À la chasse aux bonnes idées

Discuter, poser des questions, s'informer : les étudiants ont de multiples stands et des interlocuteurs à leur disposition pour être aiguillés au mieux

La foire de l'Étudiant a toujours des allures de grand-messe avec une foule de jeunes un peu perdus qui tentent de trouver des réponses face à un avenir parfois un peu confus.

 

De notre journaliste Audrey Somnard
  

Il fallait s'armer de patience hier au Kirchberg, à Luxexpo, rien que pour se garer, alors que des bus pleins déversaient des hordes de jeunes qui doivent trouver le cursus idéal pour la rentrée prochaine. À l'intérieur, c'est un peu comme pour le salon Vakanz, les universités sont classées par pays d'origine et rivalisent d'originalité pour attirer les jeunes. Des stands plus généralistes comme celui du CPOS sont là pour aiguiller les jeunes un peu perdus face à cette masse d'informations.
L'année dernière, près de 9000 jeunes étaient venus s'informer pendant les deux jours de la foire. Une foire qui s'est développée au cours de ses 25 années d'existence: «Aujourd'hui, nous pouvons noter la présence de l'université du Luxembourg qui prend de plus en plus d'importance. Nous voulons mettre également l'accent sur le marché du travail et continuer à inviter un maximum de professionnels pour faire marcher le réseau», a expliqué le ministre de l'Enseignement supérieur, François Biltgen, dans son discours inaugural.
Selon lui, les jeunes devraient pouvoir sortir de la foire en ayant une idée concrète de leur projet d'études. Pourtant, les étudiants pointent du doigt le problème de l'orientation au Luxembourg. Les sources d'information sont de bonne qualité, mais à trop vouloir en faire, les jeunes sont parfois complètement perdus: «Avec la multitude de brochures que l'on collecte à une foire comme celle-ci, les jeunes n'arrivent souvent pas à faire ressortir les bonnes informations pour prendre les bonnes décisions», estime Laurent Eicher, président de l'Association des cercles d'étudiants luxembourgeois (ACEL).

Se préparer à être mobile

Pour les associations d'étudiants, c'est le système d'orientation qu'il faudrait revoir: «Au lycée, les élèves n'ont accès qu'aux métiers et formations qui correspondent exactement à leur section, ce qui équivaut à une vingtaine de métiers environ. Alors que les possibilités sont bien plus grandes!», regrette-t-il. Pour le ministre de l'Enseignement supérieur, le futur étudiant doit en tout cas se préparer à être mobile. François Biltgen a d'ailleurs tenu à défendre l'université du Luxembourg: «J'ai été récemment choqué d'entendre un professeur dire que l'université luxembourgeoise présentait beaucoup de dysfonctionnements. Alors que c'est une université qui se développe avec de plus en plus d'étrangers qui viennent y étudier.»
Du côté des stands, le ministère des Communications a mis le paquet pour encourager les jeunes à embrasser les métiers de l'informatique, un secteur porteur qui recherche des employés qualifiés. Le stand se veut coloré et attractif; sur les tables, des iPad trônent pour faire découvrir un jeu en ligne spécialement dédié à la foire pour que les jeunes puissent en quelques minutes découvrir leur profil: plutôt créatif ou exécutant. Et si le métier n'est pas très sexy à première vue, des professionnels sont là pour tenter de convaincre les jeunes du contraire: «On est loin de l'homme tout blanc avec de grosses lunettes qui travaille devant son ordinateur dans une cave... Aujourd'hui, dans n'importe quelle entreprise, rien ne fonctionne sans l'outil informatique, il faut fusionner certaines compétences avec l'informatique», explique Marcel Origer, directeur financier de LuxConnect.
L'idée de ce stand est venue du ministère lui-même: «Le ministère a noté un manque dans ce domaine. Les métiers de l'informatique sont très demandés et paradoxalement nous devons aller de plus en plus loin pour trouver des compétences dans ce domaine, c'est dommage! Ingénieur et informaticien ne sont pas à première vue des métiers attractifs, mais en réalité c'est tout le contraire», note Marcel Origer. Son propos rejoint les deux objectifs que les lycéens doivent chercher à concilier chaque année: choisir la formation qui, d'une part, va les passionner pendant plusieurs années jusqu'à l'obtention du diplôme, et, d'autre part, leur servira à quelque chose une fois qu'ils seront lâchés sur le marché du travail. Pas facile. 

