Chercher le garçon

Réalisateur
Dorothée Sebbagh
Interprètes
Sophie Cattani, Moussa Maskri
Origine
France
Durée
1h10
Date de sortie
9 mai 2012

La culotte d'Emilie sèche au mistral, faseye au grand air, on peut y lire au
hasard d'un zoom indiscret : « Résolution 2012 : Find a boyfriend ». Pour
dégrossir une psychologie, resserrer les enjeux d'une oeuvre, un petit coup d'oeil sur le fil à linge c'est toujours utile. Ici donc, le
slip se déchiffre, s'interprète, c'est intellectuel jusqu'à la gaine. Hypothèse
: Emilie (excellente Sophie Cattani) en est à une phase critique du célibat, celle des pense-bêtes humoristiques, des
dessous-surprises. Elle formule, elle exprime, succombe à l'enfer symbolique,
au rire jaune et aux coussins serrés sur le coeur. Le désir passe au second plan : ce qu'il faut maintenant c'est un résultat
quelconque, c'est du chiffre, une case avec une croix dedans. « Je
cherche, je cherche un garçon », elle se répète la phrase devant son
ordinateur, elle vient de s'inscrire sur un site de rencontres - et c'est toute
l'affaire du film : speed dating, une scène par garçon, opération coup de poing.

Chercher le garçon (pour les fans de Taxi Girl : rien à voir) est une amusante distraction, légère et complètement
anodine. Réussie, mais dans le genre strict du sketch télévisuel. Sur la base
des rencontres régulières, le film met en place une épure plutôt efficace, le
dispositif (certes pas risqué) est implacable, les effets drolatiques garantis.
Sur un plan mécanique, donc, ça marche. Pour le reste : la
trentenaire empotée mais sexy, les 31 décembre à webcam, les paradoxes de l'ère
Meetic, rien qui ne soit thématiquement, totalement éculé. Quant à la transposition rohmérienne à Callelongue, le terrain est lui aussi déjà balisé trois fois, et avec une autre ampleur, une autre classe, par Emmanuel Mouret. Tirant
aussi, tout simplement, vers Plus belle la vie, pur produit marseillais lui-même, et dont on retrouve ici une des
principales actrices, Aurélie Vaneck.

Dans ce qui serait idéalement éclaté en petits segments apéritifs, de style Tuc, pour
patienter avant le journal de 20h, il faut relever tout de même cette façon
avec laquelle le film se laisse gagner par l'improvisation, se dilue parfois
nonchalamment dans le style amateur. Choix judicieux, puisqu'il permet de
révéler ce que sont au fond ces rendez-vous : d'assez cruels petits
exercices d'exhibition personnelle. Après les échanges sur le net, l'instant de
la rencontre est, au sens étymologique du terme, monstrueux d'un côté comme de
l'autre - et filmé comme tel par la cinéaste : entre deux plans, c'est
souvent l'effet diable à ressort. Mais tout à la fois (paradoxe que le film ne
fait malheureusement qu'effleurer), une deuxième comédie se joue : la
virtualité se continue du net au rendez-vous, les partenaires se déclinent en
poète romantique improvisé, faux sosie de Hugh Grant, déviant sexuel jouant aux
Playmobils dans les soutiens-gorges, etc. Emilie accepte de jouer de temps en temps leur jeu, d'épouser leurs fantasmes, comme
si la rencontre vraiment authentique ne pouvait plus se faire que sur le mode
du petit jeu de perversion - autant de perspectives de fictions, de vrai cinéma
que la réalisatrice laisse pourtant fâcheusement inexploitées. A déguster en
hors-d'oeuvre, donc, en attendant du solide.

Vincent Garreau

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