L'auteur a enquêté dans différents endroits du monde, écoles, entreprises, hôpitaux, usines, prisons, pour découvrir qu'il y a des solutions à nos problèmes. Selon lui, devant les difficultés, il faut savoir prendre du recul, admettre ses erreurs et opter pour des solutions lentes à long terme. Dans un monde où tout va trop vite, nous nous sommes arrêtés le temps d'une rencontre avec un père de famille qui est heureux d'avoir ralenti et qui, grâce à cela, voit la vie avec beaucoup plus d'optimisme.
Quel a été l'élément déclencheur de votre premier livre, Éloge de la lenteur, qui est un succès mondial?
Avant d'écrire mon premier livre, ma vie était une véritable course contre la montre. Même les moments intimes avec mes enfants devaient se faire rapidement. Au moment de les coucher, j'étais incapable de ralentir, alors je faisais une lecture dynamique de Blanche-Neige en sautant des lignes et parfois des pages entières! J'étais pressé, fatigué et stressé comme tous les parents. Pour mon fils, il y avait trois nains au lieu de sept ! Lorsque j'ai vu qu'il existait une version accélérée de Blanche-Neige en 60 secondes, j'ai pensé dans un premier temps que c'était génial. Puis, c'est là où je me suis dit: non, je ne peux pas continuer comme ça. C'est impossible. Ç'a été une grande révélation.
Vous proposez des solutions lentes à long terme pour régler les problèmes de notre société. Vous suggérez notamment d'apprendre à reconnaître ses erreurs.
Oui. J'ai l'impression que nous sommes piégés dans cette culture de la vitesse. Ça fait mal à nos entreprises et à la société, car on est toujours à la recherche du remède miracle immédiat... Les erreurs, c'est le point de départ de toute bonne solution. Reconnaître qu'on s'est trompé.
La pression est omniprésente. On veut tous être parfait et vivre dans l'utopie. C'est une libération d'accepter ses erreurs. En Angleterre, la Wimbledon School a instauré la semaine consacrée aux erreurs (failure week). Quelle belle initiative! C'est tout le contraire de ce que nous vivons. À l'école, normalement, on est pénalisé si on fait des erreurs alors que ça fait partie de l'apprentissage. Reconnaître ses erreurs, c'est contraire à la culture ambiante de performance. C'est presque révolutionnaire! Alors que les gens les plus intéressants, ceux qui ont changé le monde, ce sont ceux qui ont fait des erreurs.
Avez-vous vraiment ralenti?
Oui et c'est un grand soulagement! J'ai écrit trois livres sur le sujet et si je ne pouvais pas mettre en pratique ma propre philosophie, ce serait grave. J'ai apporté de vrais changements dans ma vie.
Avant, j'étais toujours pressé, je comptais les secondes. Aujourd'hui, j'ai un emploi du temps intéressant, je fais beaucoup de choses, mais j'ai oublié la sensation d'être pressé. Je prends le temps. Je ne suis pas un fondamentaliste de la lenteur. Il n'est pas question de tout faire à pas de tortue, ce serait absurde, mais il faut choisir la bonne vitesse. Il y a des moments où il faut aller vite et d'autres où il faut ralentir. Prendre un peu de recul est important. C'est un juste équilibre entre rapidité et lenteur.
Qu'est-ce que le mouvement slow a apporté à la société?
Je suis beaucoup plus optimiste aujourd'hui qu'il y a 10 ans. D'un côté, la société a continué son accélération. De l'autre, le courant pour la lenteur a progressé. On le sait aujourd'hui: tous les experts du yoga qui embrassent la lenteur travaillent avec des cadres de grandes entreprises. Les hauts dirigeants commencent à comprendre que la lenteur peut les aider et peut entraîner plus de productivité. Ça améliore la qualité de vie, la santé et le bonheur des employés. Quand la direction d'Amazon se réunit, les dirigeants commencent toujours leur réunion par 30 minutes de silence et de réflexion. De cette façon, ils sont beaucoup plus efficaces. C'est un bel exemple de ce que j'appelle le «délicieux paradoxe de la lenteur». Le fait de ralentir donne de meilleurs résultats. Prendre une pause permet d'être plus efficace. La méditation a gagné beaucoup de terrain dans le monde des affaires en Amérique du Nord. Pourquoi? Parce qu'elle a un effet bénéfique. Elle augmente la concentration et la créativité. Les patrons traitent et gèrent plus rapidement leurs problèmes, car ils sont reposés.
J'aime beaucoup ce paradoxe. Ça nous rend plus forts, plus riches, plus humains. Ça fait du bien.
Est-il important pour notre santé de nous débrancher?
Aujourd'hui, les entreprises nous envoient enfin ce message qu'il est bon de se débrancher. Hewlet Packard a fait une étude sur le fait d'être toujours branché. Le résultat, c'est que le niveau du coefficient intellectuel baisse de 10 points. On a tous validé l'idée que c'était résolument moderne d'être joignable et accessible en tout temps et que c'était hyper productif. C'est l'inverse. Ça nous abrutit alors que ce n'était pas l'objectif.