André Tricot, professeur en psychologie et chercheur au CLLE (laboratoire travail et cognition) s’intéresse aux apprentissages à la fois comme formateur des enseignants, et par ailleurs dans le domaine de la recherche dans le but de comprendre comment il est possible de concevoir des dispositifs informatisés, distants, qui utilisent les nouvelles technologies pour favoriser l’apprentissage.
Il nous présente sa vision sur le plaisir d’apprendre, en quatre épisodes, en passant par la définition générale d’apprendre, le travail de l’enseignant comparé à celui d’un concepteur de jeu sérieux, un questionnement sur la possibilité d’avoir du plaisir en apprenant et enfin le plaisir peut-il être un moteur pour les apprentissages.
Quatre sujets en lien avec le thème de la prochaine Université d’été de Ludovia «Plaisir et éducation numérique», à laquelle André Tricot interviendra en table ronde.
L’école, un apprentissage non adaptatif
La réflexion d’André Tricot part d’une première question, c’est qu’avant d’apprendre à l’école, il faut comprendre ce qu’est apprendre en général, dans le contexte hors de l’école. Un enfant va s’adapter à son environnement, physique, social, linguistique.
«Apprendre hors de l’école, c’est s’adapter à son environnement et à sa structure. C’est un processus implicite, inconscient et non coûteux».
Un deuxième type d’apprentissage est celui que l’on fait dans notre situation professionnelle ou dans une situation de loisirs, où, dans les deux cas, on progresse en s’adaptant.
«L’idée est que l’école, c’est tout le reste». L’école représente tous les apprentissages non adaptatifs. Pour lui, l’école existe car les apprentissages adaptatifs sont limités.
«Ce que je crois important de montrer c’est que l’école existe parce que certains apprentissages ne fonctionnent pas de façon naturelle, adaptative. L’école existe parce que certains apprentissages sont jugés utiles par une société pour ses futurs adultes et objectivement inutiles (non fonctionnels) pour les enfants au moment où ils les apprennent. S’il en était autrement, l’école serait inutile et on économiserait 6% du PIB».
«Le simple fait de grandir ne nous permet pas d’apprendre». Il donne l’exemple des sociétés où il n’y a pas d’école où les enfants apprennent énormément de choses mais qui concernent leur quotidien, essentiellement ce qu’ils vivent.
Amener du plaisir et de la motivation dans une situation non adaptative
Le travail des enseignants est donc de concevoir des situations d’apprentissage dans lesquelles le travail des enfants va être coûteux, va leur demander des efforts. Il faut donc produire de la motivation et amener à l’épanouissement de l’élève.
Cette situation ne peut être réfléchie qu’à partir du moment où on a pris conscience que l’apprentissage à l’école est non adaptatif.
André Tricot pose une question par rapport au plaisir d’apprendre, «peut-on s’épanouir en apprenant ou est ce que le plaisir n’est pas lié au fait d’apprendre mais seulement à la situation dans laquelle on apprend»?