CERTAINS PONCIFS ONT la vie dure. Comme celui de l’influence des phases de la Lune sur notre humeur voire notre santé mentale. Professeur à l’École de psychologie de l’université Laval à Québec, Geneviève Belleville a publié le 15 novembre dernier une étude sur le sujet dans la revue General Hospital Psychiatry. Bilan ? Arrêtez de mettre votre mauvaise humeur et vos insomnies sur le dos de la Lune, elle n’y est absolument pour rien.
L’équipe de chercheurs autour de Geneviève Belleville a mis en rapport le nombre de personnes arrivant avec des troubles psychologiques aux urgences de l'hôpital Sacré-Coeur de Montréal et de l'Hôtel-Dieu de Lévis avec les phases de la Lune. Le tout sur une période allant de mars 2005 à avril 2008.
Après avoir été expurgé des patients en proie à des problèmes cardiaques, le corpus de recherche s’est concentré sur 771 personnes souffrant de « douleurs poitrines non-élucidées », c’est-à-dire imputées à aucune cause médicale. En revanche, un stress, une angoisse s’accompagnent souvent de telles douleurs. « Une évaluation psychologique a permis d'établir qu'une proportion importante de ces patients souffrait d'attaques de panique, de troubles d'anxiété, de troubles de l'humeur ou d'idéation suicidaire » indique un communiqué de l’université de Laval.
L’anxiété, 32% moins fréquente lors du dernier quartier
Les chercheurs ont relevé la date d’arrivée de chaque patient et retrouvé à quelle phase de la Lune elle correspondait. Suite à une simple analyse statistique, ils ont alors vu que la fréquence des troubles n’était pas plus ou moins importante en fonction de telle ou telle phase. Sauf pour l’anxiété, 32% moins fréquente lors du dernier quartier. Sans que l’équipe n’en détermine toutefois la raison (peut-être juste le hasard).
La pleine Lune ne s’accompagne d’aucune recrudescence de troubles psychologiques, ni dans les trois jours suivants ou les trois jours précédents. Oubliez les loup-garous à ces moments-là... Dans le détail, il y a eu 190 visites lors de pleines Lunes, 192 en nouvelle Lune, 189 et 142 pour les deux quartiers.
La pseudo-influence de la Lune n’est pas une croyance propre à faire se gausser les professionnels de la santé. L’étude, et c'est en fait son enseignement principal, révèle que pas moins de 80% des infirmières et 64% des médecins y croient ! Pour eux, la pleine Lune irait de paire avec plus d’accouchements, de suicides, de comportements bizarres voire de violence. Or, ce n’est pas du tout le cas. C’est d’ailleurs le problème, pour les chercheurs: cette croyance au sein même du personnel hospitalier risque de biaiser leur jugement. Il serait indispensable qu'il s'en défasse pour mieux exercer leur métier.
Arnaud Devillard
Sciences et Avenir
22/11/2012