Pourquoi se trouve-t-on séduisant lorsqu’on consomme de l’alcool

Dans les films ayant le plus de succès en salle, les études montrent que les protagonistes séduisants ont plus souvent que les autres un verre à la main.

 

Bande-annonce de "Crazy Stupid Love".

 

Le psychologue David McIntosh a codé et analysé les comportements de 832 personnages de films [1] consommant ou non de l’alcool dans 100 films tirés au sort parmi les plus grands succès en salle entre 1940 et 1990. Par rapport à des non-consommateurs, les personnages qui buvaient de l’alcool étaient beaucoup plus souvent dépeints comme attirants ou ayant une activité romantique.

 

Il existe donc un modèle très prégnant selon lequel l’alcool et l’attractivité seraient liés. A chaque fois que nous buvons un verre d’alcool, deux types de transformations se produisent. Certaines relèvent des conséquences psychopharmacologiques de la molécule d’éthanol sur notre cerveau, d’autres concernent les croyances et attentes psychologiques culturellement liées au produit.

 

Quand boire c’est croire

 

Dans une étude récente que nous venons de réaliser à l’université de Grenoble [2], nous avons commencé par interroger 19 consommateurs d’alcool dans un bar en leur proposant de remplir un questionnaire qui mesurait leur perception d’eux-même. Il soufflaient ensuite dans un éthylomètre. Les résultats ont montré que plus ils étaient alcoolisés, plus ils se trouvaient attirants.

 

Dans une deuxième étude, 94 hommes ont été recrutés par voie de presse pour participer à un test de boissons dites énergétiques destinées à être commercialisées par une société fictive appelée "Stat Aliment". Après un premier échange téléphonique, les candidats à la dégustation venaient consommer plusieurs verres contenant ou non de l’alcool, et croyaient que cette dégustation allait servir de prétest avant commercialisation.

 

Dans les verres qui étaient servis, certains avaient une quantité d’alcool (vodka mélangée à un jus de fruit servi glacial et très sucré) induisant une alcoolémie de 1g par litre de sang, tandis que les autres avaient la même boisson mais exempte d’alcool. Dans chacun de ces deux groupes, on disait à certains que leur boisson ne contenait aucune trace d’alcool (mais avait un goût d’alcool, car elle était destinée à des consommateurs appréciant cette saveur mais sans vouloir boire d’alcool) et à d’autres qu’elle était très alcoolisée (contenant l’équivalent de 5 verres de vodka).

 

Puis, après un délai permettant d’atteindre une alcoolémie maximale, les participants devaient rédiger un court message publicitaire destiné à être potentiellement utilisé par la société de test, et étaient ensuite filmés par une jeune femme pendant qu’ils le présentaient. On leur demandait ensuite de s’auto-évaluer sur les mêmes critères que ceux employés dans la première étude. Dans une dernière étape de l’étude, 22 personnes ont visionné les vidéos sans connaître ce que les participants avaient bu, et avaient pour consigne de se prononcer sur leur attractivité.

 

Les résultats ont montré que le simple fait de croire qu’ils avaient bu de l’alcool suffisait à ce les participants se trouvent plus attirants. Il s’agissait d’un effet purement placebo. En revanche, aucun effet n’a été constaté concernant la dose d’alcool elle-même sur leur perception d’eux-mêmes. Enfin, ni la dose d’alcool véritablement ingérée ni la dose qu’ils croyaient avoir ingérée n’étaient liées à l’appréciation faite par des observateurs ayant visionné les vidéos. 

 

De cette étude on peut donc conclure que l’alcool conduit celui qui le consomme à se trouver plus séduisant, que ce phénomène est un effet placebo, et que cette impression est purement illusoire.

 

L’effet sexuellement excitateur de l’alcool : un effet placebo !

 

Un couple buvant de l'alcool (SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA).

Un couple buvant de l'alcool (SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA).

 

L’effet placebo de l’alcool s’applique aussi au domaine sexuel : des personnes que l’on conduit simplement à croire qu’elles ont bu de l’alcool (sans qu’elles n’en consomment en réalité) sont sexuellement plus excitées, ou montrent plus d’intérêt pour la sexualité. Par exemple, Alan Lang, de l’université d’État de Floride, a demandé à des volontaires d’observer des photographies érotiques et d’évaluer leur caractère esthétique après avoir consommé un jus de fruit ou une boisson censée contenir de l’alcool [3].

 

Sans que les participants le sachent, ce chercheur a mesuré le temps qu’ils passaient à regarder chaque photographie, considérant qu’il s’agissait d’un indicateur de leur intérêt pour le sexe. Il a montré que ceux qui croyaient avoir bu de l’alcool passaient plus de temps à regarder les photographies érotiques.

 

Dans une autre étude, des sujets devaient observer, par binômes, des photographies érotiques après avoir consommé une boisson alcoolisée ou non. La durée d’exposition à chaque diapositive était choisie par l’un des deux participants, auquel on communiquait les instructions suivantes : "Observez chaque diapositive aussi longtemps que vous-même et votre binôme souhaitez la regarder".

 

Il s’agissait donc pour l’individu de déterminer dans quelle mesure son binôme souhaiterait être exposé à des scènes érotiques. Lorsque celui-ci croyait avoir consommé de l’alcool (ou pensait que son binôme en avait consommé), il jugeait que la désinhibition sexuelle de son partenaire était accrue et le temps de visionnage des photographies érotiques augmentait.

 

Ces recherches indiquent que les effets de la consommation d’alcool ne se limitent pas à ses conséquences pharmacologiques, mais comprennent également des phénomènes relevant des significations culturelles de cette substance.

 

 

[1] McIntosh, D. (1999). Nondrinkers in films from 1940 to 1989. Journal of Applied Social Psychology, 29, 6, 1191-1199.

[2] Bègue, L., Bushman, B., Zerhouni, O., Subra, B. Ourabah, M.(2012)'Beauty is in the Eye of the Beer Holder': People Who Think They are Drunk also Think They are Attractive" British Journal of Psychology, in press.

[3] Lang, A. R., Searles, J., Lauerman, R., Adesso, V. (1980). Expectancy,alcohol, and sex guilt as determinants of interest in and reaction to sexual stimuli. Journal of Abnorrnal Psychology, 89, 644-653.

 

 

Pour en savoir plus : Psychologie du bien et du mal http://www.facebook.com/#!/pages/Psychologie-du-bien-et-du-mal/187125121348087

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