Andreas Lubitz : Quelles hypothèses pour la psychologie?


CRASH DE L'A320 - Comment est-ce possible? Comment un homme, Andreas Lubitz, a pu -si l'hypothèse du suicide est confirmée- entraîner 149 personnes dans sa chute? Était-ce prémédité ou impulsif? Qu'est-ce qui a bien pu passer dans la tête de ce jeune pilote allemand de 28 ans?

Depuis que les enregistrements de la boîte noire de l'Airbus ont montré une "volonté de détruire l'avion", l'incompréhension est de taille et les questions se multiplient. Le HuffPost tente de comprendre avec l'aide d'Hélène Romano, Docteur en psychopathologie clinique, psychothérapeute, auteur principale et directrice de l’ouvrage collectif Accompagner le deuil en situation traumatique (éditions Dunod).

Celle-ci tient immédiatement à préciser que tant que tous les éléments ne sont pas à disposition, on ne peut émettre que des hypothèses, tenter de comprendre. Et qu'il faut faire attention aux mots, ne pas parler de suicide mais plutôt de "passage à l'acte", qui peut être suicidaire, mais pas seulement. Et qu'il faut être extrêmement prudent lorsqu'on cherche à expliquer un tel acte: "Il n'y a pas un mais des suicides", tient-elle à souligner. "Un suicide est toujours lié à un processus complexe, plein de facteurs potentiels raisonnent avec l’histoire singulière de chaque personne qui se suicide."

Ce n'était pas une pulsion

S'il s'agit bien d'un passage à l'acte suicidaire, Hélène Romano estime qu'au moins deux hypothèses doivent être prises en compte. "La première, c'est qu’au moment d’agir, il était complètement détaché de la réalité, ne voyait plus les 150 personnes derrière lui. La deuxième, c'est qu'il a pu vouloir faire payer les passagers, pour leur bonheur par exemple, si lui n'était pas heureux."

Selon elle, il ne peut pas s'agir d'une pulsion, d'une "bouffée délirante". "Si ça avait été le cas, son rythme cardiaque aurait sûrement été précipité, il aurait probablement dit des choses plus ou moins incohérentes juste avant le crash et n’aurait pas agit de façon organisée comme il l’a fait dans le cockpit", détaille-t-elle. Or les premiers enregistrements montrent qu'Andreas Lubitz a respiré calmement jusqu'à la dernière seconde et n'a pas prononcé un seul mot. "S'il avait souffert de troubles psychotiques, on peut supposer qu'il aurait tenté d'expliquer son geste, qu'il aurait répondu aux appels. Il n'aurait pas agi si calmement", poursuit-elle.

Hélène Romano semble formelle sur le fait qu'"il ne s'agit pas d'un suicide altruiste". Dans ces cas, rares, une personne tue ses proches avant de mettre fin à sa propre vie, afin de leur épargner des souffrances. Et très souvent le suicidé laisse des explications. Il ne semble pas s'agir non plus d'un passage à l'acte idéologique (ou collectif), rarissime et associé aux sectes religieuses. Car il n’a, semble-t- il, laissé aucun message en ce sens. A priori, Andreas Lubitz ne connaissait personne dans l'avion. "Pour lui, c'étaient 150 inconnus", ajoute la psychologue.

Quid de la piste de l'attentat? "D'un point de vue médico-légal, j'ai des doutes", indique Hélène Romano. "Les personnes qui font des attentats veulent marquer l'histoire, laissent des messages. Pour l'instant il ne s'agit en rien de cela." Par ailleurs, si l'acte était terroriste, pourquoi se serait-il crashé en pleine montagne et pas en plein dans une ville?

"ll était déjà psychiquement mort"

Pour comprendre les vraies raisons de cet acte, il faudra attendre d'avoir de plus amples informations sur Andreas Lubitz. "Nous avons besoin de savoir, entre autres, si la montagne avait une signification particulière pour lui, si la date du crash, le lieu, ont une importance particulière. Pour l'instant ce ne sont que des énigmes et très souvent les suicidés laissent les vivants avec des questions sans réponse", explique Hélène Romano.

Les récents éléments découverts sur le jeune homme ne permettent pas non plus, selon elle, de rationaliser l'acte. Andreas Lubitz, selon le journal allemand Bild, a souffert d'une grave dépression il y a six ans et était régulièrement suivi médicalement depuis. Depuis, le jeune homme était sous traitement "médical particulier et régulier". Il souffrait également de crises d'angoisse, et d'un syndrome de burn-out. "La dépression, l'angoisse, peuvent être des facteurs explicatifs mais ils sont rarement la cause exclusive d’un passage à l’acte suicidaire. Le suicide n'est pas toujours, heureusement, l'issue de ces troubles", insiste la psychologue. "L'aurait-on laissé décoller s'il avait eu l'air déprimé?", s'interroge-t-elle, en ajoutant qu'on ne peut bien évidemment pas suspendre de leurs fonctions toutes les personnes dépressives.

Hélène Romano insiste sur le devenir des endeuillés dans ce contexte de deuil traumatique et des proches de ce co-pilote: "le suicide est une mort qui reste fortement tabou dans notre société. Diaboliser le pilote présente le risque de diaboliser tous les suicidés et culpabiliser encore davantage leurs proches. C’est un acte criminel avant d’être un suicide".

L'avis de cette experte est qu'Andreas Lubitz avait réfléchi à son acte. "Cela aurait pu se dérouler un autre, jour, dans un autre avion, mais tout semble indiquer qu'il avait des éléments de contrôle. Il a agi de façon froide, calme, déterminée." Elle estime également que le copilote était dans un "déni d'altérité", c'est-à-dire qu'il ne considérait plus, à ce moment-là, les passagers comme des personnes. "Au moment où il a agi, il devait être dans un état où une partie de lui continuait de faire automatiquement les gestes nécessaires pour son passage à l’acte et l’autre partie n'était déjà plus. Où il était déjà psychiquement mort."

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