Cet article fait part d’une réflexion sur les comportements et les antagonismes des terroristes du 13 novembre. Les évènements de Paris interpellent en effet sur le profil psychologique des terroristes massacrant soit-disant « par amour de dieu ». On peut remarquer que deux éléments antagonistes s’associent régulièrement dans la propagande et les actes terroristes de Daech : un discours religieux et un discours de haine.
Le sentiment de haine ou de vengeance (à l’origine de l’acte de tuer et de se tuer) ne relève en rien d’un acte d’ « amour » comme on l’entend dans la religion, mais bien uniquement d’un acte de haine. Dans ce cas extrême, la propagande djihadiste sert de double discours visant à brouiller les cartes et masquer les véritables desseins de l’organisation. Est-ce véritablement – comme on l’entend fréquemment dans les revendications des djihadistes – la haine de l’Occident, des mécréants ou du capitalisme ? Ou une haine plus profonde de soi-même, un défaut d’estime de soi et de reconnaissance dans la société ?
L’antagonisme entre religion et terrorisme
Si on reprend les principes les plus communément répandus de l’Islam, l’homme ne devrait pas consommer d’alcool ou de drogue, ni en faire la publicité ou le commerce. En effet, si une matière est considérée impure à la consommation, il faut s’en préserver et en préserver son entourage. Pour cela, il ne faudrait pas inciter autrui à la consommation.
Or, avant de se radicaliser dans le terrorisme et l’extrémisme religieux, les frères Abdeslam – parmi les auteurs des attentats à Paris le 13 novembre – ont tenu un bar à Bruxelles. L’établissement aurait été le lieu de trafic de substances illicites et selon certains témoignages les deux individus consommaient régulièrement alcool et cannabis. La religion musulmane indique à l’homme (et à la femme) de n’avoir aucun rapport sexuel en dehors de la relation conjugale. Or, on apprend que ces mêmes terroristes fréquentaient le milieu de la prostitution en Belgique.
Ces éléments nous indiquent que ces soit-disant représentants de la religion musulmane avaient une vie « dépravée » pour reprendre les termes même de leur propagande. En condamnant chez les autres, avec violence et radicalisme, leurs propres vices, on peut s’interroger du regard qu’ils avaient sur eux-mêmes.
La naissance du déséquilibre émotionnel
Les personnes qui ont été victimes de la barbarie des terroristes représentent le symbole extérieur de leur dépravation antérieure : sortir, boire, fumer, flirter, etc. Ils représentent aussi leur incapacité à croire et à tolérer que quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes puisse avoir une religion. Les personnes visées semblent avoir le même profil qu’eux mais à y regarder de plus près, ces personnes ont pour la plupart un métier, une vie de famille et une activité dans la société.
On peut alors imaginer en se projetant des années en arrière – avant leur radicalisation – le désarroi de ces jeunes, écartelés par un modèle familial bien loin de leur propre mode de vie. Un équilibre qu’ils n’ont pas su construire entre la transmission familiale et leur réalisation personnelle dans la société. Leur parcours se construit alors de ces antagonismes, d’un conflit interne entre la morale de leur religion et leurs désirs humains exacerbés.
De ce déséquilibre trop grand a pu naître chez eux la bascule irrationnelle d’un extrême à l’autre : tuer des hommes au nom de principes qu’ils n’arrivent pas eux-mêmes à s’appliquer. D’où le double discours omniprésent chez les djihadistes construit autour de théories complotistes s’écartant de la réalité et justifiant les meurtres et la terreur. On peut penser qu’autant ils ont refusé la morale du cadre familial, sociétal ou religieux, autant ils ont détesté l’image de leurs accomplissements chez les autres.
La recherche d’identité
Se pose aussitôt la question de la construction de leur identité. L’identité de ces djihadistes aurait été déséquilibrée par une pensée radicale allant d’un extrême à l’autre, sans possibilité de nuances. Cette absence de modération serait la cause d’une source interminable de conflits entre l’environnement extérieur et l’environnement intérieur de l’individu. Les conflits extérieurs devenant alors avec le temps des projections des conflits intérieurs, sans possibilité de les nuancer et en se plaçant en rupture avec la société.
De là naît un sentiment d’exclusion, l’appropriation personnelle d’un discours propagandiste radicale et son application en acte barbare dénué de toute humanité et de toute compassion. De là naît aussi la haine sans distinction et sans justification, l’individu ayant perdu tous repères avec la réalité du monde et de la nature humaine.
On retrouve ici la conséquence extrême d’individus en manque de reconnaissance dans notre société, tiraillés entre leur mode de vie et les principes de leur cadre culturel, incapables de trouver des repères et de développer de la bienveillance envers eux-mêmes et donc envers les autres. On peut se poser aussi la question du rôle de nos sociétés dans ces évènements, elles-mêmes tiraillées entre le meilleur et le pire.
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