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«Nous comptons sur la réforme»

Entretien avec notre journaliste Christiane Kleer

Psychologue de formation, Patrick Reef a trouvé sa place au Centre de psychologie et d'orientation scolaires (CPOS). C'est ici et à l'Athénée de Luxembourg qu'il accueille des élèves qui peinent à trouver le métier ou la voie d'études qui leur convienne. 

Quand les élèves viennent vers vous, est-ce parce qu'ils sont perdus?
Patrick Reef: Oui, ceux qui demandent des conseils chez nous, viennent parce qu'ils ne savent pas quoi faire. Il n'existe pas beaucoup d'institutions spécialisées dans l'orientation au pays. Et nous sommes le seul service qui fonctionne avec des psychologues, contrairement au Cedies, par exemple, qui se réduit à l'information. Nous avons des SPOS (NDLR: Service de psychologie et d'orientation) dans chaque lycée.
Peut-on dire que sans ces SPOS, l'orientation n'existerait pas dans les lycées?
Pas vraiment. Il existe de nombreuses initiatives isolées. Il y a trois semaines, l'Athénée a organisé une matinée d'information pour les élèves de deuxième, avec une dizaine d'ateliers animés par des professionnels de différents secteurs. Ça a très bien fonctionné. De tels projets ont été réalisés dans de nombreux lycées. L'idée est d'informer les élèves dans un premier temps, et de leur apprendre par la suite à trier ces informations selon leurs intérêts.
Ces efforts sont-ils liés au manque d'étudiants souvent déploré par le gouvernement?
Je ne suis pas fan de ces polémiques. Prenons par exemple le chômage des jeunes. Selon Eurostat, ce problème existe au Luxembourg, mais notre pays reste quand même celui où le taux est le plus bas. Je ne comprends pas trop le pessimisme de certains. Bref, à mon avis, l'orientation est arrivée à un assez bon niveau. Même si nous essayons constamment d'améliorer le système.
C'est-à-dire?
Nous sommes en train de travailler sur une standardisation de l'orientation au niveau national. L'idée est d'éviter que les élèves du lycée Michel-Rodange, par exemple, aient accès à une autre offre que leurs camarades de l'Athénée. Mais nous avons également développé des programmes spécifiques d'orientation, avec trois manuels pour les classes de 7e à 9e et de 7e à 5e, avec le but de faire de l'orientation une matière scolaire. Mais pour l'instant, nos idées restent difficiles à mettre en pratique, pour la simple raison qu'elles nécessitent des heures de cours pour les réaliser correctement. Nous envisageons environ neuf cours de deux heures par an. Mais comme vous le savez, les professeurs sont rarement prêts à libérer des créneaux horaires, même s'il faut dire que certains sont très ouverts par rapport à notre idée. Il est important d'apprendre aux élèves à faire des choix, dès le plus jeune âge. Je parle de choix de formation, mais aussi de choix de vie. Pour l'instant, un seul lycée propose des cours d'orientation. Mais uniquement parce que sa direction l'a voulu ainsi. C'est le lycée technique d'Esch-sur-Alzette. Nous aimerions que le ministère reconnaisse l'importance de l'orientation en promouvant cette idée. Nous comptons sur la réforme.
Comment se déroulent vos consultations actuellement?
Nous essayons d'abord de comprendre où en est l'élève dans sa carrière scolaire. Mais ce qui est très important aussi, c'est de cerner sa personnalité, ses talents, ses ambitions. De nombreux élèves arrivent et nous demandent de faire un test pour savoir quel métier leur convient. Évidemment, cela ne peut pas se passer ainsi. Il faut déjà faire la différence entre information et orientation. Et l'orientation est un processus qui s'étale sur un laps de temps plus ou moins grand, selon les besoins de chaque élève.
La notion de métier de rêve existe-t-elle encore?
Les métiers les plus prisés sont ceux qui sont bien payés et où l'on a le plus de jours de congé. La notion stéréotypée de métier de rêve est généralement abandonnée après la 7e ou la 6e. Par la suite, on constate que les jeunes sont très influencés par leur environnement, c'est-à-dire leurs parents, par exemple. Mais ce qui est sûr, c'est que ceux qui ont choisi leurs études en fonction de leur passion sont ceux qui y arrivent le mieux. 

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