Comprendre et prévenir le décrochage scolaire

Une tri­bune d'Emeline Bardou, psy­cho­logue pra­ti­cienne (Structures médico-sociales (CMPP et SESSAD) et Docteur en Psychologie (Université Toulouse 2. Maison de la Recherche)

Les dif­fi­cul­tés sco­laires repré­sentent des motifs de consul­ta­tion de plus en plus fré­quents en pédo­psy­chia­trie. La démo­bi­li­sa­tion sco­laire est un signe qui peut dévoi­ler la souf­france de l'enfant dont les causes sont mul­tiples. L'objectif de cette recherche est d'identifier les pro­ces­sus psy­cho­lo­giques sous-jacents au phé­no­mène de démo­bi­li­sa­tion sco­laire et de mettre en avant les fac­teurs pro­tec­teurs du décro­chage sco­laire, en s'intéressant par­ti­cu­liè­re­ment à l'impact de l'estime de soi des adolescents.

L'estime de soi est une dimen­sion essen­tielle de l'identité, qui ren­voie à la valeur qu'un indi­vidu attri­bue à sa propre per­sonne. L'échec sco­laire peut être lié à une mau­vaise opi­nion de soi, qu'elle en soit l'origine ou la consé­quence. La démo­bi­li­sa­tion est à com­prendre comme le signe d'une inter­ro­ga­tion du sens de la sco­la­rité par les ado­les­cents ren­voyant à la notion d'un pro­ces­sus psy­cho­lo­gique qui désigne sur un conti­nuum, la perte de sens et de valeur accor­dée à l'école et aux savoirs. L'échec sco­laire ou bien le décro­chage sco­laire, repré­sen­tant l'état final ou l'expression du pro­ces­sus de démobilisation.

Pour véri­fier s'il existe un lien entre l'estime de soi de l'adolescent et sa mobi­li­sa­tion sco­laire, nous avons fait pas­ser deux échelles d'évaluation (estime de soi et mobi­li­sa­tion sco­laire) auprès de 405 col­lé­giens, en pro­cé­dant à des entre­tiens et des ana­lyses statistiques

Les résul­tats mettent en avant que l'estime de soi pré­sente des effets pro­tec­teurs sur la mobi­li­sa­tion sco­laire des col­lé­giens. Plus l'estime de soi est élevée, plus la mobi­li­sa­tion sco­laire est impor­tante. Une faible estime de soi à l'adolescence serait donc asso­ciée à un décro­chage sco­laire prématuré.

En conclu­sion, les résul­tats de cette recherche nous amènent à pen­ser que l'estime de soi consti­tue une dimen­sion pré­ven­tive de la démo­bi­li­sa­tion sco­laire. Ils sou­lignent l'intérêt de consi­dé­rer les fac­teurs psy­cho­lo­giques de la démo­bi­li­sa­tion sco­laire en agis­sant sur le sens accordé à l'école et en reva­lo­ri­sant l'estime de soi afin d'éviter le pas­sage à l'acte du décro­chage sco­laire, notam­ment auprès des élèves non-conformes aux normes scolaires.

Bibliographie

Bardou, E. Oubrayrie-Roussel, N. Lescarret, O. (2012). Estime de soi et démo­bi­li­sa­tion sco­laire à l'adolescence. Revue Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, Vol 60, N° 6, pp 435–440.

Bardou, E. Oubrayrie-Roussel, N. (2012). Approche qua­li­ta­tive de la mobi­li­sa­tion sco­laire : une ques­tion de sens. Psychologie et Education, 4, pp25-48

Coslin, P. G. (2003). Les conduites à risques à l'adolescence. Paris. Armand Colin.

Charlot, B. (1997). Du rap­port au savoir. Paris : éditions Economica.

Harter, S. (1995). Comment se forge l'image de soi chez l'adolescent. Dans M. Bolognini, B. Plancherel, R., Nunez et W. Bettschart (dir.). Préadolescence, théo­rie, recherche, cli­nique (pp. 73–85). Paris : ESF.

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