Actualité publiée il y a 5h11mn
L’étude est signée du prestigieux Massachussetts Institute of Technology (MIT) et ces chercheurs en sciences cognitives jettent un regard neuf sur un sujet passionnant : Pourquoi le langage humain comporte autant de mots à significations multiples? L’ambiguïté est-elle un frein ou un atout dans la communication? Comment traduire et reproduire le langage humain sur ordinateur, avec son ambiguïté ? Une réflexion ambigüe publiée dans l’édition du la revue Cognition.
Les auteurs citent la théorie de Noam Chomsky, un linguiste éminent du même MIT qui suggère que si le langage est là pour répondre, il est dépassé par son objet, le savoir linguistique d’un orateur et d’un auditeur qui correspond à une réalité psychologique individuelle. Le langage n’est donc pas seulement une production de sons mais un mécanisme cognitif à part entière.
Dans un système optimisé de transmission de l'information entre un orateur et un auditeur, chaque mot ne devrait avoir qu’un seul sens, pour éviter toute possibilité de confusion ou de malentendu. Mais la nouvelle théorie de ces chercheurs est toute différente, ils suggèrent que c’est l'ambiguïté qui fait l’efficacité du discours, en autorisant la réutilisation de sons courts et efficaces, dotés de plusieurs sens, mais dont l’auditeur peut facilement lever l’ambiguïté, en fonction du contexte.
«Si certains prétendent que l'ambiguïté est un biais de communication», explique Ted Gibson, professeur de sciences cognitives du MIT et auteur principal, "une fois située dans son contexte, l'ambiguïté n'est plus un problème, c'est une flexibilité que vous pouvez exploiter, parce que vous pouvez réutiliser les mêmes mots dans des contextes différents, encore et encore."
Mais qu’est-ce que cela signifie ? Un exemple un peu ironique de l'ambiguïté, donné par les auteurs est le verbe « mean ». En anglais, cela peut signifier « signifier », mais cela peut exprimer l’idée d’une intention ou d’un objectif (Que veux-tu faire). Cela peut, comme adjectif, signifier « mesquin » ou encore dans un contexte mathématique « moyen »…Mais parce que le mot est utilisé dans des contextes différents, les auditeurs en déduisent le sens automatiquement.
L’ambiguïté simplifie le langage : En analysant la langue, les chercheurs ont pris comme principe que des mots avec le moins de syllabes, la fréquence la plus élevée et la prononciation la plus simple étaient les mots qui pouvaient prendre le plus grand nombre de significations. Ce principe a été vérifié sur un corpus d’anglais, de néerlandais et d’allemand. Le principe a été confirmé sur ces 3 langues.
Pour comprendre (et montrer) pourquoi l'ambiguïté rend le langage plus efficace, les chercheurs ont réfléchi ensuite aux motivations de l'orateur et l'auditeur. L'orateur veut transmettre le plus possible avec le moins de mots possible, tandis que l'auditeur veut comprendre le mieux possible ce que l'orateur essaie de dire. Mais comme l'écrivent les chercheurs, il est moins « coûteux » sur le plan cognitif pour l’auditeur d’extraire l’information en fonction du contexte que pour l’orateur de passer du temps sur des énoncés plus longs et plus compliqués. Le résultat est un système de communication qui tend vers l'ambiguïté, en réutilisant les mots les plus courts et les plus simples. Une fois le contexte intégré, l'ambiguïté facilite donc la communication", conclut le Pr. Piantadosi, co-auteur de l’article.
Les limites linguistiques de l’informatique : Les chercheurs précisent que la nature statistique de leur étude (nombre de syllabes, fréquence, simplicité du son) reflète une tendance générale du langage, qui évolue en fonction des nouveaux modes de communication. L'influence de l'informatique en linguistique est de plus en plus importante, commente Ted Gibson. Le traitement informatique du langage naturel (natural language processing ou NLP) est à la croisée de la linguistique et de l’informatique. Et l’auteur souligne que l'ambiguïté du langage naturel pose des défis immenses pour les développeurs de PNL.
L'ambiguïté n’est favorable qu’aux humains parce que nous possédons des mécanismes cognitifs suffisamment sophistiqués pour interpréter les ambiguïtés (disambiguating). Mais c'est extrêmement difficile à reproduire sur ordinateur. Alors que depuis longtemps, les informaticiens s’attachent à résoudre ce problème, cette étude fournit certes, une nouvelle théorie des fondements et des richesses de l’ambiguïté, mais elle ne résout pas le problème : Quelle que soit la langue, en entrée ou en sortie, ce qui coince, c’est le contexte nécessaire pour lever l’ambiguïté.
Source: MIT Media « The advantage of ambiguity” (à paraître dans la revue Cognition) (Visuel © Petr Vaclavek - Fotolia.com)
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Cette actualité a été publiée le 21/01/2012 par P. Bernanose, D. de publication, avec la collaboration
de P. Pérochon, diététicien-nutritionniste, coordinateur éditorial.
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