6 raisons d’aimer la routine

Un Français sur deux a le sentiment de mener une vie trop routinière*, avec son lot de synonymes : morosité, immobilisme, contraintes… «Dans “routine”, on entend le mot “roue”, qui évoque le hamster pédalant à vide, enfermé dans sa cage», fait remarquer la coach Coco Brac de la Perrière, auteure de Lâcher prise sans laisser tomber (Fayard). «Si on remplaçait routine par “quotijour”, nous serions tout de suite moins oppressés ! » «Le quotidien répétitif constitue la majorité de notre vie, fait remarquer la psychanalyste Geneviève Abrial, auteure d’Osons la fragilité! (Solar). «Refuser coûte que coûte la routine traduit sans doute une angoisse profonde, une incapacité à profiter de l’ici et maintenant, à “s’installer”, à s’engager.
A l’inverse, certaines personnalités très obsessionnelles ne supportent pas le moindre écart dans leur quotidien. Pour bien vivre, il faut trouver un équilibre entre le familier et le nouveau, le rassurant et l’excitant. » Ce qui suppose de reconnaître à la routine quelques vertus ! Démonstration.

 

1 - Elle rend la vie plus simple
Vous imaginez-vous en train de vous demander, chaque matin, où est rangé votre bol, ou s’il faut, oui ou non, vous brosser les dents? La vie deviendrait vite un enfer ! «Dans la maison, 80 % de nos activités sont fondées sur des automatismes », explique Jean-Claude Kaufmann, sociologue de la famille et du couple, auteur du Cœur à l’ouvrage. Théorie de l’action ménagère (Armand Colin). «Ces millions de repères et de schémas d’action sont enregistrés dans une mémoire non Psycho Chouette on va reprendre notre train-train! consciente, prêts à l’emploi. Non seulement cet enchaînement de gestes élémentaires nous fait gagner un temps précieux, mais il réduit les processus décisionnels coûteux en énergie : notre cerveau cognitif peut alors pleinement se consacrer à l’organisation des pensées et des activités plus complexes. »

 

 

2 - Elle nous aide à combattre le stress
Quoi de plus sécurisant que notre petit train-train? «Face à la nouveauté, on est obligé de tâtonner, de procéder par expérimentation. Et on ne peut pas réussir à tous les coups », fait remarquer Laurence Saunder, directrice de l’Ifas (Institut français d’action sur le stress) et auteure de l’Energie des émotions (Eyrolles). « Au moins, quand on est dans sa “zone de confort”, on n’est pas confronté à la peur de mal faire. C’est pourquoi plus on est anxieux, plus on a besoin de repères. » « Aujourd’hui, l’individu peut décider de tout et dans n’importe quel domaine, et se remet perpétuellement en question, y compris sur les choses les plus élémentaires comme le contenu de son assiette, observe Jean-Claude Kaufmann. C’est source d’une grande fatigue mentale. Il a donc plus que jamais besoin d’un cadre d’évidences et de repères. La routine lui permet de se ménager des bulles de déconnexion. »

 

3 - Elle cimente le couple (si, si!)
On nous répète que la routine est l’ennemie numéro un de l’amour. « Ce discours fataliste ne doit pas nous faire oublier que la vie à deux se nourrit, dans la durée, de tous ces “petits riens” qui défnissent la culture du couple, rappelle Geneviève Abrial, s’endormir ensemble à telle heure, prendre son café en écoutant les informations, regarder l’émission de télé qu’on adore… C’est quand on se sépare que tous ces moments, apparemment insignifiants, prennent souvent du relief et qu’on vient à les regretter. » Claude Habib, écrivaine, professeure à l’université Paris 3, va même plus loin dans le Goût de la vie commune (Flammarion). Pour elle, la routine est une preuve de la bonne santé du couple. « Vivre à deux, c’est être capable de s’ennuyer ensemble. On peut adorer quelqu’un avec qui on ne s’ennuie jamais, mais serait-il possible de vivre avec lui ? Un être humain ne peut pas vivre complètement extraverti. Ne jamais s’ennuyer est une aspiration puérile, comme vivre sans dormir, ce vœu des petits enfants : ne jamais cesser de jouer, ne jamais aller au lit, que la vie se passe en fous rires. » Un point de vue partagé par Jean-Claude Kaufmann : «Le couple est ce lieu où l’on n’est plus sous le regard des autres, en compétition, où l’on peut être soi-même, sans être jugé, y compris dans nos attitudes les moins valorisantes ou les plus régressives, comme regarder un feuilleton débile avachi dans le canapé ! » Si cela n’est pas le cas, le couple est voué à l’échec. La routine a bon dos !

