De plus en plus d’étudiants sollicitent l’aide de psychologues

À l'UdeS, le nombre de demandes pour un suivi psychologique a doublé depuis 10 ans.

Selon la psychologue Johanne Bernatchez, chef d'équipe du secteur psychologie à l'UdeS, au cours des trois dernières années, le nombre de demandes de suivi psychologique se chiffrait à quelque 630 demandes annuellement.

Par suivi psychologique, l'institution fait référence à « une séquence de plusieurs rencontres avec le même psychologue ». Le service de psychologie et d'orientation offre également des services de consultation psychologique ponctuelle, soit une rencontre avec un psychologue.

Les demandes pour ce type de consultation ont aussi doublé depuis 10 ans. Toutefois, indique Mme Bernatchez, depuis six ans, le nombre de demandes est stable et il oscille autour d'environ 450 demandes par année.

Psychologue au Cégep de Sherbrooke, Jean Soucy indique que 587 dossiers ont été ouverts pour des consultations en 2014-2015 ; on en comptait 555 en 2013-2014 et 560 en 2012-2013. Employé de l'établissement depuis 1979, il constate que 59 dossiers avaient été ouverts en 1979-1980.

M. Soucy, qui est chef d'équipe du service d'aide psychosociale du Cégep de Sherbrooke, ne croit pas que l'on peut identifier un seul phénomène pouvant expliquer cette hausse graduelle. Les raisons sont multiples : difficulté financière, moment de transition important dans la vie d'un jeune, etc.

« L'idée de demander des services est beaucoup plus admise qu'il y a 30 ans », soutient-il. Près de 10 % de la clientèle de l'établissement va consulter, note M. Soucy.

Interrogé sur le lien entre la hausse des étudiants ayant un trouble d'apprentissage et l'augmentation des consultations, M. Soucy note que ces étudiants sont plutôt pris en charge par les services adaptés de l'établissement ; ils ne viennent donc pas, selon lui, gonfler les chiffres du service d'aide psychosociale.

« L'université est une microsociété en soi, de sorte que nous y retrouvons donc une diversité de problèmes similaire à celle observée de façon générale dans la société. Nous retrouvons donc, pour n'en nommer que quelquesuns, des problèmes de stress et d'anxiété, de difficultés relationnelles diverses, des problèmes de santé mentale divers, etc. », indique Mme Bernatchez.

La solitude et l'isolement affectent plusieurs étudiants

Solitude, stress financier, angoisse de performance : les difficultés rencontrées chez les jeunes sont multiples, témoignent des enseignants du Cégep de Sherbrooke.

« On a des étudiants avec des profils très variés. Je remarque beaucoup, pour être près de mes étudiants, que plusieurs sont frappés par la solitude et l'isolement. Cette solitude peut masquer toutes sortes de problématiques. Les enseignants sont souvent les premiers témoins de leur solitude. Ça crée une brèche pour les acheminer vers de l'aide. Bien souvent, les enseignants sont peu outillés pour aider les jeunes. On les achemine au service d'aide psychosociale. La solitude en elle-même, ce n'est pas facile de composer avec elle », commente Keith Éthier-Delorme, professeur de philosophie au Cégep de Sherbrooke depuis huit ans.

Quel genre de solitude les jeunes vivent-ils ? « Ce sont des jeunes dont le tissu social, amical est déficient. C'est étonnant, ils peuvent avoir une vie virtuelle très active... »

« C'est clair que les problèmes, on les voit davantage en fin de session. C'est là que les étudiants éclatent et viennent nous parler », commente Véronique Grenier, professeure en philosophie au Cégep de Sherbrooke. « Il y a beaucoup d'anxiété, il y a de l'anxiété de performance, qui mène à de l'insomnie. On retrouve des troubles alimentaires, des étudiants suicidaires. Ça m'est arrivé d'en référer en psychiatrie. Souvent, ce qui me frappe le plus, c'est le fait qu'ils soient seuls avec leur souffrance psychologique. »

En arrivant au cégep, certains vivent pour la première fois à l'extérieur de la maison. D'autres doivent travailler fort pour subvenir à leurs besoins. « Ce n'est pas juste pour s'acheter du linge ou pour sortir ! » lance-t-elle. Elle voit se démener les parents-étudiants. « C'est une lutte, littéralement ! »

« Il y a des gens qui viennent d'un milieu financier aisé, qui peuvent jouir d'une reconnaissance sociale importante, qui sont populaires à l'école, mais qui éprouvent toutes sortes de problèmes d'anxiété », commente Keith Éthier-Delorme. « Il y en a qui reçoivent tellement de pression à la réussite qu'ils croulent sous la pression ; ça les mène à d'autres problématiques : une perte de confiance, ne pas se sentir à la hauteur... »

Certains jeunes portent de véritables histoires d'horreur, fait-il valoir également.

Véronique Grenier croit aussi que l'idée de consulter est beaucoup moins taboue qu'elle ne l'a déjà été. Son collègue estime que ce sont les filles, davantage que leurs confrères, qui vont d'abord venir se confier.

Les professeurs devraient être mieux outillés afin de venir en aide aux jeunes qui ont des problématiques, croit le professeur de philosophie. Selon lui, ce serait aux institutions de miser davantage sur ce genre de formations, mais le contexte budgétaire nuit aux efforts qui pourraient être mis en place. Les professeurs d'études supérieures sont des spécialistes dans leur domaine, souligne-til. « Ils sont pédagogues, et ils deviennent aidants. »

« Il faut que tu sois confortable à jouer un rôle », nuance-t-il toutefois. La formation qu'il préconise n'est pas pour intervenir, mais afin d'être mieux outillés pour référer les jeunes vers les professionnels. Selon lui, le service d'aide psychosociale a fait des efforts, ces dernières années, afin d'être mieux connu auprès de la communauté étudiante.

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