bonne qualité, et une prise en charge psychologique de bonne qualité."

Une idée reprise par Elke Sleurs

Christine Gilles avait déjà parlé de ce projet au sénat... mais c'était sous la précédente majorité. Depuis le changement de gouvernement, elle n'a plus eu de nouvelles. Aujourd'hui, au lendemain de l'affaire Stevaert, Elke Sleurs annonce qu'elle veut lancer ce type de centre multidisciplinaire à travers tout le pays. Elle dit aussi vouloir rendre moins invasif l'examen médical destiné à récolter des preuves. Mais rien n'est encore décidé, tout cela doit encore être discuté au sein du gouvernement fédéral. Elle prépare en fait un plan d'action contre les violences sexuelles, qu'elle espère avoir bouclé pour l'été. En attendant, 8 plaintes sont déposées chaque jour en Belgique, alors qu'on sait que le nombre de viols est beaucoup plus élevé encore.

Daphné Van Ossel

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