Comment la psychologie peut-elle contribuer à la COP21?


La psychologie est aujourd'hui impliquée dans la mise au point de programmes de sensibilisation au réchauffement climatique et dans la compréhension des difficultés à modifier ses comportements. Les recherches engagées sur ces questions encouragent à tenir compte des ressources cognitives, affectives et motivationnelles que chacun d'entre nous mobilise, de manière plus ou moins consciente pour accomplir ses activités dans des contextes normatifs.

Lorsque je fais mes courses dans un supermarché, lorsque je prends une douche à la piscine, lorsque j'organise une fête ou que je me déplace, vais-je penser à l'impact de mes comportements ou à ceux des autres sur le réchauffement climatique ? Et, si j'y pense, quelles décisions vais-je entreprendre? La liste pourrait également intégrer ce que je réalise au sein de mon cadre de vie et de mon travail. Mais il faut tenir compte du contrôle plus ou moins important que je peux exercer sur mon environnement, selon que je suis chef d'entreprise, élu local, représentant syndical ou employé et intégrer les ressources matérielles dont je dispose. Lorsque j'achète une voiture dans quelle mesure le taux d'émission de CO2 va t-il guider mes choix? De la même manière, vais-je adhérer aux incitations mises en place dans mon environnement quotidien? Vais-je trier mes déchets si un système de tri est mis en place dans les rues ou à mon travail?

Certaines personnes savent déjà comment faire pour agir et dans quasiment toutes les situations précédemment évoquées connaissent l'option la moins couteuse pour le climat. On pourrait dire que ces personnes ont pris l'habitude de penser à l'environnement, qu'elles adoptent un ensemble de comportements de façon routinière sans y penser. Certaines d'entre elles, des militants s'engagent même pour inciter les autres à agir favorablement pour le climat. Et puis, on rencontre d'autres individus qui n'en ont pas l'habitude. Sans qu'ils soient "climatosceptiques", l'environnement, le climat, la biodiversité ne sont pas ou pas toujours pris en compte dans leurs activités du quotidien. Comment expliquer cette situation ?

Les psychologues sociaux évoquent quatre pistes pour comprendre ces manières d'agir.

La première concerne les difficultés que nous rencontrons pour envisager les conséquences de nos actes dans le futur et dans des espaces distants. Parvenons-nous à suffisamment bien anticiper les effets de nos comportements qui impliqueront une temporalité plus ou moins longue? Par exemple, sommes nous toujours bien conscients des effets à plus ou moins long terme de l'usage de sacs plastiques sur l'environnement? Comment réduire ces distances temporelles et géographiques pour les rendre plus accessibles, plus concrètes? Et en même temps comment donner du sens et de la valeur à nos actions? Dans le cadre de la COP21, de nombreuses campagnes cherchent à promouvoir des comportements favorables au climat et ou à faire de la prévention auprès des populations. Ces campagnes ne sont pas toujours cohérentes car elles peuvent parfois véhiculer des messages contradictoires ou très complexes. Par exemple, ce matin dans le métro, je pouvais lire sur une affiche: "La nature n'a pas besoin de l'homme. L'homme a besoin de la nature", illustrée par la photo d'une vague bleue immense. Quel sens donner au terme nature ? L'homme en fait-il partie, en est-il exclu? Un raccourci est alors vite effectué : si la nature n'a pas besoin de nous, elle saura se sauvegarder sans l'intervention des hommes, si nous avons besoin d'elle, nous continuerons à nous en servir comme nous le faisons actuellement. Ce type de message est-il efficace? J'avoue avoir éprouvé des difficultés à saisir le sens de ce message. Dans un autre ordre d'idée, les artistes offrent des perspectives intéressantes pour susciter la réflexion, comme la pièce Umwelt de Maguy Marin, les manifestations culturelles d'ARTCOP21, les expositions de la Cité des Sciences ou de la Ville de Paris.

Une autre piste consiste à réfléchir au poids que nous accordons à ce que les autres font. Une littérature très dense existe dans notre discipline sur la comparaison sociale. Le réchauffement climatique crée, en effet, des contextes d'incertitudes, où les individus ne sont pas sûrs d'eux et n'ont pas toujours de point de référence pour agir. Le recours à ce que font les autres est une source d'information importante et utile pour réguler les conduites et/ou obtenir des informations sur ce "qu'il faut faire". Ainsi les contextes sociaux que nous traversons (familles, quartiers, lotissement, logements, écoles, universités, bibliothèques, piscines, parcs de loisirs, cinémas, autoroutes, supermarchés, etc.) sont autant de références, de contextes normatifs nous incitant ou non à poursuivre des comportements favorables à l'environnement, à la réduction des émissions de CO2. Des informations relatives au comportement d'Autrui sont un moyen puissant pour favoriser des changements de comportements ou au contraire pour ne rien changer.

Une troisième piste concerne le coût inhérent au changement. Certains équipements moins émetteurs de CO2 coûtent, par exemple, plus chers que ceux qui polluent. Vais-je acheter le moins cher? Est-il facile d'inverser cette tendance ? Quelle politique s'engagera à le faire? De même le changement de nos habitudes de consommation, de style de vie est long, coûteux, désavantageux parfois sur le court terme. Citoyens et responsables politiques sont en situation de dilemme social: agir dans son intérêt immédiat ou agir dans l'intérêt collectif à plus long terme, être dans la compétition ou dans la coopération. Ces principes de coopérations interindividuels mais aussi intergénérationnelles impliquent de la confiance envers nos politiques, envers les experts, envers les autres et envers l'avenir. Lorsqu'elle est absente ou qu'elle se dégrade, la motivation à suivre les incitations à changer s'amenuise. La confiance, les intérêts collectifs devraient être davantage valorisés et en particulier guider l'action politique.

Enfin, les psychologues sociaux s'intéressent aux systèmes idéologiques qui véhiculent solutions et visions de l'avenir. La théorie du complot en est un exemple célèbre, on trouvera sur internet notamment une quantité de message incitant à se méfier des informations concernant le risque lié au réchauffement climatique. On trouve aussi l'idée que la technologie pourra à elle seule résoudre et stopper le réchauffement climatique et qu'il n'est donc pas nécessaire que l'individu s'engage.

Pour chacun, il est souvent difficile de changer, d'atteindre un but, d'être confiant. Les politiques publiques ont donc une responsabilité considérable pour encourager et soutenir le changement et promouvoir de nouveaux styles de vie.

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