Bébés échangés à la clinique de Cannes : "faire le deuil de sa …

Vingt ans après les faits, ce mardi, s'est ouvert à Grasse, dans les Alpes-Maritimes, le procès contre une clinique de Cannes où des bébés ont été échangés à la naissance. Une "incroyable situation d'adoption involontaire", souligne auprès de metronews le pédopsychiatre Marcel Rufo. "L'enfant que ma cliente aime, elle l'a adopté sans le savoir et sans le vouloir", note Me Gilbert Collard, avocat de Sophie Serrano.

La mère non biologique de Manon disait en 2013 au Parisien avoir besoin de cette action en justice "pour avancer". Mais le procès (et sa médiatisation malgré sa tenue à huis clos) peut-il réellement permettre de tourner la page ? Oui, répond le pédopsychiatre : "Une victime qui porte plainte va mieux qu'une victime qui se tait."

Pas de risque de schizophrénie

L'objectif du procès n'est en effet pas l'indemnisation du préjudice moral – les deux familles réclament douze millions d'euros. "Ce montant énorme, elles s'en moquent. Ce qu'elles veulent, c'est la reconnaissance de leur statut de victimes", explique à metronews le psychiatre Pascal Neveu, auteur de l'ouvrage Revivre même quand on est terrassé (Éditions Solar, sept. 2014).

Pour autant, "on ne peut pas se dire que ces deux jeunes filles auront un traumatisme toute leur vie, ajoute le docteur Neveu. Cela reste une épreuve, un bouleversement, mais elles ne vont pas développer une schizophrénie". À l'inverse, la reconnaissance par la clinique de l'échange permet de donner un sens aux questionnements inconscients qui les ont taraudées. La petite Manon a ainsi longtemps été traitée de "fille du facteur" à cause de sa couleur de peau.

Rupture avec la famille biologique

Quant à la distance entre les deux familles, qui se sont rencontrées en 2005, elle n'est pas inquiétante. La rupture avec la famille biologique est même normale. "Comme pour tous les enfants adoptés, il faut faire le deuil de sa famille biologique", souligne le docteur Rufo. Son confrère fait le lien avec les enfants nés sous X, qui ont besoin de revoir deux ou trois fois leurs parents, d'avoir un nom, un visage, sans établir de relations plus profondes.

"C'est trop difficile, donc chacun prend son chemin, c'était le seul moyen de retrouver une certaine stabilité", explique Sophie Serrano, 38 ans. Conclusion de Marcel Rufo : "Les liens affectifs sont plus forts que les liens biologiques. Les liens de sang, ce n'est pas grand-chose."

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