Comme je m'intéresse de longue date à la psychologie politique (1), je suis de très près la présidentielle française. Que n'a-t-on pas entendu comme erreurs de jugement sur cette élection ! Que le système était dépassé, qu'elle n'intéressait pas les Français et que l'abstention serait massive. Et qu'avons-nous vu : que plus de 80 % des citoyens sont allés voter en pleines vacances de Pâques. Que près des trois quarts ont manifesté démocratiquement leur rejet du président en place et de sa politique. Peut-on exprimer la même chose en Belgique ? Non. Car notre fonctionnement démocratique est trop complexe, et les responsabilités politiques, trop diluées. L'absurde système belge ne nous permet pas de clairement sanctionner les Premiers ministres dont nous ne voulons plus ou de réélire ceux que nous apprécions.
Oublions la possibilité d'un système présidentiel pour la Belgique. Les francophones semblent trop attachés à la monarchie et peu enthousiastes à l'idée d'avoir systématiquement un président flamand pour les diriger. Mais osons lancer l'idée d'une élection au suffrage universel en Wallonie et à Bruxelles. D'abord, il faudrait unir et simplifier ces institutions. Ensuite, il conviendrait de donner au président de la Fédération Bruxelles-Wallonie davantage de pouvoirs et de moyens d'action. Le citoyen pourrait alors élire directement (comme en France) la personne qui le représenterait et qui le dirigerait. Une présidentielle chez nous offrirait aussi une meilleure visibilité médiatique aux candidats. Cela leur permettrait d'être mieux connus et de partager avec la population leurs idées. Nous pourrions confronter les qualités et les défauts de leurs personnalités.
On reproche souvent la « personnalisation » des candidats lors de la présidentielle française. Or les décisions importantes pour l'avenir d'un pays ou d'une Région doivent être prises par un être humain responsable devant ses compatriotes. Pas par un consensus politique flou et mou impossible à évaluer. On critique aussi le fait que des candidats extrémistes, comme Marine Le Pen - 18 % - ou Jean-Luc Mélenchon - 11 % -, obtiennent (ensemble) près d'un tiers des voix. Or il est positif que la population puisse ainsi exprimer démocratiquement son ras-le-bol. Même en votant pour des gens dont les idées sont contestables mais qui soulèvent souvent des questions pertinentes. Enfin, on se moque du système français qui permet à de « petits » candidats inconnus de se présenter. Or je trouve très sain, démocratiquement parlant, qu'un simple ouvrier de chez Ford comme Philippe Poutou (1 %) puisse exprimer ses idées au même titre que les puissants professionnels de la politique.
Aujourd'hui, nos compatriotes s'intéressent davantage à la présidentielle française qu'à l'élection du parlement wallon. Ils connaissent mieux François Hollande et ses propositions que Rudy Demotte et les siennes. J'estime que le modèle présidentiel français, bien qu'imparfait, pourrait nous inspirer un salutaire renouveau politique en Wallonie et à Bruxelles. Mais rien ne vous oblige à penser comme moi...
(1) Voir le livre, écrit en coauteur avec Hélène Risser, Dans la tête des candidats : le profil psychologique des présidentiables. Editions Les Arènes, 2012.