Tokyo Envoyée spéciale - Tsuneyuki Abe, professeur de psychologie de l'université Tohoku de Sendai, ignorait que ses travaux allaient être expérimentés dans des conditions extrêmes, après le tremblement de terre du 11 mars. Cet universitaire assurait que le fait de prendre soin de sa peau avait un effet apaisant et pouvait agir comme antidote au sentiment de malheur. Il s'était aussi attaché à démontrer que le geste de se maquiller peut donner du courage aux femmes.
C'est ce qu'a vérifié sur le terrain Miyako Okamoto, la maquilleuse la plus cotée de Shiseido. Celle qui s'occupe habituellement d'embellir stars ou mannequins pour les publicités ou les défilés de mode, a participé, comme 359 bénévoles du siège à Tokyo, aux actions d'aide aux victimes du tsunami mises en place par le groupe.
Miyako Okamoto est partie sur les lieux "fin avril. Nous sommes arrivés dans des paysages dévastés", raconte-t-elle. Les bénévoles ont d'abord proposé aux réfugiés des massages des mains et du visage. "Ils habitaient dans des refuges, des écoles, des gymnases. Des cartons leur servaient à s'isoler, trouver un peu d'intimité", dit-elle.
Shiseido avait envoyé massivement des produits d'hygiène de première nécessité dans les régions de Fukushima, Iwate et Miyagi. Des produits à utiliser sans eau, comme 10 000 bouteilles de shampooing sec, autant de flacons de savon liquide et de désinfectant pour les mains. Avant de faire parvenir aux sinistrés une seconde donation de 90 000 démaquillants, des milliers de tubes de crème pour les mains...
Miroirs
"Un mois après le séisme, les femmes ne pensaient pas à se maquiller, ce n'est qu'après qu'elles ont souhaité retrouver ces gestes de soins quotidiens, dit Miyako Okamato. Il faisait froid et les réfugiées portaient des masques. On ne voyait donc que leurs yeux et leurs sourcils, que nous avons maquillés. C'est la partie du visage la plus importante pour les Japonaises."
Un peu plus tard, les femmes qui travaillaient de nouveau ont recommencé à mettre du rouge à lèvres. Cela leur donnait du courage. A leur demande, les sinistrées ont aussi reçu des miroirs. "Le fait de se maquiller permettait aux femmes de retrouver une estime d'elles-mêmes et rassurait aussi leurs enfants, qui retrouvaient le visage familier de leur mère", assure Miyako Okamoto.
Mi-novembre, 71 565 personnes n'avaient toujours pas regagné une maison et restaient dans des logements précaires. Neuf cent trente étaient encore abritées dans des refuges, selon les autorités.
Nicole Vulser