Pour son étude sur le lien entre la consommation d’alcool et le fait de se considérer comme séduisant, Laurent Bègue, chercheur en psychologie à Grenoble, a été distingué à Harvard par un “Ig Nobel”. Un prix “original”, mais qui insiste pourtant sur le sérieux des sujets d’études.
« En psychologie, aucun Français n’avait encore reçu d’Ig Nobel, ça nous a bien fait rire quand on a appris la nouvelle », a réagi Laurent Bègue quelques instants après avoir reçu sa récompense.
La distinction, pour originale et insolite qu’elle paraisse, est en réalité sérieuse au point d’être décernée à l’université américaine d’Harvard, près de Boston. Depuis 1991, les Ig Nobel (contraction de “Nobel” et de l’adjectif “ignoble”) sont décernés par un jury, composé de “vrais” Prix Nobel, à des chercheurs ayant réalisé des « prouesses qui font rire les gens au premier abord, et ensuite les font réfléchir. »
Dans la nuit de jeudi à vendredi, c’est donc un chercheur grenoblois, Laurent Bègue, qui a été “ignobelisé” en psychologie, grâce à une étude menée en laboratoire et dans les bars de Grenoble. Ce travail, publié en avril 2012 par la revue “British Journal of Psychology”, a permis d’établir que plus les personnes imaginent avoir un taux d’alcoolémie élevé, plus elles ont tendance à se trouver belles et séduisantes.
M. Bègue, directeur du laboratoire interuniversitaire de psychologie (LIP) de l’Université Pierre-Mendès France, avait établi à travers cette expérience menée auprès de 94 hommes, l’existence d’un pur effet placebo dans ce domaine. « Cette étude démontre que notre rapport à ce que l’on boit, en l’occurrence ici de l’alcool, est déterminé par nos croyances sociales et non par la substance elle-même. C’est une pure illusion de s’imaginer plus beau, plus séduisant, lorsqu’on a ingurgité des boissons alcoolisées », avait-t-il expliqué, en avril 2012.
« En psychologie, aucun Français n’avait encore reçu d’Ig Nobel, ça nous a bien fait rire quand on a appris la nouvelle », a réagi Laurent Bègue quelques instants après avoir reçu sa récompense.
Pour cette étude, le chercheur avait recruté 94 hommes grâce à une annonce parue dans nos colonnes. Les sujets se voyaient alors proposer une boisson, alcoolisée pour les uns, non alcoolisée pour les autres, sans les en informer. Résultat : ceux qui croyaient avoir bu de l’alcool s’estimaient plus séduisants que les autres à la fin de l’expérience, et le phénomène n’était pas corrélé à la liste de ceux qui avaient réellement ingéré de l’alcool. D’où la mise en évidence d’un effet placebo.
« Tout le monde croit que l’alcool désinhibe, augmente l’assurance. Lorsqu’on met en cause ses croyances, ça a des conséquences sur le consommateur », en a conclu Laurent Bègue.
Le directeur du LIP s’était déjà signalé il y a quelques mois par des travaux analogues, dans lesquels il démontrait que la propension des personnes alcoolisées à devenir violentes était, elle aussi, le résultat d’un effet placebo. Il avait également montré que les jeux vidéos violents favorisaient chez les joueurs un comportement du même type, et que le phénomène s’amplifiait dans le temps. Cette découverte représentait alors, début 2012, une première en France.
Jeudi soir, devant ses confrères, Laurent Bègue s’est déclaré, non sans humour, « à la fois heureux et inquiet de recevoir l’Ig Nobel. » Il a également confessé au millier de personnes présentes que, pour s’ôter un peu de stress avant son discours, il avait bu un petit verre… d’eau.
les autres études récompensées
Par le passé, les Ig Nobel avaient, par exemple, distingué des chercheurs qui avaient dressé des oiseaux à distinguer des œuvres de Picasso de celles de Monet. Cette année, dans les autres catégories, le prix de probabilité est revenu à une étude ayant établi que plus une vache est restée allongée longtemps, plus il est probable qu’elle se relèvera bientôt. En physique, l’Ig Nobel a récompensé une étude qui prouve que certaines personnes pourraient courir à la surface d’un étang situé sur la Lune. En biologie et astronomie, des chercheurs, qui avaient découvert que les scarabées bousiers égarés retrouvaient leur chemin en regardant la Voie Lactée, ont raflé la mise. Enfin, le prix de chimie est revenu à une équipe japonaise ayant mis au jour le caractère complexe du processus qui permet aux oignons de nous faire pleurer.
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