1Les sciences cognitives représentent désormais un vaste champ d’investigation qui touche et influence de nombreuses disciplines (psychologie, musicologie…) et approches (constructivisme…). L’éclatement de sens qu’a subi le concept de cognition demande un effort d’éclaircissement, « Les sciences cognitives. Dépasser les frontières disciplinaires » en rassemblant neuf contributions pluridisciplinaires permet de positionner la cognition en tant que concept interdisciplinaire. C’est à cette condition que nous pourrons aller vers une connaissance transdisciplinaire et donc une meilleure compréhension de l’humain.
2La première recherche en neurosciences (chap. 1) expose l’avancée de nos connaissances concernant la mémoire grâce à l’observation de patients, l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle et les expérimentations chez l’animal. Le travail entrepris concerne la matérialité de la trace mnésique dans un cerveau en perpétuelle réorganisation des ses réseaux neuronaux. Mémoriser consiste à réactiver nos neurones lesquels ont déjà vu leurs propriétés transformées par l’intermédiaire d’expériences antérieures. Dans ce domaine, la convergence entre les neurosciences moléculaires, cellulaires et cognitives est très prometteuse. La deuxième étude (chap. 2) développe l’idée que parallèlement aux aspects spatiaux du fonctionnement du cerveau, il est nécessaire d’étudier le temps en tant que facteur essentiel de la cognition. Il est précisé que probablement la coordination et l’organisation temporelle des décharges neuronales seraient à l’origine de la perception consciente. Perception et mémoire ne sont pas séparables. Notre mémoire est modulée par nos percepts et nos émotions qui sont influencés par nos constructions mnémoniques. Ainsi, la mémoire conditionne à la fois notre capacité à percevoir et à nous projeter dans l’avenir.
3La psychologie cognitive (chap. 3) est située à la fois par rapport à l’approche béhavioriste et l’apport de la neuroimagerie. Il est souligné que si la neuroimagerie est un indicateur cérébral qui permet de comprendre comment fonctionnent les neurones individuellement et ensemble, cela ne nous dit absolument rien de la façon dont le cerveau fabrique un état mental. Il est donc nécessaire d’associer à la neuroimagerie, les règles méthodologiques de la recherche expérimentale.
4Des expériences en neurophonétique (chap.4) montrent par ailleurs, que l’analyse des mécanismes cérébraux peut aider à interpréter les processus cognitifs qui sous-tendent la production et la perception du langage parlé. Ainsi la phase d’acquisition de la parole chez l’enfant est-elle accompagnée de représentations mentales associant l’audition, la vue et la kinesthésie. Les représentations phonologiques pourraient être « perceptivo-motrices ». À partir de l’étude des neurones miroirs, il semble accepté, à l’heure actuelle, que les aires motrices et corticales assurent également une fonction perceptive ou cognitive.
5La diversification des supports (chap.5) permet plus de finesse dans l’analyse du fonctionnement cognitif. Ainsi, l’utilisation du dessin animé a-t-il permis une meilleure compréhension du fonctionnement cognitif de l’enfant sourd.
6Les expériences esthétiques comportent, elles aussi, une dimension cognitive (chap.6). Les différentes interprétations possibles devant une œuvre renvoient à différentes perceptions mais aussi à l’implication corporelle du spectateur dans l’image. La réception esthétique serait une articulation entre perception et cognition. La perception modifie la cognition et vice versa. Ces immersions esthétiques s’accompagnent à la fois d’une abstraction au monde et d’une implication corporelle.
7De la même façon les soubassements physiologiques de l’adhésion à la fiction théâtrale (chap.7), montrent que le spectateur se trouve dans une situation proche de l’hypnose. Il existe, dans ce cas, une diminution de l’attention à la réalité extérieure et notamment à son corps et à soi. La dissociation transitoire entre expérience mentale et physique agit, comme dans l’hypnose, lors de la suggestion d’hypothèse. L’adhésion à la fiction induit donc une modification de l’état de conscience.
8Il est également question d’adhésion et de désadhésion dans la recherche sociologique (chap.8) qui suit. Celle-ci vise la modélisation de la dynamique des croyances « irrationnelles », donc des processus de changement de croyance, notamment, dans ses aspects statiques et dynamiques. Quatre phases se révèlent constitutives du processus de changement de croyance : l’adhésion partielle ; inconditionnelle ; l’effritement ; l’ouverture épistémique. Ces ruptures émotionnellement intenses sont cognitivement déstabilisantes.
9La dernière communication (chap.9) concerne la reconnaissance sociale et l’émotion qui jouent un rôle important dans le fonctionnement cognitif. Nous intériorisons des repères de reconnaissance sociale qui nous permettent de faire coïncider nos attentes avec les intentions d’autrui. Ces repères visent à éviter des différentiels trop importants entre nos attentes et les réactions d’autrui. En effet, l’émotion intense suscitée par les dégradations sociales trop importantes peut conduire à la dépression.
- 1 Revue d’histoire des sciences humaines : « Les sciences cognitives. Dépasser les frontières discip (...)
- 2 Antonio Damasio : « L’autre moi-même. Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émo (...)
- 3 Alain Berthoz : « La simplexité », Odile Jacob, 2010.
- 4 Jean-Philippe Lachaux : « Le cerveau attentif », Odile Jacob, 2011.
- 5 Christian Marendaz : « Du regard à l’émotion : la vision, le cerveau, l’affectif. », Le Pommier, 2 (...)
- 6 Patrick Davoux : « Le nouveau totem », Science ouverte, Seuil, 2011.
- 7 P. Buser C. Debru : « Le temps, instant et durée. De la philosophie aux neurosciences », Odile J (...)
10Les sciences de la cognition sont en pleine évolution. Toute personne intéressée par les implications/applications de ces travaux, et se questionnant sur les possibilités de mutualisation interdisciplinaires, trouvera des éléments de réponse à ses questions dans l’ouvrage en question. Le lecteur soucieux de poursuivre sa quête de compréhension de l’humain pourra également consulter le n°25 de la revue d’histoire des sciences humaines1. Ces deux publications constituent des outils, des clés de lecture utiles pour lire par exemple : Antonio Damasio2, Alain Berthoz3, Jean-Philippe Lachaux4, Christian Marendaz5, Patrick Davous6, P. Buser et C. Debru7.