PSYCHOLOGIE - C'est un plan sans accroc. Pour ne pas devenir un adulte, il suffit de ne pas grandir. Peter Pan y est bien parvenu, lui, au Pays Imaginaire entouré de ses Garçons perdus et de la fée Clochette. Avouons-le, c'est plutôt tentant : une vie sans contrainte, sans engagement, sans obligation. Mercredi 21 octobre sort au cinéma le "Pan" du réalisateur britannique Joe Wright.
Au début des années 1980, le psychologue américain, Dan Kiley, s'est intéressé aux Peter Pan modernes qu'il croisait dans son cabinet. Des hommes qui fuyaient systématiquement toutes leurs responsabilités et semblaient vouloir mettre le plus de distance possible entre eux et l'âge adulte. "Je ne veux jamais devenir un homme. Je veux rester un petit garçon pour toujours et m'amuser", résumait alors le psychologue américain.
De cette expérience, il a écrit un livre, publié en 1983, Le syndrome de Peter Pan: ces hommes qui ont refusé de grandir, rapidement classé best-seller dans sa catégorie. Le concept a depuis fait florès et en a inspiré d'autres comme le complexe de Cendrillon ou celui de Blanche-Neige. Malgré ce succès auprès du grand public, ce syndrome n'a jamais été reconnu comme une maladie mentale, ni comme une entité clinique.
Le Peter Pan et la "Princesse Pan"
Il ne figure pas dans le DSM-IV (le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), l'ouvrage de référence publié par la Société américaine de psychiatrie qui classe les différents troubles mentaux reconnus par la discipline. Par ailleurs, cette notion a été, à de nombreuses reprises, critiquée, en particulier parce qu'un grand nombre de personnes pouvaient se reconnaître dans le portrait de Peter Pan que proposait Dan Kiley. En effet, le syndrome de Peter Pan ne concerne pas seulement les hommes dans la vingtaine mais a été observé à tous les âges.
Tel qu'il a été conceptualisé par le psychologue américain, le syndrome de Peter Pan ne concernerait que les hommes. Mais, pourquoi eux seuls auraient peur de grandir? Cela semble une évidence. D'autres psychologues ont donc pointé du doigt que Dan Kiley se trompait en ne ciblant que les hommes, les femmes aussi, peuvent connaître cette peur.
Ainsi, l'écrivaine américaine Tracy McMillan en 2013 signait une tribune répertoriant les "neuf signes qui font de vous la version féminine de Peter Pan (ou la Princesse Pan)". Un texte vertement critiqué pour sa vision de la fameuse "Princesse Pan", décrite comme une femme qui refuse en fait le couple et la procréation et à qui il faut rappeler les impératifs de l'horloge biologique. Une vision bien réductrice de la femme donc. Mais, outre ces considérations sur le rôle de la femme, Tracy McMillan n'avait pas entièrement tort sur ces Peter Pan au féminin.
Des parents trop protecteurs, une génération de Peter Pan?
En 2000, le psychologue Jeffrey Arnett a constaté que les jeunes adultes, tous sexes confondus se précipitaient dans son cabinet. Face à la centaine d'étudiants qui l'avaient consultés, la grande majorité était très affectée par l'angoisse de passer à l'âge adulte. De cette expérience, il a inventé le terme d'"âge adulte émergent", pour désigner cette adolescence qui se prolonge sur toute la vingtaine voire la trentaine. Pourquoi? La responsabilité vient peut-être de leurs parents.
Une étude de l'Université de Grenade en Espagne publiée en 2007 a ainsi montré que des parents trop protecteurs, les fameux parents hélicoptères selon l'expression consacrée, pouvait amener à ce genre d'angoisses. "Cela concerne plutôt des personnes dépendantes qui ont été surprotégées par leur famille, explique ainsi Humbelina Robles Ortega, professeure au département d'études de la personnalité et de psychologie de l'Université de Grenade qui a dirigé l'étude, et n'ont pas développé les compétences nécessaires pour affronter la vie d'adulte."
Trop couvés donc, ces jeunes adultes glorifient leur adolescence comme un âge d'or qu'ils font tout pour prolonger. Difficultés à prendre des responsabilités, à tenir leurs promesses mais aussi et surtout, ils éprouvent un manque important de confiance en soi qui ne se voit pas forcément au premier regard. Cela leur pose ainsi problème au travail où ils sont extrêmement anxieux à l'idée d'être jugés par leurs supérieurs. Côté vie amoureuse, le tableau n'est pas tout rose non plus. Ils enchaînent les partenaires, non pas vraiment par choix mais principalement par peur de l'engagement. Ils évitent donc d'avoir des partenaires du même âge et s'intéressent plutôt à des personnes plus jeunes.
Encore une fois, il serait périlleux de faire de ce modèle une généralité pour toute une génération, en particulier la controversée "génération Y". Une chose est sûre, si cette tendance se confirme, il faut aussi souligner que ces adulescents trouvent des solutions pour passer ce cap difficile. Ils apprennent à faire face à leurs problèmes et dans cette optique, consulter un psychologue s'est de plus en plus démocratisé. Au fond, nous avons tous en nous un Peter Pan qui sommeille. Cette génération mettra peut-être un peu plus de temps pour dompter cette peur que la précédente. Mais elle vivra aussi plus longtemps et en meilleure santé que la précédente. Et si le curseur s'est juste déplacé sur l'échelle du temps. Comme l'écrivait en 2014, Brooke Donatone, une psychothérapeute américaine sur Slate.com, 30 ans pourrait bien être le nouveau 18 ans. Un peu de patience donc, nous finirons bien par grandir.
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