 

4 - Elle rassure les enfants
Que serait notre quotidien si les enfants pouvaient jouer, manger et dormir comme ils l’entendent? Une sacrée pagaille… qui nuirait en premier chef à leur équilibre, assurent tous les psys. C’est la stabilité qui donne à l’enfant la continuité des repères dont il a besoin pour se sentir en sécurité, apprendre tout doucement à anticiper ce qui va se passer au fil de ses journées et avoir confiance dans les adultes. Lorsqu’ils font face à quelque chose d’imprévu, les enfants se sentent souvent stressés, sous pression, et compensent parfois par de l’agressivité, de l’hyperactivité ou des caprices! La routine structure clairement, qui plus est, la vie de famille et permet à chacun de mieux s’organiser. La condition pour dégager du temps pour soi… et prévenir frustrations et reproches à l’origine de bien des confits! 

 

5 - Elle développe notre confiance en nous
La répétition est reconnue comme l’une des composantes essentielles de l’apprentissage pour atteindre la maîtrise d’une tâche. «Non seulement la routine nous conforte dans ce que nous savons faire mais elle nous permet de nous améliorer, souligne Geneviève Abrial. Ce qui nous donne un sentiment agréable de contrôle et de sécurité sur notre vie. » Selon Jean-Claude Kaufmann, la routine serait même constitutive de notre identité. «Chaque individu a un système de gestes et de façons de faire qui lui est propre, dans lesquels s’incarnent ses valeurs. Il construit aussi sa vie autour d’habitudes agréables qu’il prend plaisir à se remémorer. Tout cela définit son “identité narrative” : il se raconte l’histoire de ce qu’il est à travers ce qu’il est en train de vivre. »

 

 

6 - Elle nous ancre dans l’instant présent
Il y a deux manières de vivre la routine : en pilotage automatique ou en pleine conscience, en portant toute notre attention sur l’expérience qui se déploie moment après moment. «Et cela change tout, assure Coco Brac de la Perrière. Des actes aussi anodins que respirer, manger et se doucher prennent de la consistance. Ils nous rappellent la chance incroyable que nous avons de pouvoir les vivre. Quand on s’entraîne à habiter l’instant présent, au lieu de le subir, on se reconnecte à soi-même, on gagne en qualité de présence à soi et aux autres, en stabilité émotionnelle. Cet ancrage dans le quotidien est source d’une immense sérénité, un socle solide sur lequel peuvent s’inviter l’incroyable et l’imprévu. »

 

 

Comment Changer une mauvaise habitude en une bonne ?
« Il faut d’abord en prendre conscience et, pour certaines habitudes (comme râler!), ce n’est pas si évident que cela, souligne Laurence Saunder, directrice de l’Ifas (Institut français d’action sur le stress). Toute habitude, même mauvaise, nous procure des bénéfices. Il faut donc la remplacer par une autre qui nous satisfait encore plus. Enfin, on sait qu’il faut environ trois semaines au cerveau pour adopter un nouveau comportement. Le temps, via une série de petites expérimentations positives, de créer de nouvelles connexions neuronales. » Mais, pour les pérenniser, la volonté n’est pas notre meilleure alliée, nous apprend Shawn Achor, l’un des pionniers de la psychologie positive : il faut réduire les obstacles au changement, de sorte qu’il faille réellement moins d’énergie et d’effort pour l’adopter. Concrètement, l’auteur de Comment devenir un optimiste contagieux (Belfond) nous recommande d’appliquer la règle des 20 secondes. Pas le courage d’aller faire un footing le matin avant d’aller travailler? Rangez survêtement et baskets au pied de votre lit, au moment de vous coucher, cela vous évitera les 20 secondes d’effort supplémentaire nécessaire pour vous rendre jusqu’au placard… et le temps de changer d’avis! «Et pour les habitudes que vous souhaitez éviter, augmentez l’énergie d’activation de 20 secondes également, recommande l’expert. Par exemple, ôtez les piles de votre télécommande si vous avez la fâcheuse habitude de vous écrouler devant la télé après le travail et rangez-les à 20 secondes de distance. Puis placez votre livre de chevet sur votre table basse à côté de votre canapé. Au fil des jours, vous vous lèverez de moins en moins pour remettre les piles et vous tendrez la main vers le livre, désormais plus facile à atteindre. »

 

 

* Etude menée en mai 2015 par OpinionWay pour groupon.fr.

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