Charisme, seras-tu là ?

Dans le numéro 50 de « Cerveau Psycho », le dossier consacré à la psychologie traite de « La force du charisme » (Mars-Avril 2012, p.62-65). Dans une note antérieure, nous avions traité du leadership, ce processus d’influence sociale, par lequel le leader facilite l’atteinte des objectifs du groupe auquel il appartient, tout en améliorant la qualité de vie du collectif. Après une courte revue des études menées, nous en avions conclu que le leader universel n’existait pas, son expression étant liée à des paramètres variés (les qualités du leader, le style de leadership adopté, les facteurs situationnels, les caractéristiques des participants). Qu’en est-il du charisme ?

Dès le début de l’article, Susanne Donner (journaliste scientifique à Berlin) met en évidence les questions que se posent les psychologues depuis trente ans sur cette notion : « qu’est-ce qui donne à certaines personnes le pouvoir d’envoûter les autres, de les fasciner, de produire un effet instantané sur leur entourage, allant jusqu’à influencer l’humeur et le comportement de leurs interlocuteurs, voire leurs valeurs personnelles ? » (p.62) Les travaux menés mettent en évidence les résultats suivants :

Le charisme ne serait pas un trait de caractère stable. Contrairement à ce que nous imaginons, il se situerait avant tout dans l’œil de celui qui l’observe. Cette constatation nous permet de comprendre la variabilité de l’expression de ce dernier, sa non permanence. C’est ainsi que l’aura d’un entraîneur s’exerce à merveille sur un groupe pour disparaître la saison suivante… Tout dépend de ce que les joueurs voient… D’autant qu’il faut bien reconnaître que le charisme est un don que nous accordons à autrui pour une durée indéterminée et par conséquent limitée.

Partant de ce principe, les psychologues mesurent le charisme des leaders en se centrant sur les témoignages des personnes de leur entourage. Cinq caractéristiques sont dans ce but évaluées : la capacité d’avoir une vue d’ensemble de la situation ; le sens des besoins de leurs « partisans » ; la capacité de développer une vision, de la communiquer de façon habile et le courage de prendre des risques (Jay Conger et Rabindra Kanungo).

Le charisme émerge d’autant plus facilement si celui qui l’incarne et ceux qui l’écoutent possédent des points communs. Pour appuyer ce résultat, nous pouvons citer une étude de l’Université de Siegen réalisée dans une entreprise. Les résultats montrent que plus les membres de cette dernière pensent partager un certain nombre de traits de personnalité avec un chef plus ils le trouvent charismatique. En clair : « plus les partisans d’un leader ont le sentiment de lui ressembler, plus ils le perçoivent comme charismatique » (p.63). Devons-nous y voir ici l’importance pour tout entraîneur de ne pas rester éloigné des terrains trop longtemps, sous peine de ne plus reconnaître les joueurs dont il a la charge, de ne plus les comprendre et de ne plus pouvoir afficher aucun point commun avec eux ? Comment être perçu comme un leader charismatique dans ces conditions ?

C’est bel et bien dans l’interaction avec les autres que le charisme émerge. Une fois « reconnu », le leader charismatique peut alors modifier les émotions de ceux qui l’écoutent, leurs actes et leurs jugements. Il n’est pas rare qu’une réelle euphorie se propage et provoque alors un « effet d’entraînement, de bien-être et d’efficacité accrue ». Selon A.Erez : « la clé du succès des individus charismatiques vient du fait qu’ils rendent les autres heureux » (p.63)… Nous sommes bien loin des leaders autocratiques qui utilisent la peur pour manager leurs troupes.

En rendant son entourage heureux, le leader charismatique le conduit à adopter ses propres valeurs ce qui semble important pour mener à bien un projet et atteindre des objectifs. Il n’est jamais facile de réussir lorsque les valeurs des uns s’opposent aux valeurs des autres. Compte tenu des résultats de certaines études, Susanne Donner conclut : « Ainsi le leader charismatique semble avoir la capacité d’insuffler ses propres valeurs et sa propre vision du travail à ses équipes » (p.64). Tout se passe comme si l’attitude du leader perçu comme charismatique déteignait sur son entourage. Pour cela, le leader charismatique doit savoir faire preuve d’innovation et d’un caractère visionnaire. En effet, selon les auteurs, une attitude conservatrice interdirait le charisme. Ce dernier point souligne l’importance pour tout leader, quel que soit son domaine d’intervention de ne pas se contenter de reproduire des actions antérieures ou d’éviter de s’appuyer toujours sur les mêmes connaissances sans les faire fructifier, sans s’ouvrir aux nouvelles méthodes... Pas si facile compte tenu de notre résistance au changement.

Le charisme est un sujet passionnant qui mériterait davantage notre attention. Pour S. Boerner, le monde du travail devrait se pencher plus sérieusement sur le rôle du charisme : « Il ne faudrait pas seulement former les compétences techniques des médecins, mais également renforcer leurs capacités de leadership charismatique » (p.65). Quant on sait que le lien « charisme du leader » et « efficacité des équipes de travail » est d’autant plus important en situation de crise, comment le monde du sport pourrait-il rester sourd à l’étude de cette notion ?



  • Facebook
  • Twitter
  • Delicious
  • Tumblr


Open all references in tabs: [1 - 5]

Leave a Reply