Dégustation d’un vin : quelle est la part du psychologique ? – bulletins


"Une fois que l'on a pénétré l'univers du vin, on est comme piégé et l'on ne peut que souhaiter travailler dans ce secteur", reconnaît Jordi Ballester. Ainsi après avoir obtenu son diplôme d'ingénieur en sciences des aliments de l'Université Polytechnique de Valencia en Espagne, un séjour Erasmus l'a conduit à Dijon pour y effectuer son stage de DEA (Master) avant d'entamer une thèse. "Nous avions pour ambition de décortiquer les arômes du Chardonnay, tant sur le plan chimique que d'un point de vue sensoriel", précise-t-il. En fait, il s'agissait ni plus ni moins que de découvrir la "molécule magique", comme cela avait été déjà fait dans le vignoble bordelais avec le Sauvignon blanc et en Alsace pour le Gewurztraminer. Car si l'on connaît le Chardonnay, on ne sait toujours pas ce qui, chimiquement, permet aux dégustateurs de le reconnaître. "Une thèse très scientifique, avec beaucoup de chimie, et une petite partie touchant à la psychologie cognitive", se souvient-il. Mais si quelques molécules candidates ont été découvertes, il s'est avéré qu'en fait de "molécule magique", c'était davantage de l'équilibre d'une quinzaine de composés dont dépendaient les arômes du Chardonnay.

Après une année d'enseignement au sein d'AgroSup Dijon, Jordi Ballester est allé au Canada, dans l'Ontario, pour un post-doc visant à identifier des marqueurs d'authentification des vins de glace dont la particularité, rappelons-le, est d'être produit à partir de raisins vendangés gelés. De retour en France, il a intégré l'Université de Bourgogne pour y enseigner la dégustation et dispenser un cours théorique de méthodologie et d'analyse sensorielles. Parallèlement, il poursuit des travaux au CSGA, dans l'équipe "Culture, Expertise et Perception", qui portent principalement sur la perception et la psychologie des dégustateurs. "Je m'intéresse beaucoup à l'expertise", indique-t-il. Il a pu ainsi montrer que contrairement à une idée reçue, novices et experts disposent des mêmes atouts en matière sensoriel. "La différence se fait au niveau de l'apprentissage d'un vocabulaire et de l'organisation des connaissances mémorisées. Par ailleurs, l'expert goûte de manière délibérée, alors que le novice fait plus attention au contexte de la dégustation qu'au vin lui-même", résume le chercheur.

Jordi Ballester travaille aussi beaucoup sur les représentations. De quelle manière un expert se représente-t-il un cépage ou une région ? Et qu'en est-il pour le novice ? Telles sont quelques-unes des questions passionnantes qu'il se pose. "Ainsi l'idéal d'un vin de qualité pour un novice n'est pas du tout le même que celui d'un expert, les éléments considérés par l'un et par l'autre n'étant pas les mêmes", explique-t-il. Des informations qui, évidemment, vont intéresser les marketers et tous ceux qui élaborent des stratégies commerciales. Ce travail, il l'a renouvelé mais cette fois-ci avec des personnes qui regardaient uniquement les étiquettes, sans goûter le vin. "C'est le type d'expérience dont les résultats peuvent être intéressants en termes de stratégie de communication", souligne-t-il. Preuve que la psychologie joue un rôle significatif, en particulier dans le choix d'un vin et son appréciation par le consommateur. "Il y a une quinzaine d'années, personne ou presque n'aurait osé en parler. Aujourd'hui, nous avons de plus en plus de demandes qui vont dans ce sens", conclut-il. Alors certes, cela démystifie quelque peu le "décor" traditionnel qui entoure le vin mais n'est-ce pas finalement pour mieux le comprendre et l'apprécier ?

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